#21-Autoportrait du héros en 13 round

25 janvier 2013
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« Qu’est-ce que le héros si ce n’est l’homme qui choisit de croire à soi ? Il n’est point vil d’être vaincu quelques fois, mais il est vil de décréter, si l’on peut ainsi dire, qu’on le sera toujours. Ce que le héros s’ordonne à soi-même, c’est donc de croire et d’oser. »

Alain, Propos sur le bonheur.

***

mundus, a, um, net, propre // […] pur, innocent…

mundus, i, le monde, l’univers […] le ciel, le firmament,[...] la terre habitée, ici-bas, les hommes…

Le film commence. Rocky, film sans argent écrit par un acteur (Sylvester Stallone) que Hollywood s’apprête à enclore dans l’enfer des perdants de la gloire. Nous sommes en 1976. Sur le ring : Rocky, bientôt trente ans. Sa carrière, pour lui aussi, comme une promesse jamais tenue : boxeur jadis d’avenir désormais sans avenir. C’est peut-être son dernier combat. Un combat de deuxième zone. C’est son dernier combat.

Round 1

Le philosophe a raison d’y insister : le devenir-héros du héros est avant tout le récit d’une défaite. Et d’un refus.

Non d’une victoire et d’un acquiescement.

Round 2

Non point le refus du sort qui s’acharne, mais le refus de la victoire obtenue en renversant l’ordre de la nécessité. Car la nécessité fait loi. Et de même que seul le superstitieux accorde un sens à l’événement miraculeux (lequel, du reste, n’existe que pour lui), à l’événement qui sort du cours réglé du monde, qui demeure opaque quant à sa cause et imprévisible quant à son hypothétique survenue, de même, et en opposition avec le superstitieux, seul le héros dispose de ce savoir sur soi qui consiste à ne pouvoir imputer qu’à soi seul ce qui arrive. Et qui n’arrive qu’à lui. Le héros est stoïcien : « La liberté consiste à vouloir que les choses arrivent, non comme il te plaît, mais comme elles arrivent. » (Epictète, Manuel, I, 35).

Rocky est un héros libre.

C’est en vertu de cela qu’il se doit de croire et d’oser : tout ce qui arrive dans le monde ne peut être qu’accordé à sa propre volonté.

(Et quand on y regarde de plus près, l’anti-héros, le « méchant » de toutes les histoires, est bien celui qui refuse le monde tel qu’il est, ou veut détruire le monde tel qu’il est : le Pingouin affronte Batman depuis les égouts, l’envers de la ville, l’autre et l’anti-monde).

Round 3

Rocky ne croit donc pas au miracle (le miracle est rupture de l’ordre du monde tel qu’il doit être).

Il pourrait être une illustration du partage stoïcien entre l’ordre de « ce qui dépend de moi » et l’ordre de « ce qui ne dépend pas de moi ». Le film de Sylvester Stallone est en effet construit sur un véritable renversement narratif : il s’ouvre sur une victoire et se clôt sur une défaite : dès les premières minutes du film, Rocky, boxeur de second ordre, remporte un combat contre un adversaire comme lui sans prestige. S’il ne cesse, par la suite, d’insister sur le faible niveau de son adversaire, ce n’est assurément pas par modestie. Cette victoire lui procure certes un certain contentement, mais il se refuse à attribuer à ce succès relatif valeur de présage : celui annonçant un glorieux avenir de boxeur.

(Ce refus a donc bien valeur de principe de stricte immanence : le héros refuse toute transcendance : ni hors du monde, ni hors du temps : sa lutte est d’abord celle de la conscience de soi et se joue dans la prise en charge sans cesse réitérée de ce que l’on peut appeler avec Jean-Paul Sartre le « pratico-inerte » , c’est-à-dire l’ensemble de mes actes passés, de mes relations à autrui, de mes obligations, de mes occupations, ensemble qui m’a défini par le passé et qui continuera à me définir à présent).

Round 4

Car Rocky est un héros sans avenir.

