Le 18 mars est sorti le nouvel album très attendu de Tori Amos, Unrepentant Geraldines. Pendant trois jours, je l’ai écouté sur Deezer et je suis enfin prête à donner un avis.
Tout d’abord, je dois vous prévenir : j’ai derrière moi une longue carrière de fan de Tori Amos. Je l’adorais quand j’avais sept ans (bon, je la confondais avec Céline Dion, mais on ne forme une oreille musicale en deux jours). A quatorze ans, j’ai redécouvert Little Earthquakes, son premier album, qui restera mon disque préféré jusqu’à la fin de mes jours. J’ai écouté ses chansons pendant des heures, en savourant les émotions les unes après les autres, j’ai acheté chaque album à sa sortie, en me forçant à ne pas les écouter plus d’une fois par jour pour ne pas m’en lasser trop vite, je les ai dégustés, réécoutés, décortiqués. Dans les années 2000, quand ses opus sont devenus interminables, enveloppés dans des concepts plus ou moins efficaces, et que les premières mauvaises chansons ont fait leur apparition au milieu des 80 minutes de musique réglementaires, j’étais toujours là. Malgré les scories, les paroles parfois maladroites et un son dangereusement proche de la pop-soupe, je suis restée fidèle au poste. Les perles rares étaient toujours là, et ça valait bien la peine d’attendre patiemment que se terminent « The Power of Orange Knickers » ou « 1000 miles » quand au milieu se cachaient des joyaux comme « Barons of Suburbia », « Starling » ou « Lady in Blue ». Je me disais qu’un jour, Tori se lasserait des albums qui n’en finissaient plus, continuerait à mûrir et nous livrerait un chef-d’œuvre. Alors j’ai attendu.
Quand Unrepentant Geraldines est sorti, j’y ai cru, à ce retour aux sources. Cinquante-huit minutes à peine, quatorze titres, pas de concept d’ensemble, les fans de la première heure sont ravis. « Trouble’s Lament », le premier single, ne m’a pas beaucoup impressionnée, mais on y entendait des influences folk prometteuses. Je me suis jetée sur l’album à peine arrivé sur Deezer, en espérant courir chez le disquaire dans l’après-midi. Le disquaire m’attend toujours.
Unrepentant Geraldines n’est pas un mauvais album, loin de là. C’est même très joli. Les mélodies sont douces, délicatement rock, la voix plane et caresse. Les chansons parlent de la vieillesse approchante, des États-Unis, de couples un peu perdus. Le célèbre piano est toujours là, sous une guitare pas très marquante, mais agréable à entendre. Les rythmes s’enchaînent du folk au gospel et à la musique irlandaise, entrecoupés de morceaux intimistes accompagnés au piano seul. On se verrait bien écouter tout ça un soir d’été sur la terrasse, en pensant que le temps passe bien vite mais que ce n’est pas si grave.
Seulement, si j’ai suivi Tori Amos pendant toutes ces années, ce n’était pas pour du « joli », de l’« agréable », du folk doux. Je me rends compte à présent que ce n’était même pas pour du retour aux sources. Si je suis restée, album après concert, c’était justement pour cet ingrédient secret que j’ai cherché en vain à travers ces quatorze dernières chansons : cette insolence, ce gros bras d’honneur à ce qu’attendent la musique, l’époque et même les fans, cet enthousiasme inextinguible. Dans un « joli » album, où retrouver la hargne ? L’arrogance, les introductions inécoutables et pourtant bouleversantes, la sensualité comme une claque en pleine face ? Où sont passés ces concepts d’ensemble, ces « Chaque-chanson-représente-une-ville » et ces « Je-m’invente-un-personnage-qui-symbolise-un-truc » un peu pompeux, mais qui fonctionnaient on ne sait pas comment ? Qu’on me rende les chansons médiocres pourvu qu’on mette les chefs-d’oeuvre avec. Et tant pis pour les sources. Je veux bien m’agacer si je peux tanguer, frémir ou être au bord des larmes à la chanson suivante.
Cela devait bien arriver un jour : ce nouvel album n’ira pas rejoindre les autres dans ma discothèque. Pas parce qu’il ne vaut rien, mais parce qu’un ordinateur suffisamment sophistiqué, nourri à coup de Little Earthquakes, de Strange Little Girls et de Scarlet’s Walk aurait pu l’écrire. Parce que je n’arrive pas à me faire à l’idée que je puisse écouter un album de Tori Amos pour la première fois en travaillant sans être déconcentrée une seule fois.
Je n’achèterai pas le dernier Tori Amos.
Je m’en vais de ce pas enterrer mon adolescence.
Bien d’accord, malheureusement… Moi aussi, je suis pourtant fan de Tori depuis le début, moi aussi j’ai attendu (avec un mélange de respect et d’indulgence) de retrouver ce « quelque chose », cette étincelle qui nous l’a rendue si unique, si fascinante. En me disant qu’elle allait se réveiller, nous réveiller, après quelques petites baisses de régime (qui devenaient pourtant de plus en plus perceptibles ces derniers temps). Mais force est de constater : je suis très déçue par ce dernier album… Avec toute l’admiration que j’ai pour elle, qui m’a accompagnée telle une « grande sœur » musicale, désolée mais je trouve qu’elle s’embourgeoise ! C’est triste, mais ça fait du bien de voir qu’il y a d’autres fans déçus (à voir les commentaires sur la toile, sommes nous si peu ?). Cette fois, je crois que c’est vraiment la fin…
Oui, moi aussi j’ai été assez surprise des réactions globalement positives. Je crois que les gens se sont beaucoup focalisés sur les « albums-concepts », et qu’ils étaient tellement contents de les voir s’arrêter qu’ils en ont oublié qu’au fond, ce dernier disque n’est pas vraiment à la hauteur de ce dont elle a pu être capable un jour.
Je vais continuer à la suivre, mais sans trop d’espoir maintenant…