#16 Les (mes)aventures de Phèdre : éducation à la location

15 mai 2012
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Chère lectrice, cher lecteur,

Il y a deux ans, j’ai quitté la ville pour me terrer demeurer in ze deep ass of ze world : vive la campagne et sa GFADP (Grande Fête Annuelle Du Pâté), loin, loin de la ville et de ses Mac Do tentateurs. J’avais imaginé qu’une vie-colchique-dans-les-prés-fleurissent-fleurissent serait hyper funky, que je courrais dans les prés, cheveux au vent (Lowéal-parce-que-je-le-vaux-bien), une robe fluide voletant gracieusement autour de mes chevilles foulant les herbes hautes, un petit lapin bondissant allègrement à mes côtés… Que je caresserais amoureusement Marguerite la vache aux longs cils, fournisseuse officielle en fromages-top-bons-qui-puent… Que je cueillerais des bouquets de bleuets qui embaumeraient ma splendide maison et que je jardinerais (j’avais même prévu de planter du basilic). Dans mon esprit, c’était extraordinaire. Mais la guilde des chenilles processionnaires et les hordes d’infâmes objets volants non identifiés ont eu raison de moi. La boue s’incrustant dans les détails ouvragés de mes Minelli m’a vaincue. L’épreuve du tracteur roulant au pas devant moi alors que mon timing matinal est aussi serré que les jupes de Britney m’a tuée. C’en était trop et le fond du trou de l’abîme du désespoir me guettait dangereusement. C’est pourquoi une décision grave a été prise : retourner en ville. C’est là, cher lecteur, chère lectrice, que le combat de la location a débuté.

Il faut savoir que louer une maison, c’est aussi tendu qu’un ventre rempli de civet de sanglier.

Il y a tout d’abord la phase préparatoire, période durant laquelle mes pages web favorites (« Non, le Big Mac n’est pas mauvais pour la santé », « L’épilation sans hurlements : vous pouvez le faire », « Mon bébé fait des pets odorants : est-ce normal ? ») deviennent aussi has been que le port du bandana ou du tee-shirt Waikiki. Se Loger et Le Bon Coin ont pris la tête de mon top five et j’actualise frénétiquement les offres de location. Bien sûr, il faut faire un tri sélectif – « Charmant appartement F4 ancien avec travaux de rafraîchissement à prévoir » signifiant par exemple « trou à rat poussiéreux dans lequel les murs risquent de te tomber sur la face »… Mais finalement, à force d’acharnement, à la sueur de mon front barré de deux rides de tension, je trouve. La victoire est là, I can feel it. Je compose fébrilement le numéro de téléphone correspondant à l’annonce « Villa d’architecte entièrement neuve, libre immédiatement », après avoir menacé ALT* de la priver de Mikado pendant les siècles à venir et plus encore si elle hurle pendant l’appel. Je prends ma voix la plus suave (Lana Del Rey, tu peux aller te rhabiller vite fait, bien fait, les doigts dans le nez), prête à étaler un échantillon de ma bonne éducation. Le propriétaire me décrit le bien (comme y disent dans le monde de l’immobilier) en long, en large, en travers, en diagonale et j’acquiesce à tout ce qu’il me raconte avec un enthousiasme délirant (Deux toilettes ? WOUAAAAAAAAAAAH ! Une baie vitrée ? OOOOOOOOOOH ! Une place de parking ? AAAAAAAH ! Une boîte aux lettres ? FABULEUX, MERVEILLEUX, FORMIDABLE !!! ). Puis, arme fatale, en une phrase une seule, je place que :

- Je suis prof (atout stabilité-je-suis-embauchée-jusqu’à-la-fin-des-temps) : +1

- J’ai deux enfants dont un nouveau-né (atout attendrissement-il-me-faut-un-toit-pour-abriter-ma-progéniture) : +1

- Je suis prête à louer la maison fissa-fissa, genre dans la seconde s’il le veut (atout-je-suis-plus-motivée-qu’une-pile-Duracell) : +2

Score final : 4, sous vos applaudissements.

La classe.

Il me donne un rendez-vous pour visiter le Graal le lendemain. Je sens qu’il est hyper impressionné par ma prestation : la maison sera mienne.

Samedi, 14h pétantes, nous voilà, flanqués de Lino-le-fourbe dans sa poussette XXL que s’il faut entrer quelque part, mieux vaut que l’ouverture soit à la hauteur et d’ALT qui n’arrête pas de réclamer son mouton-qui-pue qu’on a oublié à la maison. Histoire d’ajouter une couche sur la pièce montée de ma perfection, j’ai fait un effort de présentation : j’ai opté pour un look-100%-in-me-you-trust avec ballerines rose-gnan-gnan et top fleuri-innocence-garantie. Alt porte une robe et des couettes dans le plus pur style enfant parfait.

