#5 Celles par qui le scandale arrive

22 mars 2011
Par

Du mollet gracile de Claudette Colbert dans New-York-Miami aux interrogations de Scarlett O’Hara qui se demande ce que les terribles Parisiennes peuvent bien porter sous leurs toilettes,

RHETT: And another thing. Those pantalets. I don’t know a woman in Paris wears pantalets anymore.

SCARLETT: What do they… you shouldn’t talk about such things.

RHETT: You little hypocrite, you don’t mind my knowing about them, just my talking about them(1),

jupes et gambettes n’ont cessé de faire parler d’elles au cinéma. Et si nous demandons autour de nous quelle est la jupe la plus célèbre, c’est celle de Marilyn Monroe dans Sept ans de réflexion qui remporte tous les suffrages – même si de fait, il s’agit d’une robe. L’Amérique avait déjà admiré le corps de Deborah Kerr sur la plage de Tant qu’il y aura des hommes, ou le jeu de jambes d’une Debbie Reynolds mutine surgissant du gâteau de Chantons sous la pluie, mais c’est sa pin-up fragile qu’elle éleva au rang de symbole. Souvenez-vous : par un été new-yorkais étouffant, Richard (Tom Ewell) resté seul à New-York convie sa jeune voisine au cinéma ; à la sortie du film, celle-ci profite d’une bouche d’aération de métro pour se rafraîchir. La jupe s’envole, un mythe est né, décliné en posters, cartes postales, magnets, foulards, timbres, déguisements…

Pourtant à l’écran, l’attente est déçue. Nous ne verrons guère plus haut que les genoux de Marilyn, code Hayes oblige. La jeune femme n’apparaît pas en pieds, comme si ses jambes ne lui appartenaient pas, ce qui désérotise considérablement la scène. Pas question non plus de voir ses dessous. Pour que le spectateur sache donc ce que Richard dévore des yeux, les studios ont axé leur publicité sur les photos de tournage : les affiches, elles, montrent les poses de la jeune femme, et à l’occasion de la première du film, une Marilyn cartonnée de seize mètres de hauteur est montée à Times Square.

Tournée en effet en septembre 1954 à l’angle de Lexington Avenue et de la 52e rue, la scène attira une foule de plusieurs milliers de personnes, pressées de découvrir les atouts de l’actrice, ainsi que de nombreux photographes venus couvrir l’événement. Ce sont eux qui travaillent les premiers : ils sont chargés de prendre à tour de rôle des séries de photos de Marilyn. Il s’agit plus cette nuit-là d’un photo shoot que d’un tournage de film. Wilder ne put rien faire de ces séquences en extérieur à cause principalement du bruit de la foule. La scène fut donc intégralement retournée dans le calme d’un studio. La légende s’écrivit d’autant plus que Joe Di Maggio était présent lui aussi. Il ne supporte pas que tant d’autres admirent sa femme et que celle-ci se prête au jeu. Di Maggio quitte précipitamment les lieux pour l’attendre à leur hôtel, « the look of death » sur le visage selon le réalisateur Billy Wilder. La violente dispute qui s’ensuivit, au cours de laquelle il l’aurait frappée, précipita la fin de leur mariage. De tout cela, il nous reste la vision de la fausse ingénue dont la robe se déploie encore et encore tandis qu’elle pousse de petits cris de plaisir. Isn’t it delicious ?

Et ensuite ? En France nous eûmes Bardot, dansant un mambo endiablé dans Et Dieu créa la femme de Vadim qui tourna également Barbarella avec une Jane Fonda à la pointe de la mode, habillée par Paco Rabanne, mini-jupe et bottes hautes. La censure n’étant plus de mise, Sharon Stone fit tomber la culotte dans Basic Instinct, tandis que Bridget Jones fit tomber une jupe mise en arrêt maladie pour mieux tomber Hugh Grant.

A l’heure où tout est montré, l’érotisme du dévoilement est donc constamment à réinventer. Laissez-moi préférer deux scènes prises chez Jane Campion : dans La Leçon de Piano, Harvey Keitel se glisse sous la jupe de Holly Hunter pour y découvrir un petit trou dans son collant et caresser alors la chair du doigt. Et si le vent soulève bien haut les jupes chez Wilder, il gonfle les rideaux et métaphorise la vague du désir chez Campion, rideaux de la maison du couple à la fin de La Leçon de Piano, rideaux de la chambre de Fanny (Abbie Cornish) dans Bright Star. Rêvant de John Keats, elle s’étend alors sur son lit face à la fenêtre et au tissu flottant dans l’air, laissant le vent seul pénétrer sous sa jupe.

(1) V.F. :
RHETT : Encore autre chose… Ces pantalons de dentelle… Il n’y a plus une seule femme à Paris qui ait des pantalons comme les vôtres.
SCARLETT : Oh ! mais alors que … Je vous interdis de parler de ces choses-là.
RHETT : Espèce d’hypocrite ! ce qui vous choque ce n’est pas que je connaisse ces détails mais que j’en parle.

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One Response to #5 Celles par qui le scandale arrive

  1. Thierry
    23 mars 2011 at 19 h 47 min

    La magie du cinéma est créatrice de cette jonction évidente pour notre perception entre ces jambes et ce buste. La force érotique de ces deux plans est au contraire extraordinaire. Lorsque le désir se focalise, il est souvent pointé. Ainsi vous prenez le juste exemple de Basic Instinct où le plan qui fit scandale est et demeure le gros plan du mont de Vénus (clin d’oeil à Gigi et son article pileux). Enfin, je complète quelque peu le florilège des dévoilements: Elsa Martinelli dans Hatari!, Julie London dans l’homme de l’Ouest, Harriet Andersson dans Monika, Patricia Arquette dans Lost Highway, Marisa Berenson dans Barry Lyndon, Magali Noël dans Fellini-Satyricon, Janet Leigh dans Psycho, Sylvie Meyer dans Calmos, Laura Antonelli dans ma femme est un violon, Jeanne Goupil dans les galettes de Pont-Aven, Stefania Sandrelli dans la clé, et encore Jane Russell dans le Banni (etc…)

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