Round 5

Il le pressent. Il le sait même, et, ce faisant, ne cherche pas tant à provoquer cet avenir, qu’à l’esquiver comme il esquivera les coups sur le ring. Les scènes sont nombreuses dans lesquelles Rocky pratique l’art de l’esquive qui est aussi un art du refus de l’illusion : après sa première victoire sans éclat, et alors que tous s’étonnent qu’il ne profite pas de cette victoire pour tenter de « percer » enfin dans l’âpre milieu de la boxe, on le voit au contraire tenter désespérément de trouver un emploi « comme tout le monde » : partout, il est refusé. Partout, on ne voit en lui qu’un homme sans réelles compétences. Ulysse non plus, de retour à Ithaque, n’est pas reconnu. Changé, avec la complicité d’Athéna, en vieillard à la peau fripée. Inutile rebut d’une humanité triomphant sans lui, dans l’oubli de ce qu’il fut, de ce qu’il est. Non reconnu. Sauf par son chien qui lèche ses blessures : Argos.

(Est-ce alors un hasard si Rocky offre à Adriane le chien qu’elle gardait dans l’animalerie où elle était employée ? Le chien s’appellera Punchy. Nouvel Argos.)

Le héros est ordinaire (il y a de l’ordre dans l’ordinaire). Il baigne son chien, méconnaissable, avant de conquérir le monde.

Argos reconnaît Uysse puis meurt.

Round 6

Bien plus qu’ordinaire, Rocky est un « fils de la terre », pour reprendre l’expression platonicienne. Le monde est pour lui tout entier inscrit dans la présence irrécusable de ce qui est, hic et nunc ; et la métaphysique qui dénie toute substance et toute réalité à la présence du présent lui est foncièrement étrangère. (L’étranger est celui qui demeure « étrange » quoi qu’il fasse : il est a-topos, sans lieu). Rocky est-il « atopique » ? Dans la Philadelphie des années 70, il est et demeure l’étalon (stallone) sans quotidien mesurable : un descendant d’immigrés italiens sur-adapté à la ville, mais perdu dans la ville. On rapprochera à cet égard, Rocky de Travis Bickle, le personnage désorienté de Taxi Driver de Martin Scorsese. Les deux films datent de 1976, mais ce n’est là peut-être qu’une accointance contingente. Travis Bickle (Robert De Niro) se cherche une identité dans un New York qui feint d’ignorer le drame des vétérans du Vietnam. Ancien soldat, il n’est désormais plus personne. Il échouera dans sa lutte contre la folie et la solitude. La violence le reprend : violence de la ville-monde qui prolifère en l’homme hors du monde. « Un fou, c’est-à-dire le monde » écrivait Flaubert dans Les Mémoires d’un fou. La folie de Travis Bickle est bel et bien acosmique en ce sens qu’elle intervertit le postulat flaubertien : « un fou, c’est-à-dire un sans-monde ». Cette folie procède d’une double exclusion temporelle et spatiale : Travis Bickle est désadapté à son époque et à son temps. Hors du monde. Hors-la-loi. Il n’est un héros que devant sa glace (cf. la fameuse scène où il s’entraîne à dégainer son arme : « You talking to me ? »). Rocky échappe à la folie malgré son étrangeté en vertu du sens du présent et de la matière tangible qui l’habite tout entier. Le héros est tactile. Il est l’être du contact avec le présent tangible. Le héros refuse donc les miroirs qu’on lui tend (l’imago est ce qu’il y a de moins tangible au monde : Narcisse ne meurt pas d’avoir un double, mais d’avoir un double intangible, insaisissable).

Violence et rapport spéculaire à soi (Taxi Driver)

 

Avant le combat, le héros ne se regarde pas dans le miroir. C’est lui-même qu’il sonde. (Rocky I)

Round 7

Le destin se choisit comme destin (il n’est, pour s’en convaincre, que de relire le mythe eschatologique qui clôt La République de Platon et mettant en scène Er le Pamphylien). La nécessité, quant à elle, se subit comme ce qui ne peut, dans le cours inexorable des événements, être autrement qu’il n’est. Jean-Paul Sartre mettra en garde contre cette figure converse et adverse du héros qu’est celle du « salaud ». Le « salaud » (autre figure du anti-héros), c’est celui qui loin de se savoir contingent et devant affronter cette contingence, se présentera à soi et aux autres comme incarnation de la nécessité. Le salaud se croit nécessaire au sens où il se conçoit comme ne relevant d’aucun hasard à affronter et à justifier par ses actes (ainsi le salaud a-t-il à ses yeux toujours raison : il est ainsi pleinement correspondant à la caractérisation kantienne de « l’égoïste logique », à savoir celui qui refuse de mettre son jugement à l’épreuve du jugement d’autrui. Homme de la pensée close. Folie encore).

