Kate Nash ou le Sphinx-colibri

4 novembre 2013
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Le cocon des débuts

J’ai découvert Kate Nash en 2007, lors de la sortie de son premier album « Made of bricks ; Polydor Records», dont je tombe amoureuse. Indie-pop aux faux-airs de gaieté, le disque tourne en boucle et à fond dans la voiture et la maison. J’en grave à la pelle, photocopie en couleurs le livret des paroles et décide que ce sera LE cadeau phare pour Noël. Album ou artiste, finalement mon dévolu s’est probablement porté sur les deux… Ma famille est séduite, cette année on détaille le chapon et la musique. Mon titre préféré s’intitule Mariella (lien ci-dessous) qui ne fait pourtant pas l’unanimité car il subit le fâcheux sort d’être catapulté sur le rang des inaudibles-grinçants, notamment à la fin du morceau. Le bouton-poussoir du poste à roulette de mamie éjecte les aboiements barrés de Kate Nash qui répète « ever ever ever ever ever », de plus en plus vite, de plus en plus saccadé, et en grimpant dans les aigus. Le coupable ne dissimile pas son acte délictueux, agacé d’avoir eu à subir ces feulements. J’aime ce titre parce qu’il est à la fois sombre et touchant. A l’époque, Kate Nash n’a que 21 ans, elle est une fraîche Londonienne au look bien anglais mais aux textes déjà bien aiguisés.

©Antje Naumann

La chrysalide est brisée

Complètement fan du premier album, j’avais délaissé le suivant « My Best Friend is you ; Polydor Records », moins innovant, entre deux-chaises. Aujourd’hui Kate Nash a 27 ans et a auto-produit son dernier album « Girl Talk ; INgroove ». Elle affiche une féminité sensuelle enivrante, affirme ses engagements féministes et n’a pas peur d’en laisser au bord du chemin. A l’instar d’une « Tank Girl », comics américain (co-dessinées par Jamie Hewlett, designer des pochettes de Gorillaz) sorti dans les années 90. Les bulles relatent en noir et blanc les tribulations d’une héroïne trash-punk aux cheveux courts, un mortier incroyable solidement harnaché à l’épaule gauche. Et quand on voit la métamorphose opérée entre « Made of Bricks » et « Girl talk », on se demande si Mariella n’était pas un signe annonciateur, comme si son potentiel post-punk sommeillait. Kate Nash n’a pas troqué ses cheveux longs pour la coupe à la garçonne mais s’affiche clairement rock. Son regard est enveloppé d’un trait noir épais, une robe asymétrique noire et blanche roule soigneusement sur ses hanches. Si elle ne me laissait pas indifférente à ses débuts, autant dire que là c’est une indécente provocation ! Tout en ayant arrêté de traquer son potentiel lesbien, brouillée par les pistes de plusieurs clips hétéronormés – et parce qu’elle reste discrète sur sa vie privée – je ne peux m’empêcher de ressentir son dernier album, son look et son engagement comme un coming out. C’est décidé, l’enquête est rouverte, le désir de savoir est trop fort.

Papillon de nuit rockabilly

Kate Nash jouait jeudi 3 Octobre aux Docks de Lausanne, salle à taille humaine, comme l’artiste. Arrivée trop tard pour assister à la première partie (The Tets, trois punkettes londoniennes), je siffle une « cannette » (terme suisse qui désigne une pinte) en attendant impatiemment l’apparition de l’artiste. Sur scène, quelques vieux postes de télévisions sont dispersés, morts de toute image. Sur la grosse caisse de la batterie est dessinée une fillette aux couettes blondes en train de faire une grosse bulle avec son malabar, juste en dessous trônent les inscriptions « Girl Power ». Du Girl power justement en voilà, la batteuse puis les deux guitaristes entrent en scène, habillées à l’identique. Je suis agréablement surprise : que des filles « zicos », c’est rare. Elles s’imposent tout en simplicité, les cheveux longs qui tombent sur leurs épaules, jean et t-shirt noir aux écritures blanches arborant fièrement « Death Proof » (EP sorti en 2012). « You can’t kill me » dira quelques morceaux plus tard Kate Nash. Elle fait pourtant une entrée sans fracas, le public applaudit frêlement, quelques cris sortent çà et là des coins de la salle comme des miaulements de chatons égarés qui réclament du lait. Elle porte la robe taillée en biseaux au-dessus des genoux. Collants résilles. Les postes grésillent et chassent la grisaille dès le premier morceau : « Sister » issu du dernier album. Je remarque les cheveux de la jeune londonienne : noirs, avec une mèche blanche sur la droite. C’est drôle je me dis qu’elle a des airs de Cruella d’Enfer avec cette coupe. Drôle parce qu’à part la coiffure, aucune autre forme de ressemblance. D’une timidité touchante, Kate Nash est sincère, émue, envoûtante. Elle a troqué son piano contre la basse et la guitare électrique et les musiciennes sont survoltées. Elle incitera, entre deux morceaux et sans tomber dans le démago, toutes les filles à faire de la musique parce qu’ici comme dans les arts, elles sont minoritaires. Le concert s’achève sur du gros son, quelques fans montent sur scène pour danser. Kate Nash descend alors dans la fosse et joue face à la scène, comme un hommage aux jeunes groupies désinvoltes. Les punkettes de la première partie l’encerclent puis Kate Nash s’allonge sur le sol, sa basse lui barre la poitrine, elle gratte et gratte encore. Elle ne veut pas partir et nous non plus. La sécurité voit rouge et se poste au plus près d’elle. J’ai la chance d’être aux premières loges, de la voir rire et de voir la sécurité impuissante. De voir ses mains à la fois délicates et puissantes, traversées de veines apparentes. Le concert se termine sur une chanson a capella. Robe relevée ou non, Kate est complètement nue sur scène. Elle chante la nuit comme l’oiseau annonce la lumière du jour, puis disparaît.

Epilogue surprise

Vient alors la pause clope devant les docks. Je décide d’y retourner pour acheter « Girl Talk ». Les entrées menant à la scène sont fermées, ne s’y introduit que le gorille dont je n’ose emboîter le pas. Je clenche une autre porte, elle s’ouvre et surprise, Kate Nash, complètement détendue discute avec quelques fans qui se prennent en photos avec elle. Je décide de m’approcher, le palpitant pompe mes fluides comme les Shadocks à l’époque. Je croque une conversation en plein vol et la félicite chaleureusement pour son show, décidant de conclure par ces mots « I don’t have any camera but I would love to have a hug ». Et des câlins, Kate Nash n’en est pas avare. L’avoir serrée plusieurs fois dans mes bras (ou inversement) m’a remplie d’une chaleur toute particulière, rendant le concert quasi surréaliste. J’ai perçu sa sensualité tout le concert du coup j’ai du mal à décrire ce que j’ai ressenti, comme si cet instant insolite ne faisait partie que d’une séquence onirique ou d’un épisode de transe durant lequel mon esprit n’était que corps. Elle saluera Emma qui m’avait accompagnée, la pressera elle aussi contre ses seins et nous dira au revoir avec chacune d’entre nous sous une aile. Sa tournée n’aura fait qu’une halte à la Maroquinerie à Paris le 4 Octobre 2013, il faudra attendre la prochaine pour la retrouver en France. Patience et en attendant, ses albums sont en écoute ICI et « Mariella » ICI.

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