Le bon monde scolaire a mis sa jupe à l’envers
Si les Fauteuses avaient su…
En publiant le même jour leur Question : Jupes et la Démo des mots : Laïcité, les Fauteuses de trouble ne se doutaient pas à quel point elles mettaient le doigt là où ça fait mal.
Alors qu’il y a à peine quelques années des chefs d’établissements ont pu s’inquiéter, s’alarmer du port du string au collège et l’interdire par le biais du règlement intérieur, la profession décide désormais de légiférer sur le port de la jupe jugée trop longue. Eh oui, on ne rêve pas ! La jupe longue serait dorénavant un signe religieux ostentatoire ! Incroyable mais vrai, le lycée Auguste Blanqui l’a fait. Là, on somme les jeunes filles de porter un jean.
Il existe depuis longtemps un débat sur l’utilité, l’efficacité et/ou le bien-fondé de l’uniforme à l’école. Ces messieurs dames pourraient-ils s’en tenir là ? Au lieu d’interférer dans le cadre privé ? Car viser une partie précise de la population, c’est attaquer une personne pour ce qu’elle est et non pour ce qu’elle porte. On comprend bien que Mirabelle et Manon, dans leurs longues jupes façon gitanes, hippies, gothique ou techno, n’ont rien à craindre de la hiérarchie scolaire… On parie qu’il en irait de même pour Maï qui viendrait en classe en portant l’ao-daï traditionnel ? Il y a de quoi y mettre sa main au feu… Mais pour Naïma, c’est une autre histoire. À gerber, non ?
La culotte des garçons
Les filles, toujours les filles. Qu’il s’agisse du voile, du string et maintenant de la jupe longue, ce sont encore et toujours les filles qui sont stigmatisées, montrées du doigt, comme, toujours, trop coincées ou trop délurées, trop soumises ou trop dévergondées. Pas assez ceci, pas assez cela. Les moules doivent rentrer dans le moule !
Pendant ce temps, les gars – non : certains – portent des pantalons loin en deçà de la raie des fesses, montrent ostensiblement la couture, la couleur, la texture de leurs dessous et personne ne s’offense en haut lieu du fait qu’on voit la culotte des garçons. Le spectacle est pourtant fort indécent. La mode liée à ces jeans taille – très – basse consistant aussi à préférer le boxer au caleçon plus lâche, les fesses des jouvenceaux sont ainsi moulées au plus près, dessinées à souhait et révélées aux yeux de tous par la ceinture lâche du pantalon. On se fâche de ce que des filles cachent leurs cheveux, on s’habitue sans problème à ce que des garçons montrent leur cul. Et il paraît évident à tous que, si l’un de ces garçons se faisait violer, personne n’oserait lui faire comprendre que ce serait de sa faute, qu’il aurait provoqué le désir de son agresseur – aussitôt défait de toute responsabilité – en lui agitant ses fesses sous le vit.
Mais les filles, c’est autre chose. Un bout de chair qui dépasse, une bretelle, une ficelle, un cheveu, une cheville, une cuisse – chacun son critère – et c’est une chaudasse.
Instrument d’oppression ou de libération ?
La jupe, aujourd’hui, ne sait plus où tourner du volant. C’est à en perdre son vertugadin. On se désole, dans certains établissements scolaires, de ne plus voir fleurir aucune jupe sur les jambes des collégiennes, en proie au mot d’ordre associant jupe = salope et pantalon = fille bien (partant du raccourci que la première a un accès entre ses jambes ouvert, tandis que l’autre ferme son accès…). Dans d’autres, on empêche maintenant des lycénnes de porter une jupe.
Pourrait-on laisser les filles tranquilles ?!
Le paradoxe de la jupe
Dans son livre, Ce que soulève la jupe, Christine Bard met en évidence les nombreux paradoxes qui ont cours actuellement, en France et dans le monde. D’une part, « les traditionalistes religieux ont toujours été hostiles au pantalon » et ce, quelles que soient les religions (christianisme, islam, judaïsme). L’auteur rapporte d’ailleurs à ce sujet plusieurs faits récents de femmes arrêtées pour port du pantalon, faits liés à des religions différentes. D’autre part, elle cite Lubna Ahmed al-Hussein (1), qui explique « qu’un certain nombre de pays musulmans imposent le port du pantalon, qui cache le corps. » Christine Bard rappelle alors que, en France, « le voile et le pantalon soulèvent tous deux le problème de la violence masculine et sont parfois vus comme la solution à ce problème. » Elle évoque alors le pantalon comme « voile laïque, profane » Elle rappelle, enfin, que le « Printemps de la jupe » a été initié bien loin des « quartiers pauvres ayant une forte densité de population d’origine immigrée », à Étrelles, « petite commune tranquille, à 40 km de Rennes, dans le canton très catholique de Vitré. C’est là, et plus précisément dans le lycée agricole privé, que naît en mars 2006 la « Journée de la jupe et du respect ». » Pour ces lycéens, la jupe devient le « symbole de toutes les intolérances physiques, racistes ou sexistes en milieu scolaire » (2)
La jupe, forcée, interdite ou revendiquée, n’est plus un symbole, mais un marqueur. Un gros marqueur rouge qui coche les filles, une à une, qu’elles la portent ou non. Du simple fait que les femmes françaises aient le choix entre jupe et pantalon, il faut que ce choix soit interprété. Il faut que ce choix fasse sens. Et que ce sens se retourne contre elles.
Cette liberté est donc une supercherie, ce choix un mensonge et, si ça restait à prouver, la marque qu’en 2011, en France, le sexisme est en très bonne santé, s’emparant du moindre chiffon pour opprimer des femmes.
À l’heure où des supermarchés et des lignes de vêtements commercialisent des soutiens-gorge ampliforme taille 8 ans, à qui ose-t-on venir faire la morale ? Les femmes sont-elles pour toujours réduites à être considérées comme sexuées ou non-sexuées ?
Doit-on vraiment faire semblant de croire qu’il s’agit d’innocentes « jupes » longues? Que les chefs d’établissement sont racistes?
Doit-on vraiment faire semblant de croire qu’il s’agit d’innocent féminisme ? Que ce n’est pas purement de l’islamophobie ?
Quand bien même – postulat – la jupe serait fautive (fauteuse ?) et la marque d’une soumission féminine, la solution est-elle de soumettre à nouveau ces lycéennes ?
Une femme n’a pas à être jugée en fonction de la jupe qu’elle porte, ras-la-touffe ou ras-les-orteils.
Va-t-on finir par interdire la barbe, jugée bientôt trop islamique ?
réponse des plus pertinente, j’allais dire un truc dans le genre mais c’est vraiment mieux dit merci maguerite :-)
je suis née dans une famille de musulmans pratiquant et je découvre que la longueur de la jupe est synonyme d’islamisme…putain moi qui adore le noir et les robe longue qui traine par terre, j’achète tout ça chez asos et pas chez l’imam du coin, ça me lave de tout soupçon?
J’aime énormément, bravo!
On rit, jaune, mais on rit. C’est d’autant plus amusant qu’un tel règlement intérieur est contraire à la loi. En effet, bien que plus appliquée depuis…pfiou, longtemps, la loi du 26 Brumaire an IX interdisant le port du pantalon aux femmes (sauf autorisation préfectorale au cas par cas) est toujours en vigueur… Youpi ?
Tout à fait. C’est ce dont parle ma consoeur, Gigi Beauchamp, dans son article « Hors-la-loi » : http://www.fauteusesdetrouble.fr/2011/03/hors-la-loi/