Droit à l’avortement : la vigilance, toujours

22 janvier 2014
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Encore un. Ce n’est pas le premier papier à propos de l’avortement que nous faisons chez les Fauteuses. Ce n’est certainement pas le premier non plus écrit en réaction à « La Manif pour la vie ». Malheureusement. On aurait aimé ne plus monter au créneau, ne plus continuer à expliquer les mêmes évidences, ne plus être indignés. On aurait aimé pouvoir se dire « Ça, c’est fait. Occupons-nous d’autre chose. » Mais non. On se dit aussi que ces gens qui se disent pour la vie, l’amour et le respect du prochain ne sont pas grand chose, qu’ils n’arriveront jamais à ce que les lois reviennent sur le droit à l’avortement, qu’ils ne sont qu’une bande d’excités extrémistes aigris. Hélas, on a bien vu ce que leur mouvement a donné quand il s’agissait de la « Manif pour Tous » : un climat de haine et de violence, du cassage d’homos en règles, des propos ignobles jusque dans la sphère politique. Hélas, l’exemple espagnol, lui, est tout politique, il ne s’agit pas de quelques manifestants, il s’agit bien d’un projet de loi et d’un retour en arrière pour les femmes. Et pour tous les Hommes.

Encore une fois, comme dans les arguments contre le mariage homosexuel, leur rhétorique mélange tout : leurs campagnes sur le mode « Le Prince charmant de votre fille ne verra pas le jour », « Superman aurait pu naître » est d’une absurdité, d’une bêtise sans non. En empruntant les mêmes chemins de cette rhétorique douteuse, publicitaire, facile, stéréotypée, nous pourrions les renverser d’une pichenette : « Elle s’est fait avorter : elle a évité à Dracula/Darth Vador/Hannibal Lecter de naître ».

Photo publiée sur la page FB de « Moeurs Attaque »

Les femmes qui avortent ne sont pas connes. Elles ne sont pas des monstres. Je crois que tout le monde s’accordera à dire que l’avortement n’est pas un moyen de contraception, que c’est une solution extrême qui ne fait plaisir à personne, pas même à celle qui y a recours (ceci dit, je doute que les manifestants anti-avortement soient pour la contraception… Il n’y a qu’à voir les propos de J-M Le Pen sur « la fonction de reproduction » des femmes…). Aussi, parler d’avortement de confort, de femmes qui enchaînent les avortements comme d’autres enfilent des préservatifs, ce n’est pas rendre compte de la réalité de l’avortement, car je persiste à penser, dans ma naïveté féminine sans doute, qu’il s’agit là de cas extrêmes. Et je crois aussi que si l’avortement était mieux encadré, mieux suivi, cela ne pourrait pas arriver. Tous ceux et celles qui sont pour le droit à l’avortement ne cherchent pas à rendre cet acte anodin, ils cherchent seulement à faire en sorte que les femmes puissent disposer de leur corps, de leur liberté. Nous ne sommes pas pour l’homicide : nous sommes pour la vie. Pour celle qu’on choisit d’accueillir. Pour celles qu’on ne risque pas par un avortement clandestin.

Etre pour le droit à l’avortement, ce n’est pas être contre ceux qui ne peuvent penser y avoir recours : c’est simplement être pour la liberté du choix de disposer de son corps. Pas seulement en cas de viol. La femme qui avorte n’a pas à être une victime, n’en déplaisent aux misogynes qui, dans leur bonté, condescendent à leur accorder l’avortement dans ces cas-là. Le projet de loi espagnol va d’ailleurs dans ce sens : faire des femmes des mineures, incapables de prendre elle-même une décision qui les regarde. Et les jérémiades d’une partie de l’UMP qui veut que l’avortement ne soit plus remboursé s’il ne s’agit plus de situations de « détresse », mention que le gouvernement vient de supprimer dans la loi Veil, ne font que témoigner de cela : seules les femmes en détresse méritent d’être sauvées par des preux chevaliers.

Il ne s’agit pas de forcer quiconque à avorter, ce serait aller à l’encontre de l’esprit même cette loi. Que chacune décide et soit soutenue, accompagnée, sans jugement, quel que soit ce choix. Qu’on continue à éduquer la jeunesse, à leur parler de contraception, aux filles comme aux garçons, à leur dire, comme le Doc en son temps sur Fun Radio que non, une sexualité respectueuse d’autrui et de soi « ce n’est pas sale ».

A consulter :

IVG.gouv.fr : le site gouvernemental d’informations sur l’IVG

Le site du Planning Familial

A (re)lire chez les Fauteuses:

« L’indécence de l’avortement de confort »

« Rendez-vous au Planning »

« Parcours d’une combattante : avorter en France, témoignage »

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2 Responses to Droit à l’avortement : la vigilance, toujours

  1. dionysiac
    23 mars 2016 at 15 h 23 min

    « Il ne s’agit pas de forcer quiconque à avorter » : encore heureux ! Manquerait plus que ça !! Ce serait revenir aux temps de l’eugénisme nazi ! Malgré tout, on peut se demander qui aujourd’hui à encore recours à l’avortement, alors que la pratique de la contraception est largement répandue dans la population. Faire de ce droit un pilier de la revendication féministe aujourd’hui peut sembler, à certains égards, obsolète et d’arrière-garde. Alors si la pratique de l’avortement n’est pas vécue avec plaisir par les femmes qui y ont encore recours (et on les comprend), on peut se demander si l’accent ne devait pas être mis plutôt sur la prévention et l’information en faveur de la contraception, plutôt que sur une rhétorique guerrière, qui prétend présenter l’avortement comme l’alpha et l’oméga du combat féministe.

  2. 24 janvier 2014 at 18 h 32 min

    de toute façon, la femme est « victime », même dans la plus libérale des sociétés… Prenez par exemple le cas d’une de mes élèves, 17 ans, jolie, intelligente, bonne famille… mais elle n’ose pas dire non à son petit ami et elle n’ose pas lui imposer le préservatif… et elle n’ose pas parler de tout ça avec ses parents!
    (le cas n’est pas isolé)

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