Mais soudain, c’est le drame : une autre famille est en lice, qui attend devant la maison. Comme dans Freddy contre Jason ou pire, Alien contre Predator, j’évalue la force de mon adversaire et mate sans vergogne la dame et son fils afin d’évaluer leur score.

- Petite poussette qui entrera plus facilement dans la maison donc rapidité pour investir les lieux et se les approprier : +1.

- Mais petit morveux occupé à extraire un loulou de sa narine droite : -1

- Port de mocassins, de chemise à carreaux et de serre-tête (elle a osé) : +2, ça fait sérieux.

- Dossier de location tout prêt qu’elle serre jalousement contre son torse : +3

Score final : 5

Ils nous explosent.

Je tente un ze eye of ze tiger, un regard terrible, hyper menaçant, histoire de les terroriser, qu’ils fassent voler la poussière en fuyant loin, loin, loin comme les ennemis de Lucky Luke mais j’échoue lamentablement. La femme me retourne un ze eye of Hannibal Lecter super impressionnant : c’est une winneuse.

Le propriétaire se pointe et nous enjoint d’entrer. Tel un troupeau de moutons sous ecsta, nous nous précipitons fébrilement et c’est à qui fera le plus de risettes serviles.

À la fin de la visite, le propriétaire nous informe qu’il prendra sa Grande Décision Irréversible le lendemain. Le suspense est à son comble, l’attente aussi insoutenable que la vision d’un croissant pur beurre quand on est enrôlée chez Weight Watchers.

Dimanche, le téléphone sonne, et là, le Verdict tombe, aussi émouvant que la finale de Top chef : nous sommes choisis ! Madame Trouduc et son serre-tête à la con peuvent se brosser ! Si j’étais une star sur scène, je me jetterais sur mes fans et hurlerais mon bonheur tout en enlevant mon soutien-gorge pour le lancer à un de mes admirateurs afin qu’il l’encadre dans son salon.

Mais le combat n’est pas tout à fait torché. Il ne prendra fin qu’après l’ultime épreuve des papiers justificatifs-que-limite-on-te-demande-si-tu portes-des-strings-ou-des-culottes-Petit-Bateau : carte d’identité (my god, sur ma carte toute fraîche dont la photo a été prise juste après la naissance de Lino, j’ai une tête de Mickaël Jackson dans Thriller, rapport à mon air fatigué et vaguement inquiétant), avis d’imposition et bulletins de salaire (histoire de se mettre à poil financièrement parlant), dernières quittances de loyer + numéro de téléphone de l’ancienne propriétaire (s’il l’appelle, va-t-elle lui avouer que je l’ai traitée de vieille peau triplement fripée dans un moment d’agacement ?), promesse de garants (ben oui, parce que quand t’as trente piges, un boulot, il te faut quand même une personne capable de rattraper tes éventuelles frasques loyer-tesques).

Le regroupement de tout ce beau monde fut laborieux et semé d’embûches mais sache-le, j’ai vaincu avec brio.

Et, chère lectrice, cher lecteur, tout est bien qui finit bien : à l’heure où je t’écris, je m’enfile un Double Giant (j’ai même le choix entre Quick et Mac Do) tout en admirant mes nouveaux escarpins shoppés ce matin même à dix minutes de chez moi.

La vie est une fête.

Sur ce constat épanoui, je te quitte bien citadinement,

Bises et à très vite.

* ALT = Anna La Terreur

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5 Responses to #16 Les (mes)aventures de Phèdre : éducation à la location

  1. caperucita
    8 août 2012 at 21 h 15 min

    Ah mais je ne savais pas que tu avais lâchement renoncé à te battre contre les forces de la Nature !! ^^
    Bon retour dans la Civilisation alors ! ;-)

  2. Phedre
    20 mai 2012 at 8 h 10 min

    Merci les filles !

    A Derbo : Oui, bien installés ! La vie sans Marguerite a nécessité une adaptation mais on a bien géré la séparation !!!!! Héhéhéhé !

  3. sand
    19 mai 2012 at 17 h 29 min

    Bravo Phèdre pour la victoire contre Miss serre-tête et pour cet excellent article !

  4. Derborence
    16 mai 2012 at 6 h 58 min

    Encore un article plain d’humour. J’adore !
    J’espère que vous êtes bien installés et que Marguerite ne vous manque pas trop.
    Bises.

    • Derborence
      17 mai 2012 at 20 h 38 min

      *plein d’humour…

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