Le classique #1 : It happened one night de Franck Capra

15 novembre 2010
Par

It happened one night (New York – Miami),

réalisé par Frank Capra (1934)

Ellie Andrews (Claudette Colbert), riche héritière, épouse un play-boy contre la volonté de son père qui la fait enlever avant que le mariage ne puisse être consommé. La jeune femme parvient à s’échapper et rencontre un journaliste, Peter Warne (Clark Gable) qui l’ayant reconnue et flairant le scoop décide de poursuivre sa route avec elle.
La suite ne laisse aucun doute au spectateur qui trouve ici l’une des premières screwballs comédies hollywoodiennes : badinages, répliques à double sens, joutes verbales, quiproquos, couple d’acteurs charmant, maîtrisant à merveille l’art du sous-entendu sexuel.

Un projet mis en difficulté

Frank Capra aura pourtant eu bien du mal à trouver ses deux vedettes et à convaincre un studio pour ce projet qui faillit bien ne jamais voir le jour. Le titre initial tout d’abord Night Bus ne plaît pas, car les précédentes sorties qui comportaient le nom « bus » ont été des fours. Il aura fallu que Louis B. Mayer, patron de la MGM, lassé des caprices de sa star, décide de punir Clark Gable et sa fine moustache en l’obligeant contractuellement à tourner un film pour la Columbia, le parent pauvre, pour débloquer la situation. Aujourd’hui cette version est contestée mais elle a participé grandement à la légende du film.
Quant à la star féminine, les prospections se multiplient. Nombreuses sont celles qui refusent le rôle comme Carole Lombart, liaison récente du scénariste Robert Riskin, ou Bette Davis, très intéressée mais liée ailleurs par contrat. Claudette Colbert donne finalement son accord pour la somme très importante de 50 000 dollars. Ni elle ni Clark Gable n’apprécient le script, et si Gable se montre bon partenaire, agréable camarade et finalement très impliqué, Colbert ne cache pas son animosité contre Capra avec lequel elle s’était pourtant jurée de ne jamais retourner (For the love of Mike, 1927).

Strip-tease et jambe en l’air

Deux scènes inscrivent le film dans l’histoire du cinéma : l’autostop et les murailles de Jéricho. Dans la première, Peter enseigne à Ellie les rudiments de l’autostoppeur, le pouce en l’air et confiant, mais il n’arrête aucune voiture. La jeune femme s’approche alors au bord de la route, relève sa jupe et tend la jambe pour un résultat immédiat (et désopilant). Colbert refuse tout d’abord de tourner la scène. Elle change d’avis après avoir vu sa doublure, s’écriant : « Get her out of here. I’ll do it. That’s not my leg! » (1). Bien lui en a pris.
Dans la seconde, le couple, obligé de partager pour la nuit la même chambre d’un motel, tend une couverture, baptisée par Warne les « murailles de Jéricho », entre les deux lits ‑ un des rares moments où la différence de classe sociale entre les deux protagonistes est symbolisée. Il serait amusant d’y voir également l’invention du split screen (2). Capra et Riskin jouent avec les codes de production de l’époque et cette couverture n’empêche nullement Gable de commencer à se déshabiller devant la jeune femme tout en commentant chaque geste.
No two men do it alike. You know, I once knew a man who kept his hat on until he was completely undressed. Now he made a picture. Years later, his secret came out. He wore a toupee. Yeah. I have a method all my own. If you notice, the coat came first, then the tie, then the shirt. Now, uh, according to Hoyle, after that, the, uh, pants should be next.
La vue du torse nu de Gable qui ne portait pas de maillot de corps aurait fait chuter de plus de 50% la vente de ceux-ci provoquant la fureur de l’industrie textile ! La jeune femme effrayée se réfugie alors de son côté.
La métaphore est reprise à la fin du film dans le dernier télégramme envoyé par le couple qui a judicieusement réclamé une trompette : « the walls of Jericho are toppling » (4).

And Oscar goes to…

It happened one night est le premier des trois films qui ont réussi jusqu’à aujourd’hui à remporter les cinq Oscars majeurs : meilleur film, meilleur acteur pour le puni Clark Gable qui reçoit à cette occasion son unique récompense de l’Academy Award, meilleur actrice, meilleur réalisateur et meilleur scénariste. L’acteur gagne sûrement ici la popularité qui lui permettra de décrocher le rôle très convoité de Rhett Butler et Fritz Feleng avoue s’être inspiré de la manière dont Peter Warne mange des carottes pour créer Bugs Bunny. Quant à Colbert, qui pensait avoir tourné « le pire film de sa vie », elle n’était pas présente et on dut la chercher de toute urgence à la gare. Personne ne dit si elle a tenté le stop…

(1) Mettez-la dehors. Je vais le faire. Ce n’est pas ma jambe.
(2) écran divisé
(3)Y’a pas deux hommes qui font pareil. J’ai connu un homme qui gardait son chapeau jusqu’à ce qu’il soit complètement nu. C’était quelque chose. Des années plus tard, son secret fut révélé. Il portait une perruque. Ouais. J’ai une méthode très personnelle. Remarquez que le chapeau vient en premier, puis la cravate, la chemise. Maintenant, hum, selon la coutume, le, hum, pantalon devrait suivre…
(4) Les murailles de Jéricho tremblent.

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