Les Méditerranéens sont réputés pour avoir le sang chaud. Malheureusement, parfois, ce sang peut aussi être malade. En cause ? La thalassémie, une maladie génétique héréditaire qui touche l’hémoglobine et qui est largement présente parmi les populations du pourtour méditerranéen, mais aussi dans certains pays d’Asie et d’Afrique, d’où son nom, puisque thalassa en grec ancien signifie « mer ». Peu connue mais très répandue, la thalassémie, sous sa forme majeure, quand la personne est porteuse des deux gènes, se traduit essentiellement par une anémie importante : l’hémoglobine chute de plus en plus et le seul traitement est alors la transfusion de sang et ce tout au long de la vie. Un traitement pour diminuer le taux de fer dans le sang est souvent nécessaire : les transfusions apportent en effet trop de fer à l’organisme qui ne peut pas l’évacuer correctement ce qui peut entraîner des problèmes cardiaques, hormonaux, articulaires. Jusqu’à il y a quelques années, ce traitement n’était disponible que sous forme de perfusions à poser la nuit. Désormais, il est remplacé par un traitement oral à prendre chaque jour. Seule une greffe de moelle osseuse peut guérir une thalassémie, mais c’est une solution lourde et risquée, qui nécessite la compatibilité entre le donneur et le receveur. Le quart de la population mondiale serait porteur d’un trait thalassémique et donc de la forme mineure de la maladie qui est asymptomatique. Le problème survient quand deux porteurs sains se rencontrent et décident d’avoir un enfant puisqu’ils risquent de transmettre chacun leur gène au bébé, qui se retrouvera alors porteur de la forme grave.
C’est le cas de Marion et François. Ils ont deux filles, Naia, deux ans, et Déva cinq mois. La première est atteinte de la forme mineure, comme ses parents, mais la seconde de la forme majeure. Pour ce numéro consacré au sang, Marion nous raconte leur parcours et leur vie avec la maladie de Déva au quotidien.
Connaissais-tu cette maladie avant ?
Ma maman m’avait juste informée que j’étais porteuse de la thalassémie mineure tout comme son père l’est et c’est pour cela que mon hémoglobine est légèrement plus basse que la moyenne. En revanche, François n’avait pas connaissance de cette maladie ni même sa famille.
Pourquoi Déva est-elle thalassémique ?
Son papa, qui est d’origine laotienne, et moi, d’origine italienne, sommes tous les deux porteurs du gène de la thalassémie. La maladie s’exprime quand l’enfant hérite des deux gènes de la maladie, ce qui est le cas de Déva.
Comment avez vous appris la nouvelle ?
Tout commence au moment où je suis enceinte de ma première fille. Je savais que j’avais une thalassémie mineure. La gynécologue a souhaité savoir si François, en raison de ses origines, était également atteint. La prise de sang a révélé qu’il était lui aussi porteur de la forme mineure. A ce moment-là, on nous a expliqué qu’il y avait un risque que notre fille soit porteuse de la forme majeure, la plus grave. J’étais enceinte de cinq mois… Nous avons décidé de poursuivre la grossesse.
Pour ma seconde grossesse, nous connaissions les risques dès le début, mais nous espérions, au fond de nous, avoir autant de chance que pour la première, car elle n’est porteuse que de la forme mineure. Au cours de la grossesse et dès que possible, nous avons souhaité savoir de quelle forme était atteint le bébé. À 12SA j’ai donc eu une choriosyntèse, qui nous a annoncé que notre fille était porteuse de la forme majeure… Tout s’est écroulé autour de nous, le doute s’est installé.
Comment s’est déroulée ta grossesse ?
La période entourant la choriosynthèse a été, pour moi, l’une des périodes les plus difficiles à vivre de ma vie. François et moi avons beaucoup discuté, pris conseil auprès de médecins. Au fond de nous, je pense qu’on souhaitait garder le bébé. On s’était dit, au moment de la conception, que nous arrêterions la grossesse si le bébé était porteur de la forme majeure. En effet, pour cette maladie, les médecins acceptent de pratiquer une IMG (interruption médicale de grossesse) quel que soit le terme et même lorsque les 12SA sont dépassées. On s’était un peu voilé la face en pensant que ce serait aussi facile… Nous nous étions préparés à devoir tout arrêter et pourtant…. Une fois le verdict tombé, le flou s’est emparé de nous. Nous ne savions plus ce que nous voulions. Nous étions perdus, bien que très bien suivis par les médecins. Pour ma part, plusieurs sentiments m’ont traversée : la peur, la colère, une immense tristesse, l’envie de garder cet enfant, la culpabilité, la confiance dans la vie, l’amour si fort que je ressentais finalement pour ce bébé.
