#19-Pourquoi parle-t-on du « travail » de l’accouchement ?

15 novembre 2012
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Travail = douleurs

« Le seul aspect de la femme révèle qu’elle n’est destinée ni aux grands travaux de l’intelligence, ni aux grands travaux matériels. Elle paie sa dette à la vie non par l’action mais par la souffrance, les douleurs de l’enfantement, les soins inquiets de l’enfance. » — Arthur Schopenhauer, Essai sur les femmes

Le mot travail viendrait du latin populaire tripalium, un instrument de torture à trois pieux (comme le rappelle Paul Art). Charmant. Tout de suite, ça fait envie.
La première apparition du mot travail dans la langue française, au tout début du XIIe siècle, se trouve dans l’expression traval d’enfant, traduite par « douleurs de l’accouchement ». Ce n’est que par la suite que le mot prend le sens de « tourment », milieu XIIe, puis « fatigue, peine supportée », fin XIIe. Il faut attendre le milieu du XIIIe siècle pour que le mot prenne le sens de « peine que l’on se donne dans l’exercice d’un métier artisanal ».
En anglais, si le Labour est un parti, le labor est le mot employé pour traduire le travail de l’accouchement, des premières contractions à la délivrance.

S’il s’agit d’exprimer cette naissance sans référer à la souffrance, on a d’autres mots. La mère devient une parturiente. L’accouchement une parturition. Et les suites de couche un post-partum.

Le travail est donc en premier lieu la souffrance de la mère à mettre au monde.

Souffrance créatrice

Si travail signifie accouchement, alors le travail signifie souffrir et procréer. Ou bien plutôt souffrir pour procréer.
En revenant à l’ensemble des sens de travail, on comprend la douleur ressentie à produire, que le travail soit manuel ou intellectuel, que le produit en soit concret ou abstrait. Donner la vie, à une idée, à un objet, à un enfant, implique d’éprouver une vive souffrance.
Toute création, toute production demande cette souffrance en amont.

Que dire, alors, de ceux qui exercent un métier qui leur plaît, qu’ils ont choisi, qui les passionne ? La souffrance créatrice a-t-elle disparu ? L’artiste ne souffre-t-il pas dans l’accouchement de son Å“uvre ?
Même le comédien qui s’éclate sur un tournage, le rocker qui jubile sur scène, le compositeur qui se laisse emporter par les harmonies « se donnent de la peine ». Le résultat de leur art est une chose, produire ce résultat en est une autre.

On a moins besoin d’imagination pour se représenter la souffrance que peuvent causer bien d’autres professions. La pénibilité du travail est un sujet qui revient régulièrement sur le devant de la scène.

À l’heure de la péridurale, pourrait-on envisager que le travail, au sens d’ »activité humaine exigeant un effort soutenu, qui vise à la modification des éléments naturels, à la création et/ou à la production de nouvelles choses, de nouvelles idées », se fasse, non pas sans effort, mais sans douleur ?

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