#11-Les (mes)aventures de Phèdre : le lit, cette couche lointaine et désirable

15 décembre 2011
Par

Chère lectrice, cher lecteur,

Très bientôt, dans trois mois pour être au top de la précision, le terme « lit » ne désignera plus pour moi « le meuble où l’on s’allonge pour se reposer ou dormir » (définition de mon Gros Robert) mais un espace de volupté et d’extase profondément inaccessible et idyllique. Il sera l’objet de mes rêveries les plus douces et les plus inespérées, aussi divin qu’un chocolat de Noël double pralinoise, aussi lointain qu’une graisse planquée sous une tonne de capitons. Oui. Car dans peu de temps, j’aurai torché ma GPF (Grande Ponte Finale) et serai l’heureuse (et cernée) mère d’un deuxième Têtard-Braillard bébé. En gros et pour faire simple, je ne dormirai (presque) plus.

Mais, accroche-toi comme un bouton d’acné sur la peau d’un ado, ce n’est pas le pire. La fatigue extrême n’est que le morceau visible de l’iceberg, comme disait Madame Foustaly, mon ancienne prof de géographie quand elle parlait des catastrophes les plus abominables.

On te dit toujours que la maternité, c’est hyper merveilleux (et on te le souffle sur un ton particulièrement exalté), mais sache qu’on te ment éhontément : les premiers temps sont si intolérables qu’un tête à tête avec Cerbère te paraît presque jouissif en comparaison. Explications et session plongée dans le passé, à l’époque de la naissance de La Terreur, mon aînée.

Le relâchement intégral du glam’shine

Le glamour ? Un concept qui devient aussi éculé qu’une coupe au bol quand on a enfanté un gniard-hurlard…
Un soir, ayant constaté les dommages de l’ère post-GPF sur mon apparence dans ce salaud de miroir, je décide de faire un colossal effort, aussi éprouvant que de stopper Hulk détruisant une tour d’immeuble, et de « m’habiller ». Le concept est devenu presque exotique pour moi qui depuis la naissance de La Terreur ne me pare que d’un vieux jog’ des années 80’ et d’un tee-shirt-old-school-que-je-pourrais-faire-de-la-concurrence-au-Joey-Starr-de-mon-adolescence. J’enfile donc avec délectation une mini jupette, un  mignon top à sequins et me fends même d’un petit brushing maîtrisant ma touffe rebelle. LA classe internationale, je surpasse à l’aise n’importe quelle pin up du jour. Finger in ze nose, même. Je colle La Terreur dans sa poussette et en avant contre le vent : direction le petit pub irlandais du coin, histoire de se rincer un demi et de croquer quelques chips réconfortantes avec une paire d’amis. Que c’est bon, que c’est agréable, la vie sociale… Jusqu’au moment où La Terreur a faim. Son petit visage rouge se crispe insupportablement… Mais promptement, plus vive que Zorro signant à la pointe de son épée, je la prends et lui donne à manger.
La tétée se passe merveilleusement bien, même si je dois me contorsionner un max sous mon haut top-lurex pour cacher ce sein que d’autres ne sauraient voir. M’enfin, c’est le jeu ma pauv’ Lucette, quand on veut conserver son sex-appeal tout en allaitant. Une fois l’affaire conclue, je garde fièrement La Terreur dans mes bras, savourant le sentiment du devoir accompli. Mais soudain, sans que je m’y attende… d’un coup d’un seul… fourbement presque, elle rejette l’intégralité de la tétée dans mon décolleté, sur mon top glam-shine, arrosant au passage mon cou délicatement parfumé… Puis sourit de contentement, allégée. Elle ne l’a pas pas fait hier, ni avant-hier, ni avant-avant-hier (ni avant-avant-avant-hier) quand j’arborais mon Survêt De La Honte. Non. Elle a attendu le pull-boule-à-facettes-lavage-à-la-main-sous-peine-de-destruction-massive-des-brillants. Hasard ? Dessein arrêté ? Je doute, je doute… Je finis tout de même mon apéro noblement et malgré les relents acides enveloppant mon entourage et moi-même, torche ma pinte, digne comme un prince. (Sans recommander, tout de même, faut pas pousser…)
Ma conclusion ?
Durant le premier mois de l’ère post-baleinienne, M+1 avec gniard-braillard, ne comptez pas être à la pointe de l’aiguille de la mode. Quelques ensembles de chez Décath-à-fond-la-forme suffiront à éponger les projections vomiesques.

