Chronique anti-girly #24 – Aujourd’hui, vieillir se dit rajeunir

15 avril 2013
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Dans la vie, on naît, on grandit, puis on rajeunit. C’est tout nouveau, tout beau. Forever.

Le problème, avec la folie du bistouri, c’est qu’on veut faire croire que beauté se confond avec jeunesse. Comme si beauté et vieillesse n’étaient pas compatibles. On a déjà à lutter contre le diktat de la belle idiote, il faut en plus qu’elle soit jeune.

Elles sont pourtant nombreuses à montrer qu’on peut être belle et vieille et intelligente, même.

Mais non. Aujourd’hui, il n’y a qu’à ouvrir un Madame Figaro pour comprendre que vieillir, ça ne va pas être possible. Dans l’un de ses numéros passés, une femme mûre, comme il est convenu de dire, soumettait sa photo à quatre spécialistes pour obtenir leurs avis sur les interventions à subir pour « un coup de jeune global ».

Comment cette femme au visage si doux a-t-elle pu un instant songer qu’elle manquait de charme du haut de ses cinquante-trois ans ? Oui, elle fait son âge et l’on peut facilement l’imaginer avec quelques petits-enfants. Cela ne l’empêche en aucun cas d’être une femme ravissante. Absolument ravissante. Pourquoi le nier ? Et, surtout, pourquoi vouloir le changer, le lisser, le gommer ? Peut-être ne se reconnaît-elle pas. Peu importe, pourtant, quelle jeune femme elle a été, elle est aujourd’hui une belle femme, indépendamment de son âge.

Vieillir, ce serait forcément s’enlaidir. Et on oublie ces hordes d’hommes et de femmes qui sont comme le bon vin : qui se bonifient en vieillissant. Pour rappel, on n’a pas tous une jeunesse resplendissante. La jeune fille en fleur est souvent bourgeonnante et le jeune premier a ses problèmes de peau. La jeunesse aussi est ingrate. Sans parler de cette immense phase de test qu’est le jeune âge : coupes de cheveux, couleurs, maquillages, styles vestimentaires, attitudes, langages, tout y passe. On se cherche.

C’est ce qu’il y a de bien avec la vieillesse : on s’est trouvé. Rien que ça, il y a de quoi rendre beau. Savoir qui l’on est, avoir confiance, si ce n’est complètement en soi, du moins plus et au moins en une certaine expérience, se rappeler le chemin parcouru, connaître ses limites sont des qualités qui rassérènent et qui se lisent sur un visage.

On a appris à accepter son corps, à l’apprécier aussi, à voir ses qualités. Ça détend les traits et ça apaise les expressions.

Le jeunisme à tout prix et à toutes les sauces – Stephane Rose l’évoquait déjà à l’occasion de la sortie de son ouvrage Défense du poil – n’est que le témoin de la pédophilie ambiante de la société. Haro sur les poils, haro sur les rides, haro sur l’humain ?
Face au diktat de la chirurgie esthétique, un collectif d’actrices s’insurge. Kate Winslet a en effet fondé la Ligue contre la chirurgie esthétique, à laquelle se joignent les comédiennes Rachel Weisz et Emma Thompson, pour résister à la pression qui pèse sur les actrices. Leur credo ? La beauté na-tu-relle. Les trois oscarisées ont confié leur démarche au Telegraph.  « Je suis une actrice, je ne veux pas figer mon visage », explique Kate Winslet. Emma Thompson refuse de « bricoler » son visage et déplore cette injonction de jeunesse où « tout le monde doit faire 30 ans à 60. » Pour Rachel Weisz, « avoir l’air trop parfait ne rend ni sexy ni particulièrement beau. »

On critique Brigitte Bardot et il est de bon ton de la trouver laide. Mais, en réalité, ce que l’on trouve laid, ce sont ses idées et ses prises de position. Quel rapport avec son visage ? À y bien regarder, elle n’a rien de repoussant. C’est une vieille dame, c’est tout. Si BB n’avait pas viré extrémiste, on ne verrait en elle qu’une gentille mamie, élégante et décontractée même si un peu froissée. Et l’on se rappellerait plus aisément comme elle a souffert de sa propre beauté et l’on comprendrait qu’elle n’ait pour rien au monde cherché à faire durer le supplice.

Or on peut vieillir en beauté. Tandis que des rides dessinent un sourire éternel, les commissures sont le témoin permanent des embrassades passées, présentes et à venir. Et une peau un peu tannée aura toujours plus de cachet qu’un épiderme à comédons.

 

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