#18 – La Fauteuse du mois : Latifa Ibn Ziaten

15 octobre 2012
Par

Latifa Ibn Ziaten est la mère du premier homme tué par Mohamed Merah le 11 mars 2012 à Toulouse.

« Sauver ceux qui sont à l’origine de ma souffrance »

À l’occasion du quarantième jour de son deuil, Latifa Ibn Ziaten a lancé l’association Imad Ibn Ziaten pour la jeunesse et la paix, en l’honneur de son fils. Son but : venir en aide aux jeunes des cités.
Après la mort de son fils, elle raconte qu’elle a ressenti le besoin d’aller voir où habitait Mohamed Merah. Arrivée dans la cité, elle est « tombée sur des jeunes, un groupe qui était assis ». Pour eux, Merah est « un héros de l’islam ». Elle se présente alors. Les jeunes « se sont sentis tout petits » devant elle, la mère de la première victime. Ils se confondent en excuses. Latifa Ibn Ziaten reste trois quarts d’heure pour parler avec eux, pour les écouter.
De là, elle en conclut que ces jeunes souffrent de ne pas savoir qui ils sont. Ils sont paumés. Selon elle, « ils ont besoin d’aide. Si on ne les aide pas maintenant, il y aura un autre Merah. » Tueur qu’elle n’appelle même pas Mohamed, parce qu’« il ne mérite même pas son prénom » (ndlr : celui du prophète).
Dans une démarche quasi christique, Latifa Ibn Ziaten se tournent vers ces jeunes : « Malgré le fait qu’ils ont pris ma chair (…), je voudrais les aider. » Qui est cette femme qui semble tendre l’autre joue alors qu’on l’a frappée au plus profond de son être ? Une sainte ? Une rédemptrice ? Une sauveuse ? Alors qu’on attendrait de la haine, des cris, des accusations – et le tout apparaîtrait comme légitime – Latifa Ibn Ziaten semble n’être que sagesse, compréhension et bienveillance. Elle agit avec une telle bonté. Magnanimité ? Elle est croyante, oui, et, avec elle, la religion prend une autre dimension. Surtout, pour une fois, c’est un aspect rarement médiatisé de la religion qui se fait entendre : sa douceur et sa générosité. Alors ce serait encore possible ? Ça existerait encore ? Le courage de Latifa Ibn Ziaten fait rêver à des lendemains meilleurs. Avec elle, on a envie d’y croire.

« On doit éduquer nos enfants »

Latifa Ibn Ziaten « en veu[t] aux parents »« On doit éduquer nos enfants ». Elle raconte qu’elle a tenu à donner les deux cultures à ses enfants, française et marocaine. À Noël, elle décore le sapin, même si est musulmane, pour que ses enfants, à l’école, ne soient « pas dépaysés ». Ainsi « ils savent tout ».
Si le premier devoir est l’éducation, elle reconnaît la difficulté d’élever des enfants lorsque rien ne va. « Le foyer, le père en Algérie, la mère toute seule, les bagarres, la délinquance… Il a eu un parcours très grave pour un enfant de 23 ans. Peut-être, si on l’avait aidé… Peut-être qu’il n’y aurait pas tout ce chagrin. » 


Éviter l’amalgame 

Latifa Ibn Ziaten rappelle qu’en voulant « mettre la France à genoux », Merah s’est attaqué à des Français. Son fils était français, comme les écoliers de Toulouse. Ce n’est pas une question de religion, « il ne faut pas tout mélanger ». C’est pourquoi l’un des objectifs de l’association est de« promouvoir la laïcité et affirmer haut et fort qu’elle ne signifie pas le rejet de la religion, mais au contraire, le droit de vivre sa foi, tout en ayant l’obligation de respecter celle des autres ainsi que les lois de la République ».

Il est à noter que la famille d’Imad Ibn Ziaten, la première victime de Mohamed Merah, a refusé le dédommagement proposé par l’État français pour le préjudice moral subi. Elle demande qu’il soit décoré de la légion d’honneur accordée aux soldats « morts pour la France ». Pour l’instant, l’État reconnaît seulement qu’il est « mort en service ». Mais les juges chargés de l’enquête ont rapporté que c’est un militaire que visait Mohamed Merah.

Tags: , , , , , , , , ,

3 Responses to #18 – La Fauteuse du mois : Latifa Ibn Ziaten

  1. 19 octobre 2012 at 17 h 09 min

    Très beau texte, plein d’humanité et d’amour. Merci d’avoir écrit de tels mots.

  2. Marguerite Tournesol
    17 octobre 2012 at 14 h 03 min

    Merci beaucoup !

  3. Audrey
    15 octobre 2012 at 19 h 12 min

    Très bel article, merci Marguerite d’avoir partagé!

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Suivez-moi sur Hellocoton
Retrouvez Fauteuses sur Hellocoton