#22-No way

15 février 2013
Par

©Cédric Chort

Train Lille-Aix

« Ce m’est tout un par où je commence, car là même, à nouveau, je viendrai en retour. » : ce fragment du poème de Parménide est ce à quoi renvoie, me renvoie ce cliché . Pourquoi l’image du retour, de la circularité des formes et des êtres s’associe-t-elle en moi, se superpose-t-elle malgré moi, à celle de cette femme endormie ? Peut-être parce que tout retour consiste d’abord dans la confiance que l’on accorde à ce retour : confiance dans l’itération du même, dans l’immuabilité de la vie d’un côté ; confiance du retour à la vie aprés le sommeil, de l’autre. L’aller comme une inquiétude, le retour comme une confiance. On omet trop souvent cette part conservatrice intrinsèque à tout voyage : on chante l’aventure et le nouveau. On élude la restauration du retour. Peur de ce qui un jour n’adviendra plus ?

©Cédric Chort

 

Vers l’inouï

Et si par une forme d’inadvertance paradoxale parce que voulue (car l’être qui voyage cherche à s’étonner de lui-même parfois, la route n’était plus lieu de passage, mais de halte. On condamnerait alors l’aspect transitionnel de toute voie.

  • Pourquoi cette bizarrerie ? Le passage n’est-il pas de substance « érotique » : comme le demi-dieu Eros du Banquet de Platon, il assurerait la jonction entre deux mondes, entre deux états (richesse et pauvreté, ambivalence propre au désir ?) Et cette incessant navigation n’est-elle pas la vie elle-même ?
  • Vous oubliez l’inouï : figure de l’involution de l’âme du spectateur. L’inouï comme une immobilité remuante. Dans un de ces derniers ouvrages intitulé Le Point (et qui sur la couverture est bel et bien transcrit comme un signe typographique ou mathématique : « . »), le poète Edmond Jabès raconte l’histoire de Nathan, prisonnier du ghetto de Varsovie en 1942. Alors que les Nazis le cherchent, que tous appellent aprés lui, Nathan demeure introuvable. C’est qu’il vient de découvrir le secret de l’intériorité de la conscience : tellement replié sur lui-même qu’il est à présent invisible. La seule trace de son existence : sa voix qui parle depuis ce lieu intime et hors d’atteinte : l’inouï de l’être qui vient de parcourir le trajet qui le séparait de même.

     

    ©Cédric Chort

    La discothèque

    Et soudain la route devient inutile. Arrivé. Mais encore sur le départ. Dans India Song de Marguerite Duras, la salle de bal du vice-consul est le lieu murmuré de tous les drames. Une danse comme un désir impossible. Ici aussi : une discothèque comme une anti-route, lieu vibrant de mouvements du corps comme autant de tremblés immobiles des peaux. Plus l’effusion d’une distance à franchir. Celle d’une abolition de toute distance. C’est peut être cela « danser » : s’arrimer à soi, à ce soi qui s’échappe pourtant déjà et qui rencontre inévitablement l’autre.

    ***

    Photographies : Cédric Chort

    Texte : Jim

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    Un autre portfolio de Cédric Chort sur le thème de la route ICI.

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