#7 Le faux débat de la fessée

15 mai 2011
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Pour ou contre la fessée, une vraie question ?

Autant de réponse que de parents

En ce numéro Spécial Fesses des Fauteuses, comment ne pas aborder la question ardue et épineuse de la fessée ? Penchons-nous quelques instants sur le sujet (si vous me permettez…), et voyons un peu ce qu’en disent les parents. Ben oui, parce que les « spécialistes », on sait déjà ce qu’ils en pensent : la fessée, c’est tabou, on en viendra tous à bout ! En bref, ce que l’on peut lire ou entendre un peu partout, c’est que la fessée n’est en rien un acte éducatif, qu’elle n’est que la déplorable conséquence de l’incapacité des adultes à contrôler leurs violentes pulsions, qu’elle doit être remplacée par une parentalité positive qui permettra une communication meilleure et un apaisement des tensions par la parole, voire même qu’elle doit être à jamais bannie car elle génère à elle seule la violence qui tourmente ce monde… Mais si vous demandez aux parents, beaucoup vous diront qu’une fessée, ça peut parfois mettre fin à un gros caprice, que ça peut être nécessaire parfois, d’autres vous diront qu’ils se refusent à cela, qu’ils ont trouvé d’autres moyens d’éducation, et ce sera vrai, d’autres vous diront que c’est très rare, et ce sera faux, ou pas. Vous obtiendrez quasiment autant de réponse que de parents, le sujet n’a pas fini d’être débattu.

L’interdiction de la fessée dans la loi

De manière générale, les médias se font beaucoup plus unanimes que les parents, et maintenant même les politiques s’en mêlent. Dans une proposition de loi présentée devant l’Assemblée Nationale le 18 novembre 2010 par Edwige Antier, on parle d’inscrire l’interdiction de la fessée dans la loi (ou plus exactement l’interdiction « d’user de violences physiques, d’infliger des souffrances morales ni de recourir à aucune autre forme d’humiliation de l’enfant »), de prononcer officiellement ce principe lors de l’union des futurs parents (quid des parents non mariés ou pacsés ? Comme ils ne sont pas prévenus, seront-ils jugés avec davantage de clémence ?), et de l’inscrire dans le carnet de santé de l’enfant.
Loin de moi l’idée de critiquer le fond de cette proposition, la violence est à proscrire dans l’éducation des enfants, comme dans n’importe quel autre contexte d’ailleurs (Lapalisse est mon arrière-cousin !). Mais il me semble que la loi française prévoit déjà de punir tout acte de maltraitance envers les enfants, non ? Quel serait l’intérêt d’une nouvelle loi ? Croit-on que les parents n’avaient pas encore compris, et qu’en l’écrivant noir sur blanc dans le Code Civil, cela deviendra plus évident pour tout le monde ? Ne serions-nous pas en train de prendre un tantinet les gens pour des andouilles ?

Illustration de Bertail pour Les Petites filles modèles de La Comtesse de Ségur

Le vrai sujet : la maltraitance

Oui parce qu’on ne peut pas dire que nous vivions dans une société où il n’est pas vraiment clair pour tout le monde que les parents n’ont pas le droit de battre leurs enfants. Je dois le confesser, je suis de ceux qui pensent qu’il serait bon de se donner les moyens d’appliquer les lois existantes avant d’en faire de nouvelles. Des parents condamnés pour avoir frappé leurs enfants, ça existe déjà, et si on veut enrayer la maltraitance, il faut bien plus que des textes officiels. Car le vrai sujet est bien là, la maltraitance.

Il est facile de palabrer pendant des heures sur la fessée, on trouvera toujours plus de contre que de pour. Bien sûr que toute forme d’agression est à éviter, bien sûr qu’il est préférable de trouver d’autres solutions pour cadrer ses enfants, d’autant que passé un certain âge, cela ne peut plus fonctionner… Mais si nous sommes honnêtes, nous connaissons tous des personnes (y compris nous-mêmes peut-être…) qui ont reçu des fessées durant leur enfance, et qui ne sont pas pour autant devenus ingérables. Ce qui détruit, c’est bien la violence, qu’elle soit physique et/ou psychologique, qu’elle concerne l’enfant directement et/ou qu’il en soit le spectateur (et donc généralement impuissant), celle qui déforme, à jamais peut-être, sa vision du monde et de lui-même, celle qui peut l’amener à devenir violent à son tour, ou victime à nouveau. Un gosse qui s’est pris une claque après avoir fait une bêtise ne sera pas obligatoirement traumatisé et ce geste impulsif pourra être expliqué, même s’il aurait mieux valu l’éviter, mais un gosse qui se prend des claques à chaque fois que sa mère est en rogne ou que son père a bu un coup de trop et qu’il est dans le passage,ou à qui on répète qu’il est un bon à rien, un sale môme, une calamité, un gosse qui regarde en silence les bleus autour des poignets de sa mère, pour lui ce sera plus dur d’apprendre à faire la part des choses, de comprendre sa propre violence et de savoir y faire face. Pour lui, et autour de lui, la vie va être très très compliquée. Et n’oublions pas, avant de culpabiliser tous les parents qui ont eu recours un jour à la fessée, que renoncer à oute forme de sanction ou de cadre éducatif n’est pas une bonne chose non plus, et que parmi les adolescents violents et délinquants, il y en a beaucoup qui n’ont jamais appris à accepter le « non ». Il ne suffit pas de ne pas taper son enfant pour être un bon parent.

Rendre le monde vivable avant de chercher à le rendre idéal

Penser qu’une loi changera quoi que ce soit à la vie des familles qui vivent dans ce genre d’atmosphère, c’est se fourrer le doigt dans l’oeil jusque très très loin… Essayer d’aider les parents qui en ont la capacité et la volonté à enrayer la violence est déjà une meilleure idée, et accepter que certains ne pourront jamais y parvenir et protéger convenablement leurs enfants, ça ce serait vraiment constructif. Discours de travailleuse sociale pétrie d’illusions diront certains, jugement sommaire diront d’autres, peut-être. Il n’empêche que dans la réalité, les moyens sont largement insuffisants pour intervenir à temps dans bon nombre de situations, et qu’il reste encore très difficile de protéger efficacement un enfant d’une situation familiale insupportable. Difficile contrairement à ce qui se fait dans d’autres pays de faire entendre à la société et à la Justice qu’il faut davantage de moyens en amont, pour empêcher la violence de s’enliser définitivement, et qu’il faut ensuite accepter l’idée d’une rupture définitive avec le milieu familial quand celui-ci se révèle dans l’incapacité de changer son fonctionnement pour le bien-être de l’enfant.

Alors oui, d’accord, allez-y, débattez sur la fessée, haranguez les foules à coup de discours sentimentalistes et faciles, en attendant, y en a qui voudraient bien s’attaquer aux racines avant de désherber dans les coins : rendre le monde vivable avant de chercher à le rendre idéal.

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