Le sommeil : revenons-y

Le sommeil ? Un besoin naturel qui devient un luxe aussi inaccessible que l’ultime boîte de Chokobons tout en haut du rayon chocolateries-vive-le-gras quand on mesure 1 mètre 56 et qu’il n’y a personne dans le coin (sauf une honorable mamie d’1 mètre 54)…
Quand La Terreur est née, j’ai fait mes adieux (larmoyants) aux couchers-when-I-want-where-I-want-vas-y-que-je-m’étale-comme-une-crêpe-suzette-dès-que-la-fatigue-m’effleure-de-sa-légère-caresse… Pour faire connaissance avec ce que je nommerais pudiquement la Grande Galère de l’endormissement du nourrisson. Et c’est là qu’une nuit sans sommeil, me documentant furieusement dans des ouvrages top ennuyeux du style Mon enfant et moi ou pire, Comment élever mon enfant, La Terreur hurlant sur mon épaule endolorie, j’ai enrichi mon vocabulaire de nouveaux mots tels que  « Colique ». Ça a l’air anodin, comme ça, le mot « Colique » (quoiqu’avec la majuscule subtilement ajoutée, tu te doutes qu’il y a anguille sous roche). Mais il faut savoir que cela recouvre une réalité monstrueusement monstrueuse, à savoir les hurlements frénétiques d’un bébé pouvant durer des heures, le soir, de 19 heures à…oserais-je le dire ?… MINUIT. Bien sûr, comme dans toute histoire, l’aventure de la Colique comporte du positif : il y a un moyen très simple de lutter contre ce mal sonore : marcher, marcher, marcher et encore marcher en tenant son gniard-braillard contre soi. Et surtout, surtout, ne JAMAIS s’arrêter sous peine d’une reprise immédiate et extrêmement violente des pleurs.  Quoi de plus simple que de marcher dans un appartement de 50 m2 pendant 5 heures ? Élémentaire dirait Sherlock (m’enfin, lui n’a eu qu’à s’occuper de criminels…).
Une fois que la randonnée en intérieure est finie (signal : La Terreur est endormie), il s’agit de coucher stratégiquement le bébé qui peut se réveiller à tout moment. Il faut donc opérer une subtile transition entre le bercement de la marche et l’immobilité du lit, l’astuce étant de ralentir progressivement (et c’est là que vous comprenez le sens de « progressif ») votre cadence infernale jusqu’à l’arrêt total des troupes et le largage de La Terreur dans le berceau. Enfin, ô joie, ô bonheur, elle dort. Après avoir béni le Dieu du sommeil des têtards, je m’allonge, épuisée, à bout de forces et m’endors comme une souche… pour être réveillée par des hurlements une heure plus tard… Puis une heure plus tard… Et ainsi de suite jusqu’à la fin des temps, de la nuit.

Ma conclusion ?

Durant le premier mois de l’ère un-être-de-50-centimètres-gère-mon-emploi-du-temps-avec-autant-de-nerf-qu’une-secrétaire-austère, tenez bon et saisissez chaque opportunité pour dormir et combler le manque de sommeil pouvant vous rendre fou : toilettes, salle d’attente… N’hésitez pas à vous taper une ronflette n’importe où (sauf en traversant la route, ça fait désordre).

Faire bonne figure

Le sourire figé ? Votre allié le plus cher et le plus fiable en cette dure période, le vrai sourire authentique et sincère ne faisant plus partie des expressions faciales que vous maîtrisez.
J’ajouterais à tout ce que je viens de décrire le concept de La Bonne Figure. Exemple-type from ze past: Mardi, à l’heure sacrée du goûter, Tata Michou et Tonton René nous honorent d’une petite visite histoire de refiler un énième doudou à La Terreur (qu’on dirait qu’elle est fétichiste du doudou, à force) et d’admirer le gniard (qui bien sûr, au moment des visites n’est jamais braillard mais présente son plus beau visage d’Innocence). Et là, Tata entonne le doux ballet des questions-de-la-mort-qui-tue avec en entrée : « Alors ? Heureuse ???? ». Mon réflexe le plus élémentaire consiste à coller un sourire-que-ça-me-fait-presque-mal-à-la-mâchoire-à-trop-l’étirer puis de répondre d’une voix bien euphorique, bien haut perchée : « Ho ouiiiiii, la maternité, c’est MER-VEI-LLEUX ! » (Penser à bien détacher les syllabes). Mais dans ma tête défilent des images plus insoutenables les unes que les autres : nuits blanches, marche forcée, caca-kaki-collé-au-cucu, jet de lait, mamelons en feu (allaitez, qui nous disent), vaccins…

On continue le questionnaire sans fin et j’ai l’impression de passer le bac oral d’anglais avec la pression et tout et tout… Mais je m’applique autant qu’une guêpe pourléchant une tâche de sirop et réponds bien comme il faut. Non, il ne sera pas dit de moi que je suis une mère indigne qui passe son temps à geindre MAIS une jeune maman SI gracieuse et SI sereine. Et ouais, c’est ça le style.

Ma conclusion ?

Durant le premier mois de l’ère j’ai-donné-la-vie-je-suis-épanouie, soyez hypocrite, histoire de ne pas vous coller à vie l’image d’une dépressive post-partum. Oui, parce que ce genre d’histoire, ça reste dans une famille, ça vous marque ad vitam eternam… Imaginez la scène, au cours d’un repas chez Mamie Henriette, cinq ans plus tard et la fielleuse remarque de cousine Augustine : « Mais oui, c’est vrai que tu étais extrêmement déprimée et totalement dépassée à la naissance de Braillard ! La tête que tu avais ! » (le tout ponctué d’un rire chevalin). Cela risquerait de vous gâcher le plaisir d’un bon repas : intolérable.

Chère lectrice, cher lecteur, encore une fois, je t’apporte de sinistres nouvelles et dresse un bien lugubre tableau de la vie. Mais rassure-toi, je finirais sur une note positive : on ne peut en vouloir très longtemps à son gniard-braillard puisque la parentalité, sache-le, s’accompagne d’un état de neuneuitude avancée : oui, on aime passionnément son enfant malgré tout (érythèmes fessiers et épisodes gastro-entéritaux compris) et quoi qu’il fasse !

Sur ces paroles réconfortantes et ces nouvelles réjouissantes, je te laisse et t’embrasse bien fort en cette période de fêtes.

A très vite !

Tags: , , , , ,

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Suivez-moi sur Hellocoton
Retrouvez Fauteuses sur Hellocoton