#15-Les (mes)aventures de Phèdre : petit traité sur le nourrisson

15 avril 2012
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Chère lectrice, cher lecteur,

Indécence, indécence, indécence. Moi, je dis que c’est indécent de vouloir me faire parler d’indécence alors que je viens de pondre un assistant-en-fatigue-maternelle à ALT * (à savoir Lino, son petit frère nouvellement arrivé parmi nous) : comment puis-je évoquer autre chose que ses innombrables et généreux cacas, sa courbe de poids (plus passionnante que celle de la Bourse), ses heures de tétées (option interrogations fondamentales  : faut-il allaiter à la demande, quitte à transformer le braillard en extension de mon corps ou le faire patienter entre chaque boulottage et risquer qu’il ne meure de faim ?)… Bref. Que des trucs top passionnants. Ma vie palpite encore plus qu’un cœur d’ado devant une photo dédicacée de Clara Morgane.

Mon meilleur ami ? Comment élever votre enfant, le livre le plus apaisant du monde qui ne me fait pas du tout culpabiliser-non-non-non quand par exemple, il m’enjoint de ne pas ressentir d’énervement lorsque mon bébé pleure pendant trois heures parce que sinon, il le sentirait (les bébés sont des Spongex à émotions négatives) et ce serait très très (très) (très) mauvais pour son épanouissement personnel. Ma destination favorite ? Le Carrouf du coin pour me réapprovisionner en couches, quantité maxi-que-t’en-achètes-dix-paquets-le-onzième-est-offert-avec-la-carte-Family. Mon rêve ultime ? Dormir plus de deux heures d’affilée. Et dans mon lit. Et sans un nourrisson collé à moi.

Justement, parlons-en, du nourrisson…

Un nourrisson, ça chie.

Lorsque Tata Janine évoque les défécations bébéesques avec une vieille mine attendrie, elle parle de « cacas d’anges ».

Mais Tata Janine n’a jamais voulu d’enfants. Elle n’a pas côtoyé de près une merde de nourrisson : ceci explique l’appellation ultra poétique qu’elle donne à la chose.

Certes, la couleur a l’aspect du tournesol s’épanouissant à la lueur du soleil couchant, voire d’une belle frite bien bronzée de chez mon ami Ronald… mais le côté chabadabada, chabadabada du truc s’arrête là.

Oui, parce qu’une cacoune de bébé, ça envoie du bois dans la couche, je vous le dis. Pire que l’explosion d’un moteur de voiture dans Walker Texas Ranger. Pire qu’une nespresso 15 bars ou que le karcher de l’Eléphant Bleu.

Quand je démoule, ça déborde et les jambes du braillard sont en technicolor. En tant que mère non-indigne, j’essuie consciencieusement le tout mais comme dans L’Exorciste, le pire est à venir : LLF (Lino Le fourbe) choisit TOUJOURS cet instant pour uriner, version fontaine énergique. Pas dans la couche proprette ni dans le vide mais sur moi : c’est quand même plus funky (et j’ai tendance à croire qu’il vise mes yeux. Oui, tout à fait.).

Un nourrisson, ça mange.

« Allaitez ! », qu’ils disaient tous. Histoire de faire le truc correctement, je colle LLF au sein, donc. Je me voyais déjà comme la dame sur l’affiche dans la salle d’attente de M. Roubichon, l’obstétricien : avec un sourire supra épanoui à la Colgate ultra-bright, détendue, voire même lançant un regard attendri à mon bébé d’amour me pourléchant le mamelon. Mais croyez-moi, la vérité est ailleurs : ces images sont mensongères. On vous induit en erreur, on vous trompe, on vous ment. Parce qu’au départ, ça fait tellement mal que lorsque LLF boulotte, je dois offrir aux visiteurs médusés un rictus horriblement crispé, à mi-chemin entre le sourire et la grimace douloureuse, pire que celui du Joker dans Batman (mais lui, au moins, il a la force de se maquiller). Mes mamelons are in fire et je suis même obligée d’aller à la pharmacie me fournir en patchs apaisants « Mothermates », nom qui provoque immanquablement l’effarement du pharmacien qui n’a jamais entendu parler de cet article. Et vas-y que je dois expliquer devant une brassée de clients intéressés qu’il s’agit de patchs en silicone follement efficaces pour soulager les tétons en souffrance. Je suis même obligée d’entrer dans les détails sordides de l’affaire et de répondre à des questions hyper pertinentes du genre : « Mais vous le collez où ? ». (Ne pas répondre « Dans ton cul ! », ne pas répondre « Dans ton cul ! »…).

