#5 Hors-la-loi

15 mars 2011
Par

(petit billet d’humeur furieusement féministe)

« Toute femme désirant s’habiller en homme doit se présenter à la Préfecture de police pour en obtenir l’autorisation… »

Qui ne connaît pas cette fameuse loi du 26 Brumaire an IX, qui a certes été modifiée, mais n’a pourtant jamais été abrogée ? Cette loi qui nous rappelle, à la manière d’une vanité, à quel point les droits de la femme en France, ont été conquis de haute lutte et sont encore bien fragiles ?

En 2011, il est donc interdit officiellement de porter un pantalon quand on est une femme. Soit.

Pourtant, si le fait de « s’habiller en homme » a pu défrayer la chronique et si des femmes comme George Sand ou Rosa Bonheur créaient le scandale en enfilant des pantalons, il semble aujourd’hui que l’acte militant et féministe suprême est de se mettre en jupe.

Rappelez-vous, nous avons nous-mêmes, les Fauteuses, relayé l’événement « Toutes en jupes » lancé par le Mouvement « Ni putes, ni soumises ». Mieux, nous sommes nombreuses à avoir suivi le mot d’ordre et avoir porté une jupe ce jour-là.

Mais alors, comment est-ce possible que ce vêtement soit à la fois un instrument de la domination masculine ancrée dans une longue tradition biblique (parce que bon, y’a pas à tortiller, la loi du 26 Brumaire est très nettement influencée par le commandement religieux qui interdit de se travestir) et en même temps le nouveau symbole de la libération des femmes si l’on en croit les initiatives des collectifs féministes ou si l’on repense au film-coup de poing, La Journée de la jupe ?

Certes, la question est d’emblée biaisée, dans la mesure où il y a autant de différences entre la jupe large et longue d’une bigote et la mini jupe dégottée à moitié prix pendant les soldes qu’entre Madonna et la Madone.

Pourtant le fait est que la jupe provoque des sentiments très vifs : certaines considèrent que le port systématique de la jupe est une régression féministe qui renvoie à l’époque pré-soixante-huitarde où la grande majorité des femmes ne mettait des pantalons qu’à l’occasion d’un épisode neigeux comme diraient les présentateurs de la météo. D’autres, au contraire, portées par la vague rétro, fans de Mad Men et des idoles glamour des fifties, ne voient dans la jupe qu’un vêtement seyant – tellement plus seyant qu’un jean slim par exemple- capable de sublimer (qu’on me pardonne l’emploi de ce terme tellement Glamour-like) les formes féminines.

Et puis il y a ces jeunes filles qui n’osent plus –ou pas- mettre de jupe. Ne nous y trompons pas, ce n’est pas pour autant qu’elles portent un pantalon ajusté et ce n’est pas davantage par choix et pour faire entendre leur voix : c’est par peur d’être traitées de tous les noms. Habillées de vieux joggings informes qui leur garantissent de passer inaperçues, ces gamines subissent un décret tacite bien pire que celui en vigueur depuis le XIXème siècle, celui qui consiste à expliquer qu’une femme qui est susceptible –même malgré elle- d’éveiller le désir masculin, est indigne et déshonorée.

Pour elles, mais aussi pour toutes celles qui se sont battues et qui continueront à se battre, il faut donc réaffirmer chaque jour que les femmes ont le choix de porter indifféremment jupe ou pantalon sans se transformer en objet de concupiscence, mais sans nier non plus leur part de féminité et de séduction, quitte à se rendre hors-la-loi-des-hommes.

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2 Responses to #5 Hors-la-loi

  1. 22 mars 2011 at 14 h 02 min

    j’en profite pour vous informer du lancement, à Lyon, à la suite de Rennes, du second printemps de la jupe et du respect qui fait de la jupe un analyseur des relations entre les garçons et les filles. Cet événement se fait dans les lycées et les collèges. Ce sont les élèves qui produisent des outils de sensibilisation à la question du respect, en utilisant des médias divers comme le slam, la vidéo, la photo, le théâtre… La question de l’apparence fait partie des questions qu’ils mobilisent, aux côtés des violences, des discriminations, etc.
    Sur le flyer, il y a un item qui illustre le fond de votre article: « tu as envie de t’habiller comme tu aimes, mais le faire, tu n’y penses même pas? »
    Pour plus d’info: http://www.printempsdelajupe.com/edition-2011-communication.php

    • Gigi
      22 mars 2011 at 17 h 38 min

      Merci Philippe pour cette information et longue vie à ce genre d’initiatives !

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