#21-Héroïne du quotidien : Léda, éducatrice spécialisée en hôpital psychiatrique

15 janvier 2013
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Héroïnes, Héros… Les premiers personnages qui me viennent en tête sont Superman et Wonderwoman. Les points communs de ces deux héros sont qu’ils sont dotés de supers pouvoirs et qu’ils l’utilisent pour servir les autres. Finalement, être un héros est-ce que cela repose sur la magie et le surnaturel ou sur le don de soi ? Comment ne pas considérer Robin des Bois comme un héros bien qu’il ne soit pas en mesure de porter une tonne à bout de bras ? Dans cette perspective, nous sommes donc entourés de héros du quotidien et pour ce numéro nous avons choisi d’interroger l’une d’entres eux. Léda, la petite trentaine, rayonne et se distingue par son enthousiasme débordant ! Elle est aujourd’hui éducatrice spécialisée dans un hôpital psychiatrique et elle accompagne quotidiennement des patients dans le but de les réinsérer socialement. Aujourd’hui, à notre plus grand bonheur, elle a accepté de répondre à nos questions :

Hélina : Tout d’abord, j’aimerais savoir si le métier que tu exerces aujourd’hui est une vocation ?
Pour ma part, je pense que oui, car dès mon plus jeune âge je voulais faire un métier dit « social ». Après avoir pas mal travaillé à droite et à gauche, je suis rentrée en école d’éducatrice spécialisée car c’est un métier qui correspondait à ce que je souhaitais, c’est-à-dire être sur le terrain, être en contact au quotidien avec les gens et pouvoir travailler avec un public très différent. Je suis donc partie dans cette aventure et je ne regrette pas un instant. Je pense que l’on doit être passionnée pour faire ce métier et croire en une certaine humanité.

Pourrais-tu nous décrire ton métier et l’accompagnement que tu fais quotidiennement auprès des patients que tu suis ?
Je travaille au sein d’une unité de réhabilitation sociale dans un hôpital psychiatrique. Cette unité accueille 21 personnes hommes et femmes âgés de 23 à 65 ans ayant des maladies mentales (schizophrénie, troubles du comportement, troubles bipolaires, dépression…). Je travaille donc en grande collaboration avec toute l’équipe médicale (psychiatres, infirmiers, aides-soignants,) et sociale (assistante sociale…). Le but de ce service est de permettre à ces personnes d’envisager un projet de vie, de se stabiliser dans la maladie et de se projeter dans une vie en dehors des murs de l’hôpital.
Chaque personne accueillie dans ce service a trois référents (infirmier, aide-soignant, éducateur). L’éducateur s’occupe plus particulièrement des projets de vie (intégration d’un foyer, d’un appartement, se former pour un travail…), il est en lien fort avec l’assistante sociale. Je m’occupe également de tout ce qui se rapporte au quotidien (toilettes, soins quotidiens…) de tous les patients qui en ont le besoin. Je suis également amenée à faire de nombreux accompagnements à l’extérieur (faire des courses, se rendre à un rendez-vous médical, boire un café en dehors de l’hôpital…). J’accompagne aussi les patients lors d’intégration temporaire ou définitive en foyer. Nous essayons de faire en sorte que les référents des patients soient présents dans les accompagnements à l’extérieur et dans les moments forts de la vie du patient. Cela permet une continuité et un repère pour le patient. Dans ce service, les tâches quotidiennes ne sont pas cloisonnées aux professions de chacun sauf dans des accompagnements bien spécifiques.

Comment gères-tu le quotidien ?

C’est un élément très important car le quotidien rythme la vie des personnes accueillies dans cette unité. Certaines personnes peuvent être là depuis un an, deux ans voire beaucoup plus…Ce quotidien est donc géré de façon très différente selon chaque patient. Cet accompagnement quotidien dépend de là où en sont les personnes, de l’aide dont elles ont besoin, du temps de leur séjour et de leur demande… Il est important de favoriser un climat paisible pour que les conflits ou les violences puissent être gérés et parlés.

Quels sont les enjeux du métier que tu réalises auprès des patients ? 

Créer une relation de confiance, aider la personne à reprendre confiance en elle, l’aider à redevenir ou devenir actrice de sa vie, l’accompagner avec et dans son histoire personnelle, refaire naitre du désir, proposer un accompagnement adapté….Voilà tous les enjeux de notre travail, ils sont nombreux !
C’est par le biais de la communication, du langage, des échanges quotidiens que l’on arrive à créer cette relation avec le patient. Dans ce métier le langage a donc une place toute particulière, en somme on parle tout le temps. On échange verbalement lors de moments formels comme lors de moments informels.
Les moments formels tels que les entretiens médicaux et éducatifs sont essentiels ; ils permettent aux patients d’avoir un espace de parole identifié et confidentiel où ils peuvent se livrer et s’appuyer sur les différents professionnels.
Lors des instants plus informels il y a énormément d’échanges. Bien souvent les patients nous livrent des éléments de leur vie au bout d’un couloir ou bien encore entre deux portes et ce sont des éléments qu’il faut prendre en grande considération.
Lors des moments qui se déroulent dans l’univers plus intime du patient (échanges dans la chambre, aide au moment de la douche, aide pour l’habillage…) la personne nous dévoile des éléments de son histoire car c’est un moment privilégié avec un seul interlocuteur. Cela permet d’être aussi dans un contact plus proche qui aide à tisser petit à petit ce lien de confiance.