Après nous être beaucoup renseignés et avoir rencontré plusieurs médecins (des généticiens, des hématologues, des pédiatres), nous avons pris la plus belle des décisions à nos yeux, celle de garder cet enfant avec nous. Nous avons essayé de relativiser la maladie, en nous disant qu’il y a pire dans la vie, qu’il existe des maladies bien plus difficiles à vivre, pour lesquelles il n’existe même pas de traitement. Nous, nous avons la « chance » que cette maladie fasse l’objet de beaucoup de recherches, et les traitement évoluent très vite !
La suite de la grossesse a été ponctuée de doutes et de culpabilité. J’ai donc décidé de rencontrer une psychothérapeute qui m’a aidée à accepter notre choix, qui m’a rassurée sur l’avenir de cet enfant. Cela a été très bénéfique pour moi et a énormément apaisé mes craintes.
Durant la grossesse, j’ai eu un suivi échographique beaucoup plus rapproché, avec des échographies toutes les deux semaines, dans le but de mesurer le doppler des artères cérébrales. C’est le seul moyen pour s’assurer que le bébé ne soit pas déjà anémié, chose plutôt rare, mais les médecins préféraient être prudents !
Quels ont été les premiers symptômes ?
Il faut savoir que toutes les formes majeures de la maladie ne s’expriment pas de la même façon selon les individus. Certains seront très affaiblis par l’anémie, d’autres la supporteront plus facilement.
En ce qui concerne Déva, elle la supporte très très bien, ce qui fait que les premiers symptômes ont été difficiles à voir. Cependant, comme elle est suivie tous les mois par son pédiatre spécialisé dans la thalassémie, rien ne pouvait passer inaperçu.
Sa plus forte anémie a été de 6.4gr d’hémoglobine, la norme chez un nouveau-né étant de 13gr. Elle avait 3 mois. La pédiatre l’a trouvée pâle, a senti sa rate à la palpation (la rate grossit pour éliminer les globules rouges malades), a perçu la présence d’un souffle au cœur (le cœur doit travailler beaucoup plus vite pour pallier le manque d’hémoglobine). La prise de sang reste l’élément le plus décisif pour décider de lui faire une transfusion.
Comment se passe la vie au quotidien ?
Cette maladie ne s’exprime pas de la même façon pour tout le monde : certains enfants auront besoin de transfusions très tôt, d’autres non. Donc on patiente, et on surveille tous les mois pour suivre l’évolution de la maladie. À ce jour encore, le rythme des transfusions n’est pas encore bien défini, car, à notre grande surprise, la dernière analyse fut bonne et a permis de repousser la transfusion de deux semaines. On est donc passé de 4 à 6 semaines entre deux transfusions. Elle a une prise de sang toutes les quatre semaines. Chaque jour, la liste des médicaments à prendre se rallonge. Je ne pensais pas qu’elle en aurait autant…
Le quotidien se passe bien, mais pour ma part, je suis très centrée sur le bien-être de ma fille et très (trop ?) à son écoute. Je tiens énormément compte de ce qu’elle peut ressentir à vivre tout cela, les prises de sang, les transfusions, les antibiotiques qui lui font mal au ventre, et du coup, ça prend une grosse place dans ma tête, j’y pense trop souvent ! Mais ce n’est que le début, une fois que tout sera mis en place, je pense que la maladie se glissera plus facilement dans notre quotidien. Enfin, je l’espère !
Déva, elle, passe par des moments qui ne sont pas toujours évidents. Son antibiotique, qu’elle doit prendre deux fois par jour, et ce pour plusieurs années, perturbe son intestin. Mais je pense surtout qu’elle réagit énormément à mon angoisse… A coté de ça, elle évolue très bien, comme tous les autres enfants ; elle est même très en avance sur certains points. Elle sourit énormément, un vrai bonheur !
A quoi servent tous ces médicaments qu’elle doit prendre ?
Dans la thalassémie, la rate joue un rôle important : elle a pour but d’éliminer tous les globules rouges anormaux (dans cette maladie, les globules rouges sont de petite taille et un peu aplatis). Très prise par cette élimination, la rate n’assure plus son rôle immunitaire. L’antibiotique vient donc suppléer la rate. L’acide folique lui a pour but de stimuler la production de l’hémoglobine. J’ai également choisi de faire suivre Déva régulièrement par un médecin homéopathe. Avec tous ces traitements, la médecine douce est, à mon avis, un bon complément. Déva prend donc, en plus, des probiotiques pour protéger son intestin contre l’antibiotique et des oligoéléments pour renforcer ses défenses immunitaires.
Et comment réagissent le papa et la grande sœur ?