Le destin dont se croit porteur le « salaud » ne s’interroge donc pas. Il procède de cette illusion rétrospective qui conduit à déterminer chaque événement comme un élément partiel qui prend son sens dans l’ensemble qu’est le « tout » d’une existence. Autant dire, dès lors, qu’il n’est de destin achevé qu’à l’heure de la mort, et de « héros destinal » (expression oxymorique) qu’à titre posthume, puisque chaque fois que le salaud parle de lui sur le mode destinal, il ne procède qu’à la totalisation partielle de sa vie. Ce sont donc les autres (ceux-là même qu’il récuse !), après sa propre mort, qui réaliseront pour lui la composition finale et l’adjonction totalisante de chaque événement qui l’auront conduit à avoir été ce qu’il a été. A savoir un homme mort.

Et rien de plus.

Le destin est ironique et le salaud, homme du destin, est bel et bien comique malgré lui.

Déjà l’oubli le recouvre et la solitude l’enferme.

Round 8

Au contraire, le héros n’est pas l’homme du destin. Rocky n’a pas de destin. S’il n’y a de destin que du point de vue des autres qui jugent que notre vie fut marquée du sceau d’un destin, force est de constater que, dans la mesure où il est seul, Rocky ne sombrera jamais dans l’illusion rétrospective qui est le propre de la croyance au destin.

Troublante longue scène, faite de travellings quasi ininterrompus, où Rocky s’entraîne. De guerre lasse, pour ainsi dire, il a enfin répondu à l’appel (la provocation) d’Apollo Creed qui cherche un faire-valoir dans le cadre d’un combat de prestige. Tous les boxeurs de haut rang ont décliné le combat. Seul Rocky, mû par une sorte de naïveté qui est en réalité une confiance (croire et oser) dans les événements, accepte.

Pompes, sauts à la corde, coups de poings donnés à perdre le souffle, dans une boucherie industrielle, contre des carcasses de bœufs qui lui servent de punching-ball (image de la finitude toute humaine du héros : « N’oublie pas que tu es mortel». De même Ulysse déclinera la proposition de Callypso de faire de lui un être immortel).

Puis, jogging le long des quais de Philadelphie (« Punchy, Argos, viens mon chien ! » Et Punchy, Argos, court après lui, avec lui). Quais de Philadelphie qui le mènent, après une course dans les escaliers, sur le parvis du Philadelphia Museum. Voici Rocky qui se tourne vers la ville, et qui lève les bras en signe de victoire. Rêve-t-il de la victoire contre Apollo Creed ? A vrai dire, il n’en n’a guère besoin : il a déjà gagné. « Le monde te confie sa force en échange de ta confiance » écrit Henri Michaux.

Rocky sait qu’il a l’approbation du monde.

Il est pourtant seul.

Face à lui-même ?

Finitude et humanité du héros

 

Round 9

Comment comprendre ce moment et cette allure (détermination morale autant que physique) de Rocky levant les bras en signe de victoire anticipée. Certes, il se constitue en anti-Rastignac (il n’a ni le cynisme ni l’arrivisme social du personnage du Père Goriot : son geste ne dénote donc aucun « A nous nous deux, Philadelphie ! » et le parvis du Philadelphia Museum n’a pas la symbolique des Buttes Chaumont. Du reste, la candeur existentielle de Rocky provient même de ce refus de toute illusion, de tout esprit de revanche. Sa formule existentielle pourrait donc être celle qu’énonce le philosophe Clément Rosset :

« Aime le moment qui passe. Le passé et l’avenir te seront donnés de surcroît. »

Aimant le moment qui passe, tandis qu’il contemple Philadelphie, Rocky est l’homme du moment présent. Joie d’exister sans transcendance normative. (Le futur n’est pas la norme du présent qu’il est en train de vivre. Le futur est seulement ce qui sera. C’est bien ce qu’il exprime lorsqu’il se fixe comme objectif non de vaincre Apollo Creed, mais simplement de tenir les 13 round que durera le combat. 13 round, c’est le temps du futur sans attente, sans illusions, sans transcendance).

Rastignac ferme les bras sur sa poitrine en signe de défi. Rocky lève les bras au ciel en signe de bonheur présent, sans ressentiment.

