#8-La folle sélection littéraire des Fauteuses

9 octobre 2011
Par

Helina Guesthub

Asiles. Etudes sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus – Erwing Goffman (Editions de Minuit)

Erwing Goffman est un sociologue américain particulièrement connu pour ces travaux interactionnistes. Dans l’ouvrage Asiles (initialement publié en 1961), Goffman étudie la maladie mentale grâce à un travail ethnographique conséquent réalisé dans l’hôpital psychiatrique Saint Elisabeth de Washington. Au sein de ce travail, il ne s’intéresse pas à la maladie en tant qu’objet objectivé mais plutôt aux travers des stigmates sociaux générés par l’étiquette de « malade mental » en analysant précisément les procédés de catégorisation dans l’interaction. Un ouvrage fondateur qui s’intéresse de manière passionnante au stéréotype social.

Yemaya Blanca

Le Mec de la tombe d’à côté – Katarina Maetti (Actes Sud, « Babel »)

Ce roman est, pour moi, celui de l’amour fou, de l’amour qui triomphe comme il le peut des conventions sociales, de la raison et du pragmatisme. Désirée rencontre Benny alors que tous deux fleurissent deux tombes voisines. Elle pleure son mari, il rend visite à sa maman. Pourquoi Benny est-il attiré par Désirée, cette fille qu’il décrit comme beige de la tête aux pieds, morne et sans relief ? Ils ne se comprennent pas, les choix de l’autre, les goûts de l’autre leur paraissent être pure folie. Ils auraient pu tenter l’aventure avec une autre personne qui leur correspond mieux, et pourtant, ils reviennent l’un à l’autre comme deux aimants… J’ai adoré ce livre, la fin originale et cet élan de folie qui entraînent les personnages l’un vers l’autre, qui leur souffle leurs actes complètement loufoques. Ils font le pari de la folie et ce pari mise sur la vie, plutôt que sur la raison. La folie finalement c’est la vie elle-même qui ne signifie rien, qui n’a ni queue ni tête.

Chris de Nerfs

Shutter Island – Dennis Lehanne (Rivages Noirs)

Shutter Island – rien qu’en lisant ce titre tout le monde se dit « Ah! la! la! comme je me suis fait avoir sur ce coup-là ! ». Si vous ne faites pas encore partie de cette confrérie, sachez qu’il ne s’agit pas du tout d’une arnaque littéraire, au contraire, c’est un brillantissime usage des techniques de la narration qui vous emmène dans les tréfonds de la folie. Dennis Lehane met à mal l’omnipotence du lecteur et ça fait mal. Pour résumer Shutter Island : c’est une histoire de fous, écrite par un fou pour des fous. Lisez-le, et, quand vous poserez le bouquin (deux heures plus tard, prévoyez d’effacer votre emploi du temps) allez vous voir dans la glace. Votre regard sera sensiblement différent.

Anaphore

Le Carnet d’or – Doris Lessing (Livre de poche)

Le Carnet d’or de Doris Lessing, suit la quête d’identité d’une Anglaise dans les années 1940 à 1960. Un premier récit assez conventionnel intitulé « Femmes libres » est entrecoupé des quatre carnets intimes d’Anna. Chacun correspond à un aspect différent de sa personnalité : la femme écrivain, la femme engagée politiquement, la femme amoureuse, et enfin un journal intime plus classique. Ces différents « moi » se rejoignent dans un ultime et court carnet, d’or, où règne la folie. Drôle de rassemblement du moi ? « Parfois quand les gens « craquent », c’est une façon de guérir », se défend Doris Lessing dans la Préface. C’est aussi un livre qui a fait date dans le féminisme, au grand dam de l’auteur, pour qui le propos n’est pas là. En fait, le propos est vraiment multiple, et permet à beaucoup d’y trouver son compte. Ce qui m’a le plus intéressé : le rapport au communisme. Belle folie schizophrène.

Luise Yagreld

Cahiers – Vavslav Nijinski (Actes Sud, « Babel »)

Le célèbre danseur des Ballets Russes a laissé plusieurs cahiers qui retracent non seulement ses premiers pas comme protégé de Diaghilev, mais également sa lente marche vers la folie. Les pages hallucinées où il se décrit sur un chemin de montagne enneigée, appelé par Dieu, dans une crise mystique, sont saisissantes. Mais les Cahiers retracent une autre folie, celle d’une époque qui porte bien son nom : les années folles. Des tourbillons de grâce et de travail acharné des Ballets Russes aux prémices du dadaïsme sous la plume d’un danseur-poète, en passant par les anecdotes zoophiles d’une grande dame et de son gorille, les Cahiers donnent à lire les mots d’un homme qui fait à la fois corps avec son temps tout en le regardant à distance.

Les Yeux troubles et autres contes de la lune noire – Claude Bolduc (Editions Vents d’Ouest, « Rafales »).

Le recueil de nouvelles fantastiques du québécois Claude Bolduc, Les Yeux troubles, met en scène la folie jusqu’à l’horreur. Ou l’inverse. Un délicieux sentiment de malaise s’empare du lecteur et l’on ne sait plus qui est le fou : le personnage, le lecteur, l’auteur ? A l’image du titre du recueil (qui est aussi celui de la première nouvelle) le regard que l’on porte sur ces récits est confus, troublé. Bolduc déplace les lignes et les limites de la raison, du compréhensible, parfois même du soutenable. Un recueil dans la lignée des nouvelles fantastiques du XIXème siècle !

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