#18 – La crise et l’adolescence

15 octobre 2012
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Ma grand-mère était petite fille pendant la guerre. Elle fait partie de la population française qui a été relativement épargnée pendant cette période triste de l’histoire. Elle se souvient surtout qu’on lui a répété à de multiples reprises que les murs avaient des oreilles et qu’il fallait faire très attention à ce qu’elle disait et à qui. Puis, les chars américains sont arrivés. De la libération, elle se souvient des chewing-gums et du chocolat que les militaires distribuaient. Une triste époque s’achevait, la France allait progressivement se redresser et la période des Trente Glorieuses [1945-1975] allait commencer. Des années de forte croissance économique, de redressement du pays et d’explosion démographique. Ma grand-mère a été adolescente à un moment où tous les espoirs étaient permis, où la vie reprenait indéniablement le dessus et où il était possible de faire des grands rêves et de les réaliser.

Cette semaine, à la Une de Courrier International il y a un titre évocateur et représentatif de l’ambiance morose actuelle : « La France en panne ». Aujourd’hui, les ados en plus de vivre leur propre crise se retrouvent brutalement confrontés à la crise d’un pays. L’adolescence est une période complexe où les doutes sont souvent monnaie courante, où la peur de ne pas être à la hauteur est une source d’anxiété forte et à cela s’ajoute un avenir pas toujours rose. Il faut se trouver soi-même, savoir ce que l’on veut devenir mais aussi trouver des filières « porteuses » lorsqu’on assène sans arrêt que la faculté n’offre pas de débouchés. Il faut essayer de trouver sa place dans une société mais comment y croire lorsque l’on vit dans une ville où la moitié de la population se retrouve sans rien après la fermeture d’une usine qui impacte les ouvriers mais aussi les restaurateurs, les hôteliers, les fournisseurs, les prestataires de service, etc. Comment donner du crédit à la sempiternelle phrase « les études c’est important » lorsque l’on voit que même les plus hauts diplômés sont précaires. Comment garder espoir lorsqu’à la télévision une femme hurle son désespoir à l’annonce de la liquidation de l’usine dans laquelle elle travaillait depuis plus de 25 ans ?

Et comme la situation ne semble pas assez critique, on rajoute du nauséabond. Ces dernières semaines ont été illustrées par des expressions et des histoires chocs : « le racisme anti-blanc » et le conte à propos d’un pain au chocolat volé. Rajouter de la peur à la peur, trouver des coupables responsables de cette situation comme si on n’avait pas tiré les leçons de la crise de 1929. Diviser, accuser, terroriser, voilà les solutions adoptées par nos politiques en ces temps de crise plutôt que de délivrer un message altruiste, un message de tolérance, de paix, de sérénité. Il est plus facile de faire dans la démagogie plutôt que de réfléchir à un système financier et économique plus éthique, plus transparent.

Mais en face de cela, il y aussi des jolies histoires, des personnes qui ont trouvé leur voie, qui ont monté un projet dans lequel elle croyait plus fort que tout et qui ont réussi à s’épanouir professionnellement et personnellement. Ce ne sont pas des exceptions mais des personnes que l’on rencontre quotidiennement dans son entourage mais dont on parle peu souvent. Il y a des personnes qui se battent pour maintenir un équilibre dans des cités qui sont parfois au bord de la crise de nerf. Certaines arrivent même à dépasser leur propre chagrin, leur propre drame pour proposer des solutions visant à favoriser le vivre ensemble.

La situation n’est clairement plus celle des fameuses Trente Glorieuses mais en tant qu’adulte, il est aussi de notre devoir de ne pas noircir le tableau, de ne pas faire des étincelles au dessus d’un baril d’essence en accusant l’autre, celui des cités, celui des caravanes. Il y a un avenir, un avenir dont les contours ne sont plus les mêmes, un avenir qui se mondialise et il est de notre responsabilité de donner espoir à une jeunesse qui a cet avenir devant elle

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4 Responses to #18 – La crise et l’adolescence

  1. 19 octobre 2012 at 21 h 41 min

    C’est vrai que les ados actuels ne sont vraiment pas gâtés. Et les médias en rajoutent ! à nous parents ou grands-parents de les aider à ne pas voir que le côté noir de la vie et de leur avenir. Pas simple bien sûr mais si nécessaire pour eux.
    Merci pour ce beau texte, très juste.

    • 28 octobre 2012 at 14 h 49 min

      Le discours alarmiste n’arrange vraiment rien et il y a une politique de la surenchère qui fait froid dans le dos !

  2. 19 octobre 2012 at 19 h 07 min

    Exact! et bien dit…

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