François a un caractère plus fort que le mien. Lors de la grossesse, bien que la situation l’ait beaucoup affecté, il a très vite su positiver et aller de l’avant. Aujourd’hui, il est serein, fait avec, et n’y pense pas, ne s’en inquiète pas. Je pense qu’il a réussi à mettre à l’écart la maladie.
En ce qui concerne Naia, bien qu’elle soit petite pour comprendre la maladie, elle a très bien compris que sa petite sœur a parfois besoin de faire des prises de sang, de voir le docteur plus souvent, et que je dois m’absenter une bonne partie de la journée lors des transfusions. Elle est très protectrice envers elle et elle l’a été dès le début, mais comme le font toutes les grandes sœurs sûrement ! Ni plus ni moins. Cela ne l’a pas empêchée de m’ignorer à mon retour, lorsque je me suis absentée pour la première transfusion de Déva. Elle manifestait également un peu de jalousie lors des visites chez le pédiatre. Mais à présent elle fait avec et semble le vivre normalement !
Comment envisagez-vous le futur ?
Je stresse à chaque futur rendez-vous pour une prise de sang ou une transfusion, par peur surtout de la voir souffrir. Pourtant, je suis plutôt confiante dans l’avenir, la recherche fait beaucoup de progrès dans cette maladie. Je suis sûre que dans quelques années, la guérison sera envisageable !
En ce qui concerne une future grossesse, pour le moment, l’envie n’y est pas ; mais le jour où nous désirerons un troisième enfant, nous nous pencherons sérieusement sur le sujet. Les médecins nous autorisent en effet à concevoir un enfant par procréation médicalement assistée, avec tri d’embryons, ce qui nous permettrait ainsi d’être sûr d’avoir un enfant non porteur de la forme grave de la thalassémie. Mais nous n’en sommes pas encore là….
Quels conseils donnerais-tu aux futurs parents qui doivent faire face à la thalassémie ?
- se renseigner auprès DES BONNES PERSONNES (généticiens, hématologues), car c’est une maladie qui a tellement évolué durant ces dernières années que les médecins généralistes véhiculent souvent des informations erronées.
- se rapprocher de personnes qui vivent la même situation. J’ai pris contact avec une maman qui est dans le même cas que moi : on peut ainsi se soutenir dans nos parcours.
- s’écouter et écarter les personnes ayant des avis négatifs ou blessants quant à la décision à prendre lors de la grossesse. Être soutenu par ses proches est très important.
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Plus sur le dépistage prénatal dans Causette n°17. Un extrait ICI.
Bonjour, suite à un test de guthrie. Le service d’hématologie nous a contacté il soupçonne une thalassémie beta majeure. Des analyses de sang du bébé et des 2 parents sont en cours. Je cogite beaucoup, je cherche un témoignage de personnes qui ont vécu la même chose. Sachant que pour l’instant mon bébé se porte bien ne souffre de rien il a 1 mois et le taux d’hémoglobine aujourd’hui est de 9.9 se qui est bon d’après l’hematologue est ce que quelqu’un peut me dire si cela est révélateur d’une forme mineure de thalassémie ou pas forcément. Merci d’avance à toutes vos réponses
Bonjour ma fille a bientôt 10 ans est atteinte d une thallassemie majeure.je pense que cette maladie est dure a vivre pour ma lilia mais elle est très courageuse et puis la médecine à beaucoup progressé donc je garde espoir.
Bonjour Madame,
je me présente Séverine César-Tfayli, je me permets de vous contacter, car dans le cadre d’une étude qui a pour but de mieux comprendre la maladie, les aléas, la vie au quotidien et afin d’apporter des améliorations, nous recherchons le témoignage de personnes atteintes de la bêta-thalassémie et le témoignage d’aidant.
Je voulais savoir s’il est possible de prendre directement contact avec vous pour vous expliquer notre démarche
En vous souhaitant une excellente journée et un grand merci pour votre aide.
Bien cordialement.
Séverine CESAR TFAYLI | Project Manager
10 rue Mercoeur – 75011 Paris. France
Port. : 06 50 96 56 75
Tél. direct : 01 40 91 12 88
Tél. : 01 53 33 83 80
Mail : severine.cesar@consumedresearch.com
le diagnostic vient de tomber pour mn fils, thalassemie, mnt on doit determiner sa severite, prise de sang hier pour les deux parents, il revient de loin ce petit garcon, dabord la jaunisse, puis hydrocephalie puis operation, on peut mm pas respirer et maintenant thalassemie, il na que 10 mois et tout ce bagage pour lui tout seul, au cas ou c une thalassemie majeure….