Mais Rastignac n’est pas un héros (il rejoint donc le superstitieux et le « salaud » dans cette taxinomie anti-héroïque que nous esquissons) :

« Il se croisa les bras, contempla les nuages, et, le voyant ainsi, Christophe le quitta. Rastignac, resté seul fit quelques pas vers le haut du cimetière et vit Paris tortueusement couché le long des deux rives commençaient à briller les lumières. Ses yeux s’attachèrent presque avidement entre la colonne de la place Vendôme et le dôme des Invalides, vivait ce beau monde dans lequel il avait voulu pénétrer. Il lança sur cette ruche un regard qui semblait par avance en pomper le miel, et dit ces mots grandioses :

« A nous deux maintenant ! »

Et pour premier acte de défi qu’il portait à la société, Rastignac alla dîner chez Madame de Nucingen. »

Honoré de Balzac, Le Père Goriot.

Rastignac

Round 10

Seul, Rocky est-il pour autant un héros de l’individualisme triomphant ?

Deux axes référentiels se dessinent ici (la fin du film approche, et aucun combat n’a encore eu lieu : Rocky n’est donc pas un film sur la boxe, pas plus que ne l’est Raging Bull de Martin Scorsese). Le premier de ces axes organise l’item religieux, translucide aux parcours (propre et figuré) de Rocky. Il s’agit de David contre Goliath tel que le Livre de Samuel (17,1 et suivants) en relate le combat. Mais le parallèle au moment même où il s’esquisse, s’estompe de lui-même : David est une figure annonciatrice (celle d’une terre pour le peuple élu). Or, Rocky, n’annonce aucune advenue, aucun futur. Et Apollo Creed, le redoutable champion du monde ne saurait incarner Goliath : son agressivité est toute de circonstance et il saura, le moment venu, reconnaître la valeur de son challenger : fraternité des adversaires. De son côté, Rocky continue d’afficher la même candeur (la scène du « point-presse » est à cet égard une exemplification parfaite de cette candeur).

Le second axe ressortit au motif politique et l’on pourrait à bon droit supputer en Rocky une essentielle solitude comme prélude à une indifférence à autrui qui serait le propre des mythes fondateurs américains. Gary Cooper, le cow-boy solitaire, Rockefeller le self-made-man ; mythes et personnages mythiques auxquels répondrait, de l’autre côté du sort échu par la prédestination, le homeless : toutes images constitutives de solitaires.

Rocky contre Appolo Creed

 

David et Goliath de Rubens (1616)

 

Round 11

« Je veux imaginer sous quel traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde ; je vois une foule innombrable d’hommes égaux et semblables qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme.Chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres : ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d’eux mais il ne les voit pas; il les touche et ne les sent point ; il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul, et s’il lui reste une famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus de patrie. » Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, livre II.

Round 12

Cela, Tocqueville l’écrit en 1830, dans une Amérique à peine advenue au monde et que déjà menacent l’individualisme et l’égoïsme qui fourniront à la puissance tutélaire de l’Etat le motif pour s’immiscer dans les vies afin de les réglementer, afin de s’y imposer avec l’autoritaire douceur de celui qui veut le bien qui est le sien (« Oncle Sam a besoin de toi ! »). Nouveau type de totalitarisme propre aux sociétés démocratiques.

Ce schème idéologique ruinerait assurément tout le sens du film s’il y était inclus. Mais Sylvester Stallone a su éviter cet écueil. Pour preuve, cette réponse, qui intervient dans le deuxième volet de la saga et qui constitue Rocky à la manière d’un véritable dyptique. Dans Rocky II, en effet, même scène montrant Rocky s’entraînant et gravissant les marches du Philadelphia Museum. L’auto-référence est explicite, mais elle enrichit le sens de l’image, puisque Rocky n’est désormais plus seul sur le parvis à regarder Philadelphie qui s’étale en contre-bas : une foule riante l’accompagne, le soutient. De quoi est-elle composée ? De supporters ? Peut-être. A moins qu’il ne s’agisse du rêve de Rocky : I have a dream. Celui du peuple enfin constitué et libre. Celui d’une solidarité enfin réalisée.

