#6 Une gourmande à la diète

15 avril 2011
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Et voilà : avril est là et les unes de magazines sont déjà toutes consacrées aux régimes qui vous promettent de perdre trente kilos en un jour et demi. Mais vous n’êtes plus naïve et innocente et vous savez bien que ces promesses sont fausses. Vous décidez donc d’aller voir un nutritionniste pour vous débarrasser de vos courbes gênantes. Seulement voilà, est-ce vraiment une bonne idée ? Gigi s’est encore dévouée pour vous et vous raconte son expérience chez un grand spécialiste parisien.

« Et vous diriez que vous êtes épicurienne ? »

Ça, c’est de la question, les enfants. Et c’est pour me retrouver à répondre à une interrogation comme celle-ci que j’ai patienté trois mois avant d’avoir un rendez-vous, puis que j’ai attendu deux heures dans un cabinet vantant les mérites de la chirurgie esthétique, puis que j’ai déboursé 65 euros sans sourciller. Faut dire aussi, j’aurais dû me méfier : on ne fréquente pas impunément un nutritionniste superstar qui traîne sur M6 et dans les pages de Elle. C’était risqué. Forcément. Mais j’avais envie de voir un peu ce qu’il aurait à me dire : c’est vrai, quoi, aller consulter le pape de la mastication -rien que ça, ça aurait pu m’alerter- était peut-être la solution pour retrouver le poids de mes dix-huit ans. Ah ! Cette silhouette gracile d’alors ! Ah ! Ces petites robettes qui dévoilaient des gambettes fines et galbées ! Que ne donnerais-je pour retrouver ce corps d’antan ! Bien déterminée à redevenir la bombasse de jadis, j’étais donc prête à écouter religieusement n’importe quel gourou de la nutrition. Seulement voilà, aller voir un nutritionniste quand on est plus ou moins au régime depuis ses huit ans (tout ça parce qu’on avait lu dans un truc envoyé par le Cercle des Amies de Barbie qu’il fallait faire gaffe aux calories ingérées), eh bien, ça ne sert pas à grand chose : du low-carb aux indices glycémiques, du tout-protéines au tout-légumes, j’ai tout testé. TOUT. Alors pourquoi aller voir un nutritionniste ? Certes, je ne connaissais pas encore la technique masticatoire mise au point par Chewing Doc (appelons-le comme ça, puisque mâcher est son dada), mais au fond cela n’avait que très peu de valeur. Ce dont j’avais besoin, c’était d’un guide, d’un coach, d’un mentor.

CC Lusheeta

Où Chew-chew devient un peu psy

Et finalement, la première fois, on a très peu parlé de nourriture avec Chew-chew : alors que j’arrivais blindée de connaissances diététiques, je me suis retrouvée, en trois minutes, à dire que oui, j’étais épicurienne, mais que attention, hein, je ne mangeais pas comme quatre, à raconter ma vie, mon passé de fille au régime, à évoquer la silhouette parfaite que j’avais réussi à obtenir et vers laquelle je tendais à nouveau désespérément, en un mot, à évoquer tous mes espoirs, toutes mes angoisses. Je suis sortie de chez Chewing Doc gonflée à bloc, prête à faire tout ce qu’il me demandait, à savoir réfléchir à mon rapport à la nourriture, à noter les humeurs qui étaient les miennes dès que j’ingérais quoi que ce soit, et à photographier mes plats.

Dans les premiers temps, je me suis pliée à ce rituel avec un certain enthousiasme : oui, je le sentais, c’était bon, j’allais enfin briser le cycle du grossissement et reperdre mes sales kilos. Et puis, au fil des jours, puis des semaines, je me suis rendue compte que cet exercice de distance critique par rapport à la nourriture ne faisait que renforcer mon obsession alimentaire : du matin au soir, du soir au matin, je ne pensais qu’à la bouffe. Et fatalement, ce qui devait arriver arriva : la pression était trop forte et toutes les digues placées pour empêcher de possibles fantaisies alimentaires volèrent en éclats devant une boîte de chocolats.

Honteuse et confuse, j’annulais même mon rendez-vous avec Chew-chew et, livrée à moi-même, malade d’avoir failli à ma mission de régime, je retombais lentement mais sûrement dans une sorte de chaos alimentaire complètement schizophrène, où je me nourrissais de salade verte d’un côté et où je dévorais des éclairs au chocolat de l’autre côté.

Et puis finalement, je suis retournée une dernière fois chez le Doc : à peine assise, je me suis mise à fondre en larmes de honte et de rage d’avoir repris tous les kilos que j’avais perdus si difficilement.

Chew-chew me conseilla un copain psy à 100 euros la séance. Je le quittai définitivement.

CC Trekphiler

Epilogue

Ô toi, lectrice aux cuisses capitonées et au fessier imposant, je ne te ferai pas le coup du « mais enfin, franchement, tu n’as pas besoin de maigrir, regarde comme tu es belle ! » qui est, comme chacun sait, absolument insupportable quand on tente de perdre des kilos et qu’on sait qu’on se sentira mieux une fois allégée. Non, je ne te dirai pas ça et si tu veux maigrir, eh bien, vas-y, prends-toi en mains et rééquilibre tes plats.

Mais par pitié, ma lectrice chérie, ne tombe pas dans les pièges des nouveaux charlatans de ce siècle : ne les crois pas trop, ne les écoute pas trop, ne les considère pas comme des sauveurs. Et rappelle-toi surtout qu’un corps frustré et méprisé finit toujours par se venger : alors aime-toi, et mince tu deviendras.

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