Tu fais donc un travail en profondeur avec la personne ?
Oui et il me semble aussi que la valorisation est un aspect essentiel dans ce métier. Bien souvent les personnes accueillies se sentent « nulles » ou ont été dévalorisées dans leur vie. Ils se qualifient même de « malades » d’ « handicapé s». C’est donc à nous professionnels de les aider à se voir différemment. Leur rappeler qu’ils ne sont pas que « malades », les aider à avancer, à se décoller de cette image « enfermante » et reprendre doucement confiance en eux. Et puis tout le monde peut un jour se retrouver hospitalisé en psychiatrique ! C’est d’ailleurs ce que je dis souvent aux personnes accueillies dans cette unité.
C’est donc en s’appuyant sur toutes les capacités qu’elles possèdent que ces personnes peuvent reprendre leur vie en main et envisager une sortie de l’hôpital.
L’histoire personnelle de la personne est primordiale à prendre en compte, car il faut qu’ils vivent avec tout ce qui s’est déroulé dans leur vie et avec des histoires bien souvent difficiles. Notre travail est donc de les accompagner avec ce qu’ils sont et avec leur passé. Nous devons par moment être en lien avec les familles, cela aide les personnes accueillies à, soit reprendre contact, soit retrouver des relations adaptées. Parfois il faut aussi maintenir à distance des familles qui peuvent s’avérer pathologiques. Il est important aussi de se détacher de ce passé qui colle à la peau du patient dans le but de percevoir la personne d’une façon différente.
Tous ces éléments permettent d’aider la personne à vivre avec son histoire personnelle et de l’accompagner dans la réappropriation ou l’appropriation de sa vie pour tenter de retrouver une vie à l’extérieur de l’hôpital.

Est-ce que ton métier suscite l’admiration ? Auprès de qui ?
Je pense que oui, parfois. Souvent on me dit « je ne pourrais jamais faire ce que tu fais » avec un ton quelque peu admiratif. Je trouve cela touchant par moment mais en même temps énervant car, pour ma part, il y a tellement de boulot que je ne pourrais jamais faire. Mais dans ce genre de propos c’est plus le fait de sous-entendre que ce métier est difficile car on travaille avec de l’humain et avec des humains détruits et qui souffrent comme beaucoup dans cette société actuelle. C’est le fait de travailler avec des humains qui souffrent qui suscitent l’admiration
Je ne saurais pas exactement dire auprès de qui ce métier suscite l’admiration….Peut-être aupès des personnes sensibles aux problèmes d’autrui.

Comprends-tu cette admiration et qu’en penses-tu ?
Oui je peux complètement la comprendre mais pour moi, c’est un métier comme les autres et je suis également admirative de plein de professions.
Je me dis que je préfère des gens qui sont admiratifs que des personnes qui trouvent notre travail complètement inutile !


Est-ce que tu ne trouves pas admirable lorsque tu arrives à semer des petits cailloux qui amènent le patient à se sentir mieux ?

Le mot « admirable » est un peu fort. Je dirais plus que la personne a su s’appuyer sur notre aide et, que c’est grâce à elle que cela marche. Même si il faut le dire, on est souvent très content qu’un patient parte de l’hôpital pour un appartement ou trouve / retrouve un emploi ; on se dit qu’on a su trouver ce qui lui a permis de s’en sortir.

Notre numéro porte sur les héros et héroïnes, que penses-tu de l’expression « les héros du quotidien », est-ce que tu t’y retrouves ?
Je trouve que cette expression est belle car il y a tant de personnes qui sont les héros du quotidien. Je me dis que les héros du quotidien ce n’est peut être pas nous mais simplement toutes ces personnes qui essaient de s’en sortir malgré les sacrées casseroles qu’elles trimballent…

Le mot de la fin ?
Merci aux fauteuses car je suis une de vos fidèles lectrices et je suis heureuse d’y voir paraître mes mots.

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3 Responses to #21-Héroïne du quotidien : Léda, éducatrice spécialisée en hôpital psychiatrique

  1. Cindy
    26 avril 2015 at 12 h 31 min

    Quel sont tes horaires dans l’hôpital? Travaille tu le week-end?

  2. Ioda
    20 janvier 2013 at 20 h 14 min

    moi je dis simplement bravo grande héroïne admirable!!!!
    prend soin des autres et aussi de toi

    • Léda
      21 janvier 2013 at 12 h 43 min

      Merci beaucoup :)

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