Je suis daccord on ne peut pas infliger sa a un petit bebe moi meme je suis porteuse de la majeure j’ai choisi par connaissance de cause de ne pa me soigne ni medicament ni transfusion pour moi cest la pire chose que he peut m’infliger et j’admire d’ailleur le vourage des personnes suivant ce tres tres lourd traitements il est vrai que je suis plus faible que la normal que je suis prise de malaise mais j’assume le choi que jai fait maintenant je ne ferais jamais d’enfant parceque je conais la souffrence que cela apporte et je ne pourrai pas infliger sa a mon enfant.
Bonjour, je souhaite converser avec Maëlle et Manon, qui jugent négative la décision de poursuivre la grossesse en ayant connaissance de la thalassémie de l’enfant. Je suis enceinte, j’attends les résultats d’une biopsie du trophoblaste réalisée pour clarté nucale épaisse, et je viens seulement d’apprendre que l’oncle de ce futur (éventuel) enfant était atteint d’une forme mineure de thalassémie. Je ne connaissais pas cette maladie. Et sur mon propre carnet de santé, il est écrit que j’ai été transfusée deux fois à la naissance pour ictère et anémie. Je manque souvent de fer. Bref, je me demande si l’enfant que je porte n’est pas atteint de Thalassémie. Je dois alors savoir si, en cas de thalassémie majeure, je dois décider d’interrompre la grossesse. C’est pour moi un très difficile problème éthique et affectif. Vous qui souffrez de cette maladie, pourriez-vous me dire votre avis ? Une vie de thalassémique est-elle si douloureuse qu’il vaille mieux ne pas la donner ? Je vous remercie vraiment de me répondre, vous ou quelqu’un d’autre.
marie
Bonjour Caplanne,
Je comprends bien votre situation : les parents de Déva ont dû affronter les mêmes questionnements. J’espère que Manon et Maelle pourront vous éclairer en répondant à votre commentaire. En attendant, je me permets de vous indiquer le blog que Marion (la maman de cet entretien) a créé, puisqu’il y a du changement dans l’approche de la maladie de Déva. En effet, sa grande soeur est compatible avec elle et pourra lui faire un don de moelle osseuse. L’opération doit avoir lieu cet été. Si la greffe réussit, Déva sera guérie.
http://rennecourageux.blogspot.fr
Peut-être pourriez-vous faire une prise de sang qui vous indiquera si vous êtes porteuse de la thalassémie mineure ? Si vous ne l’êtes pas, il n’y a aucune chance (même avec un papa porteur) que votre enfant ait la forme majeure.
Bon courage à vous.
Luise Yagreld
Je viens de revenir faire un tour ici, pour prendre des nouvelles s’il y en avait. Je suis désolée de voir que d’autres ont des enfants atteints. Comme cela se passe-t-il pour vous? Je suis aussi allée faire un tour sur le blog de Déva. J’ai pas pu m’empêcher de pleurer. J’espère de tout coeur que le parcours qu’elle subit aura un effet positif. Courage à tous!
Bonjour je suis atteintes également de thalasemie et enceinte de 5 semaines et j’ai 43 ans .mes questions pour l’ivg son porte uniquement sur ma santé .quoi faire
Je ne peux pas ne pas réagir à cet article… Autant je peux comprendre le désir très fort d’avoir un enfant, plusieurs enfants, autant j’ai beaucoup de mal à saisir comment on peut infliger ça à quelqu’un, en toute conscience. Je fais sans aucun doute partie des « personnes ayant des avis négatifs ou blessants », mais la thalassémie (majeure) faisant partie de mon quotidien, je parle (presque) en connaissance de cause. Les transfusions et les fortes doses de médicaments ont une énorme incidence sur le système, qui a alors besoin de davantage de médicaments. Alors certes, la médecine progresse, et la thérapie génique notamment donne beaucoup d’espoirs. En attendant, cette petite fille est quand même malade…
Etant maman aussi d’une petite fille thalassémique de 18 mois, je n’ai pas (heureusement) la sensation lourde de lui infliger cette maladie. Je pense que toute maman rêve au plus profond d’elle même de mettre au monde un enfant en bonne santé, beau, qui sera heureux et qui réussira dans la vie. Nous avons appris la maladie de notre fille à 20 semaines de grossesse… certes on nous a laissé le choix.. le choix de la tuer (car à 20 semaines c’est le mot) cette petite fille qui aujourd’hui à l’air d’être tellement heureuse, qui est une battante… il m’arrive très souvent de me dire que finalement le pire du pire aurait été son absence dans nos vies aujourd’hui. J’espère de tout coeur qu’adulte, qu’elle puisse, malgré la lourdeur de sa maladie, voir tous les petits bonheurs que peut lui apporter la vie… et que tout ca en vaut la peine !