Un nourrisson, ça dort.

Ah bon ? Non, parce que là, j’ai la tronche d’un ado tentant d’échapper à Freddy Kruger, sauf que moi, je ne peux décemment pas me gaver de Guronzan-en-avant-Guingamp, histoire de tenir le choc : ce serait indécent d’en refiler via mon lait à LLF. Lui, il a déjà le rythme dancefloor : up jusqu’au petit matin. C’est la teuf de minuit à 5h du mat’ et quand enfin, enfin, il s’apaise, m’offre un visage non-congestionné et endormi, que je m’affale comme les soufflés ratés de Mamie Germaine, c’est au tour d’ALT d’entrer en action avec son cri de guerre matinal : «  POTATO » (période obsessionnelle de la pomme de terre).

Comme disait je sais-plus-qui : la vie est une fête ratée.

Cher lecteur, chère lectrice, tu viens de te farcir un sinistre constat de la vie post GPF*… Mais dis-toi tout de même que ça peut être sympa d’avoir un nourrisson :

-Les gens sont toujours super gentils et prêts à te laisser passer devant eux dans une file d’attente. (Il faut juste faire gaffe à ce qu’ils ne soufflent pas leurs haleines microbeuses sur le lardon en s’extasiant.)

-Quand LLF aura grandi, ALT et lui pourront jouer et moi, me vautrer dans le canap’ avec un paquet de chips saveur barbecue et un coca zéro-qui-donne-bonne-conscience.

-Et puis, avouons-le, quand ton grumeau cherche ton regard et te sourit, le reste est oublié, pardonné, accepté : on ne peut s’empêcher d’aimer passionnément son braillard.

Glossaire

ALT : Anna La Terreur

GPF : Grande Ponte finale (accouchement, quoi)


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6 Responses to #15-Les (mes)aventures de Phèdre : petit traité sur le nourrisson

  1. Sapotille
    2 août 2012 at 17 h 06 min

    Plains toi !

    Tu as une multitudes de bouquins très sérieux à ta disposition tous prêts à te donner 1000 conseils et leurs contraires !

    Rendez-vous dans 15 ans… Il y a aussi des bouquins pour cette période-là !

    Par contre, n’oublie pas d’accumuler et de noter dans ta mémoire les souvenirs tout plein mignons que tu auras plaisir à ressortir un jour !!!

  2. 30 juillet 2012 at 22 h 04 min

    J’ai bien ri et je compatis… Plus que 18 ans… voire 25.

  3. Linotte
    22 avril 2012 at 11 h 04 min

    Que de ( bons ?) souvenirs cela m’évoque…
    Et une question fondamentale : combien de fois peut-on réchauffer une tasse de café avant qu’il ne soit définitivement dégueulasse ? :-)

  4. Viga
    19 avril 2012 at 8 h 26 min

    Ça sent le vécu… et j’ai vécu (subi) la même chose! courage!!!

  5. 15 avril 2012 at 9 h 15 min

    Malgré le manque d’heures de sommeil, tu sais garder cet humour qui me plaît tant ! ;)
    Des bises, la miss !

  6. Derborence
    15 avril 2012 at 8 h 32 min

    Quel plaisir de lire tes nouvelles (més)aventures, Phèdre !
    Ton texte est à mourir de rire.
    Bises.

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