Chronique anti-girly #10 : Une femme qui se respecte

15 novembre 2011
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La formule est fréquente, on entend assez souvent parler, particulièrement les « vrais gens » à la télé, dans la rue ou au café, de cette « femme qui se respecte ». La plupart du temps accompagnée de la modalisation injonctive « il faut » : il faut être une femme qui se respecte. Ok. C’est sensé. Ça se tient. Même, ça paraît logique, justifiable et… respectueux.
C’est quoi, une « femme qui se respecte » ? Une femme qui respecte la femme ? Une féministe, en somme ? Et quelle femme ? La femme qui est en elle ? Ou la femme que l’on voit – que l’on veut voir – en elle ?

Jouer au hand et mettre du rouge ?

Ce qui sous-tend, assez généralement, à cette femme qui se respecte, c’est la question de la féminité. Et ce qu’on remarque assez facilement, c’est que, selon la bouche qui prononce la formule, la question de la féminité a un rapport différent avec le respect impliqué.
Pour les uns, une femme qui se respecte sera celle qui sait mettre en valeur sa « féminité ». Et alors la pas maquillée, pas gommée, pas épilée peut aller se rhabiller (qu’elle coure au moins enfiler une jupe, la vilaine !). Même pas la peine de penser à celle qui joue au hand, qui jure parfois quand elle change sa roue, qui fait systématiquement cramer la pizza (qu’elle aille se faire cuire un œuf !). Quant à celle qui jurerait quand elle se casse un ongle, c’est un mystère que la nature n’a pas encore inventé…
Pour les autres, c’est le contraire. Une femme qui se respecte sera celle qui sait mettre sa « féminité » en veilleuse au lieu de la r-allumer sans cesse. Et alors la pas discrète, pas réservée, pas austère peut elle aussi aller se rhabiller (avec un col roulé si possible). Même pas la peine de penser à celle qui danse la salsa, qui allaite en public, qui ne sort pas sans son rouge (et après, elle s’étonne…). Quant à celle qui verse une pension alimentaire à son ex, elle est juste digne d’un cabinet de curiosités.

Bizarrement, on constate assez rapidement que cette « femme qui se respecte » est une formule d’homme, qu’elle sorte de la bouche d’un cadre paternaliste ou de celle d’un jeune de cité. À la Question des Féminismes répond celle des machismes, tout aussi pluriels. Un point commun rassemble pourtant toutes les formes de machismes. Qu’ils sanctifient la femme ou qu’ils l’infériorisent, ils édictent des règles, un cadre que la femme se doit de « respecter ». Pour ne pas risquer d’être trop jolie ou pas assez, trop gentille ou pas assez, trop maternelle ou pas assez, la « femme qui se respecte » se retrouve à évoluer sur un parcours mince comme un fil, funambule forcée pour satisfaire les autres avant elle.

Respecte-moi toi-même

En bref, une « femme qui se respecte », c’est avant tout une femme qui respecte les codes de féminité que son entourage veut bien lui imposer. Une « femme qui se respecte », c’est surtout une femme que les autres estiment digne de respect. Aussi, à chaque fois qu’un homme emploie la formule « une femme qui se respecte », faut-il bien entendre « une femme que je respecte ». Nuance. De taille.
N’empêche, la formule est bien là. Elle déteint à tel point que des femmes aussi l’emploient, revendiquant d’être, elles, des femmes qui se respectent. À ces hommes et ces femmes, une seule réponse : « Respecte-moi, toi-même. »

Si on demandait à un homme d’être « un homme qui se respecte », ça donnerait quoi ?

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2 Responses to Chronique anti-girly #10 : Une femme qui se respecte

  1. 17 février 2012 at 0 h 29 min

    Bien résumé.
    Quelqu’un qui use et abuse de l’expression « une femme qui se respecte » sous-entend que toute femme ne se soumettant pas à ses critères ne mérite pas le respect. Machos de tout poil, bonjour.
    Et les nanas qui l’emploient (souvent dans un contexte d’opposition [pute = les autres / pas pute = moi] se sont bien fait couillonner par la dictature de la bite qui souhaite imposer une lutte acharnée opposant les femelles pour la conquête du glorieux pénis.

  2. Fiasco
    17 novembre 2011 at 14 h 32 min

    …L’homme qui se respecte était le trouduc de la pub gilette, rappelez vous…

    Excellent billet.

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