Comme chaque année, l’été se pointe et plante un doigt accusateur sur ma paire de fesses légèrement flasque (rapport aux fondues savoyardes hivernales). L’heure du funèbre bilan a sonné :
Dans un élan tout à fait spontané de témérité, je me suis inscrite dans une salle de sport au nom flamboyant : Ze croco club. J’ai bien sûr opté pour l’abonnement annuel.
- Ce sera un bon moyen de m’y tenir, ai-je affirmé, toute lucidité m’abandonnant temporairement.
Premier cours de Body Sculpt ( nom barbare pour dire que tout ton body souffre le martyre pendant l’heure la plus interminable de ta vie) :
L’enseignant qui ressemble farouchement à Hulk (version non verdâtre) nous somme de choisir deux poids d’un kilo à attacher aux chevilles. J’ai l’impression d’être un bagnard du temps jadis. Un son dance-floor tout droit sorti des brumes des années 90 emplit la salle : « Pompelop, you’ve got to pompelop ». Et c’est parti dans la plus intense des allégresses pour le remodelage du fessier. Les exercices me paraissent ridiculement simples et hilarants (on imite le chien qui lève la patte, l’acte sexuel… C’est merveilleusement imaginatif). Je suis en totale connivence avec les autres femmes, je suis dans mon élément, je jubile, j’ai le palpitant qui frémit de fierté, j’en ricane d’aise.
Sauf qu’au trentième mouvement, mon ricanement s’est mué en un rictus de souffrance. Je défaille, je souffle comme un bœuf, je suinte comme la gouttière que ma propriétaire n’a jamais fait réparer. Je jette un coup d’œil autour de moi : elles sont toutes en pleine forme et… sourient. Elles ont la peau sèche. Le maquillage intact. Mais comment est-ce possible ? Elles prennent du Guronzan avant la séance. Elles s’entraînent en secret avant de s’inscrire. Elles n’ont même pas le souffle court. Et il y en a une qui DISCUTE en se trémoussant !
Je profite du fait que Hulk ait le dos tourné pour m’affaler un peu. Mais en plus d’avoir les muscles de Mister Malabar, il a un œil de lynx et aperçoit mon pitoyable reflet dans le miroir. Je tremble un peu lorsqu’il s’approche de moi (de ses naseaux sort presque de la fumée) et suis au bord des larmes (à moins que ce ne soit de la sueur) lorsqu’il m’ordonne de passer tout devant, à ses côtés. Les autres rient de moi sans vergogne.
Je termine la séance lamentablement : au lieu de soulever la jambe, je dresse péniblement le petit orteil. Enfin, le fessier agité de tics nerveux, je claudique vers les vestiaires pour me changer.
Quand soudain, tout s’assombrit. Je me pâme comme Madame de Tourvel et m’effondre tel le mur de Berlin. Quand je reprends mes esprits, je vois l’immonde visage triomphant de Hulk qui m’enfourne un sucre dans la bouche. Je tente bien de le recracher : tous ces efforts ruinés par un carré 100% calories ? Ce n’est pas possible. Mais il a le doigt aussi musclé que le corps et m’oblige à l’avaler. Hagarde, je cherche une excuse plausible à ma faiblesse et murmure :
- Je n’aurais pas dû nager quatre kilomètres avant de venir.
J’ai bien vu l’incrédulité puis les rires réprimés des spectateurs.
J’ai ensuite marché dignement vers la sortie, tel un prince (déchu, oui, mais un prince).
En rentrant (péniblement) chez moi, visualisant mentalement les moelleux coussins de mon canapé, j’ai pris une décision irrévocable : jamais plus je ne sculpterai mes fesses dans cet antre de la douleur.
Il existe des solutions tellement plus cosy…
Entièrement d’accord avec toi :)