Et si dans la philosophie politique, dans ses analyses les plus classiques de la constitution de l’Etat (celle de Rousseau, dans le Contrat social, par exemple), le peuple n’existe pas avant l’établissement de la loi qui le constitue, alors peut-être est-on fondé à prendre en compte cette image de Rocky entouré de et mêlé aux anonymes de Philadelphie : image de la création d’un Etat dont le mythe fondateur n’est pas celui de la figure paternelle ou dérivée du père (l‘oncle, qu’il se nomme Sam ou Charlie), mais celui du frère fondateur. Si cette hypothèse se vérifie, alors le diptyque, que constitue la montée vers le Philadelphia Muséum dans les Rocky I et II, assurerait à ces deux œuvres le statut de véritables manifestes politiques.

Ainsi, le Père se catégorise, à l’instar du superstitieux, du salaud et de l’arriviste balzacien, selon la modalité du anti-héros. Cette catégorisation s’opère selon le découpage spatial suivant : des repères verticaux et transcendants pour toutes les figures du anti-héros mobilisant un ailleurs spatial et temporel (les forces occultes du superstitieux, les lendemains de revanche de l’arriviste, le destin rétrospectif du « salaud » et l’élection du Père fondateur dont le charisme domine l’humanité ordinaire). Mais, contradictoirement, des repères horizontaux et immanents pour toutes les figures de héros (croyance au seul présent, aux ressources propres, refus de tout destin et tout rapport à autrui qui serait autre que « fraternel » c’est-à-dire strictement égalitaire). Symboliquement, cette typologie répond au partage inconciliable de lieux fondateurs symboliques : Mont Sinaï ou Buttes Chaumont (lieux de transcendance) versus Philadelphia Museum ou Lincoln Memorial (lieux d’immanence).

Transcendance et paternité de la Loi

Au Lincoln Memorial : l’immanence fraternelle

 

Rocky I

Rocky II

Round 13

Comme tout héros, Rocky est tributaire d’un point faible. Centre névralgique de sa force autant que de sa faiblesse : pharmakon physique (le pharmakon est ce qui ressortit à deux valeurs contradictoires simultanées, faste et néfaste simultanément).

Point faible : Achille et son talon. Samson et sa chevelure.

Héros.

Pour Rocky, ce lieu de faiblesse en son corps se modifie. D’abord, c’est son œil droit qu’il risque de perdre s’il combat à nouveau. Perdre la vue est ainsi précisément ce qui le fera hésiter (et qui poussera Adriane à refuser qu’il boxe à nouveau, après la victoire sans relief qui ouvre le film).

Puis, il s’agit de son nez, dont il se flatte qu’il n’ait jamais été cassé par aucun adversaire. C’est même ce seul souhait qu’il formule avant son combat contre Apollo Creed : préoccupation esthétique autant que morale (ce signifiant nasal recouvrant la symbolique de l’invulnérabilité compromise, objet d’orgueil autant que de crainte en raison de sa précarité).

Peine perdue : le nez sera finalement cassé et peut-être faut-il voir là l’événement inaugural, le rite de passage qui transfigure le boxeur de second ordre en champion inégalable. Saint Sébastien du ring criblé de flèches-uppercut et portant les stigmates de sa sainteté, Rocky est défiguré par les coups de poing massue d’Apollo.

Mais devient ce qu’il est.

Un héros.

(« Faiblesse ou force : te voilà, ce sera la force. » Accomplissant la résolution de Rimbaud, Rocky advient, sa propre force issue de sa propre faiblesse. Il advient à soi comme martyr. Dans son sens étymologique, le martyr est d’abord le témoin, celui qui a vu et qui demeure lié à tous ces autres par le témoignage qu’il transporte jusqu’à eux. D’où l’aspect de modèle et d’exemple offert à l’humanité de tout témoin).

Un héros, donc.

C’est-à-dire le monde.

Saint Sébastien du ring

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3 Responses to #21-Autoportrait du héros en 13 round

  1. 8 mai 2013 at 10 h 45 min

    oui moi jadore cette filme

  2. Suzy Lee
    25 janvier 2013 at 15 h 00 min

    Un grand bravo, Jim, pour ce superbe article! Je sais ce que je vais revoir ce soir grâce à toi. Rocky a toujours été un personnage qui m’a fascinée, et tu mets les mots sur le pourquoi de cette fascination.
    Merci aussi pour cette belle citation de Michaux : « Le monde te confie sa force en échange de ta confiance ».

    • Jim
      26 janvier 2013 at 21 h 52 min

      Merci à toi !

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