#3-Je bande donc je suis, épisode 2 : Diogène, l’éjaculateur contrariant

15 janvier 2011
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Le corps du philosophe, et non pas seulement ses idées, peut-il être un moyen subversif, une manière concrète, volcaniquement concrète, de remettre en question l’ordre social ? Le corps : premier lieu du scandale, le premier topos interrogatif, dans le sens où toute interrogation est déjà une critique dans l’acception première du terme – crisis (en grec), séparation. Concernant Diogène, son corps fut bel et bien ce lieu : hostilité incarnée, dure et rageuse, intransigeante, à l’endroit de toute évidence.

A commencer par l’évidence sexuelle.

Contre Platon, contre l’élaboration platonicienne d’un corps de l’homme abstrait : ni grand , ni petit, sans plume, bipède. Contre Platon, thuriféraire de la Forme, Diogène le contempteur de l’absence du corps : en réponse à Platon, il éplume une volaille, se rend auprès du maitre de l’Académie et, lui jetant au visage le volatile : «  Voici ton homme ! »

Acidité déconstructrice du geste, comme un rappel moqueur à revenir au monde.

Et où est-il donc ce corps : ce corps jouissant, en proie à lui-même, suffoquant de désir ? Ici, ici même, visible, exhibé, montré sans honte car sans mystère autre que conventionnel et arbitraire. Dans La vie des Hommes illustres, d’un autre Diogène, Diogène Laërce, on peut lire le récit suivant : comme on demandait à Diogène comment ne pas succomber à l’appel irrésistible du plaisir sexuel, pour toute réponse on obtint de lui un geste. Diogène s’empara en effet de son sexe et commença à se masturber en public. Et de tirer une véritable morale de son geste : si seulement l’on pouvait satisfaire la faim d’une façon aussi naturelle  (en se masturbant le foie ou l’estomac…) !
Contre le mystère du plaisir, la naturalité du besoin. Contre la dissimulation honteuse, l’exhibition joyeuse. Diogène est assurément un maître en liberté sexuelle : par la monstration/démonstration de soi, il réalise la coïncidence à soi-même du corps jouissant.
Lui, le premier.

A tout masturbateur, tout honneur.

À lire aussi : Je bande donc je suis #1 Kant et la masturbation

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