Vu qu’il n’y a pas de raison qu’à la Saint-Valentin, les couples soient les seuls à s’amuser pendant que les célibataires se morfondent, bousculons les règles. C’était déjà la fête des amoureux ; nous, on veut mettre aussi les amis à l’honneur. Parce qu’il n’y a pas que l’amour qui compte !
« Un vrai ami, c’est quelqu’un que tu peux appeler à deux heures du mat’ si t’as un problème, tu vois ». Cette phrase entendue si souvent me laisse perplexe. D’abord, parce que si une connaissance m’appelle à deux heures du matin en pleine détresse, je ne me vois pas raccrocher sauf si je suis de très mauvaise humeur ; ca ne veut pas dire que je suis la meilleure amie du monde entier. Ensuite, c’est quoi cette histoire de « vrais » et de « faux » amis ? Est-ce qu’on a seulement le choix entre les gens qui viendraient en Australie à la nage vous consoler d’une peine de cœur, et ceux qui vont vous poignarder dans le dos ? Pour moi, les amis, c’est plutôt :
©Marc St Gil
Les amis de longue date
Depuis le berceau, le collège ou la fac, tout dépend ce qu’on considère comme long. C’est comme un vieux couple : on se connaît par cœur, on trouve naturel de passer tous les moments importants ensemble, on peut passer des semaines sans se voir et se retrouver comme si de rien n’était, parce que c’est devenu tellement naturel d’être amis.
Parfois aussi, comme les vieux couples, on divorce pour une bêtise. L’amitié n’est pas un long fleuve tranquille.
Les amis de circonstance
Également appelés « potes », ou « collègues » si vous venez de chez moi. Ce sont les gens qu’on voit avec plaisir, mais à certaines occasions seulement. Les collègues avec qui on déjeune au travail, les potes de la danse, les membres du club de course à pied. On les apprécie, mais on déplace rarement cette amitié sur un autre terrain que celui où elle s’est formée. Parfois on essaie ; ça marche plus ou moins bien, d’interminables apéros où on ne trouve rien à se dire en témoignent. Parfois aussi, c’est comme ça qu’on découvre nos futurs amis de trente ans. Une seule bêtise à ne pas faire : mépriser ces amitiés-là parce qu’on les trouve « superficielles ».
Les amis loin des yeux et du cœur
On s’était jurés qu’on garderait le contact, qu’on allait se revoir dès qu’on pourrait, d’ailleurs on est devenus amis sur Facebook, c’est dire. Ca n’a pas pris, et on s’en est à peine rendu compte. Certaines amitiés ne supportent pas le déracinement. Ca ne veut rien dire de spécial, si ce n’est que c’était une belle relation qui n’était pas destinée à passer l’hiver.
Les amis intermittents
Une mutation, un déménagement, et paf, voilà cinq cent kilomètres entre nous. Sauf que pour le coup, ça marche. Pas de nouvelles pendant des mois, et puis d’un coup, un appel : « Salut, je passais dans ta ville, ça te dit qu’on prenne un café ensemble et que je squatte ton frigo et ton canapé pendant trois jours tant que j’y suis ? » Et alors qu’on ne s’est pas parlé pendant des lustres, tout reprend comme si c’était hier. On est toujours aussi heureux de se revoir, on rencontre le petit dernier dont on n’avait même pas appris la naissance, on papote jusqu’à une heure du matin. Et qu’est-ce que c’est bon de savoir qu’on n’avait pas besoin de garder le contact pour ça.
Les amis d’un jour
Bien connus des adeptes du couchsurfing ou même du covoiturage, ce sont des gens géniaux rencontrés par hasard, au détour d’un voyage, et qu’on ne reverra plus de notre vie. On se découvre un tas de points communs pendant quelques heures ou quelques jours, on refait le monde ensemble, et quand vient l’heure de la séparation, c’est à peine si on échange nos e-mails pour rendre la coupure moins sèche. On sait qu’on ne se reverra pas. Et c’est très bien comme ça.
Les amis retrouvés
« Dudule ! Tu te rappelles de moi ? La terminale S à Trifouillis-les-Oies ! » Des années après, la surprise peut être excellente. Bon, il arrive aussi que Mimi vous colle un sacré coup de vieux, métamorphosée qu’elle est en bourgeoise parfaite avec ses deux minots, son monospace et ses vacances au Club Med. Il faut savoir accepter le temps qui passe.
Les amis quota
« Mon pote gay », « mon collègue américain », « mes amis qui vivent dans un ashram » : c’est marrant, on parle toujours de ces gens-là en rappelant d’où ils viennent, et souvent, si on est complètement honnête, avec une petite pointe de fierté d’être quelqu’un d’aussi ouvert d’esprit. Enfin, tant qu’on ne vire pas dans le vieux « Je ne suis pas raciste, j’ai des amis arabes », ce n’est peut-être pas si grave…
Les amis de votre moitié
On entend souvent parler de ceux qu’on subit, pendant les soirées bière-foot où, comme diraient les Chevaliers du Fiel, « On se LÂCHE ». Mais il arrive aussi que Jules ait bon goût. Alors vous vous rendez compte que son copain Greg a un humour tueur, qu’Antoine est un super partenaire de rando et Ahmed un cinéphile accompli. Vous prenez leurs numéros, vous passez chez eux seule, vous les invitez à votre anniversaire : vous n’êtes plus simplement « la copine de », vous avez trouvé de nouveaux amis.
Et puis un jour, désillusion. Jules cesse de voir ses amis, ou vous cessez de voir Jules. Et là, plus de nouvelles, plus un coup de fil, rien. Vous les croiserez peut-être par hasard, et ils auront peut-être d’excellentes excuses, le boulot les enfants la vie quoi. Mais vous savez à quoi vous en tenir : sans le chaînon manquant de Jules, vous n’existez plus. L’ingratitude des jeunes, sérieux.
L’amitié homme-femme
Les vilains machos le répètent : ça n’existe pas, si vous n’avez pas remarqué qu’il espère juste finir sous vos jupes, c’est que vous êtes une petite agnelle innocente. Ce à quoi les petites agnelles répondent : Dis, coco, tu crois que ça ne nous arrive jamais de chauffer du slip pour notre meilleur(e) ami(e) ? Bien sûr qu’il peut y avoir une ambigüité. Mais entre gens civilisés qui ont bien compris que non, l’amour d’une femme (ou d’un homme, d’ailleurs) n’est pas quelque chose à quoi on a droit parce qu’on a bien travaillé, ça peut très bien marcher quand même.
Il est bien joli cet article! Ça fait du bien!