Que vous ayez poussé des cris d’horreur en voyant l’affiche d’American Pie (en vous demandant secrètement le rapport entre un adolescent et une tarte aux pommes) ou que vous vous gondoliez comme un baleineau enragé devant la suite de la suite de la suite de la suite dudit film, vous ne pouvez ignorer l’existence de ce qu’on appelle des teen movies. Et peut-être même vous posez-vous des questions sur ce genre de films. Ça tombe bien, Gigi Beauchamp a interviewé pour vos beaux yeux Adrienne Boutang, qui a écrit en collaboration avec Célia Sauvage Les Teen Movies (Vrin, 2011).
Qu’appelle-t-on un teen movie ?
L’appellation au départ fait référence à un genre très ancré dans la culture américaine : des films avec des adolescents bien sûr, mais surtout aussi destinés aux adolescents, à l’exclusion des adultes – ce qui ne signifie pas bien sûr que certains adultes ne puissent pas y trouver un plaisir coupable et un peu régressif… En fait le point de départ, parti d’Amérique du Nord, c’est l’idée qu’il existe vraiment un territoire spécifiquement « ado » (« teen ») avec ses codes, sa culture, etc… Cela a d’ailleurs pu donner des films d’auteur, comme La Fureur de vivre, par exemple, qui traite de thèmes de défaillance de l’autorité adulte, de la difficulté de grandir, de l’attirance des ados pour les conduites à risque et la mort… Et ça donnera des choses plus populaires dans les années 1980 et encore maintenant. L’idée, c’est que l’adolescence n’est pas seulement un « lieu tampon » entre enfance et âge adulte, mais une parenthèse prolongée, extensible presque à l’infini. A partir de là le genre va se caractériser par des codes assez précis, souvent structurés autour de l’univers du lycée, avec des clans, ses personnages typés, etc…
Comment les studios hollywoodiens représentent-ils le type de l’adolescent ?
Justement de manière très stéréotypée : d’emblée les ados ne sont pas libres, mais reçoivent de manière automatique une sorte d’identité caricaturale (la pompomgirl populaire, la binoclarde, l’athlète, le ringard, etc…), qui est étroitement articulée au groupe dans lequel il s’insère (lycée, colonie de vacances, etc) dont ils vont avoir bien du mal à se dépêtrer. Tous les teen movies interrogent cette articulation de l’identité individuelle avec le groupe, implacable.
Et en France ? Existe-t-il un équivalent des teen movies américains ?
Oui, certains films français ont repris les codes narratifs et les personnages des teen movies, parfois sur le mode de la citation ouverte – au début de Lol, par exemple, l’héroïne, en voix off, dit qu’elle marche au ralenti parce que c’est ce que font les filles dans les films d’ados américains…. Sauf qu’en France on va avoir tendance à parler aussi des parents et de leurs propres romances – dans Lol, encore une fois, on se demande si Sophie Marceau, la mère, va elle aussi arriver à se recaser pendant que sa fille vit ses premiers flirts… Et c’était d’ailleurs pareil dans La Boum. Du côté des garçons, Les Beaux Gosses est une hilarante variation sur le canevas américain de la sex quest – des copains qui essayent désespérément de perdre leur virginité et se font repousser sans cesse.
Peut-on aimer les teen movies même quand on n’est plus un adolescent ?
Eh oui – et certains films jouent même précisément sur ce que j’appellerais le « tropisme régressif » – la nostalgie de cette époque bénie d’irresponsabilité, sans obligations familiales ou professionnelles – en créant des personnages qui, à l’image de leur public supposé, ont la trentaine ou la quarantaine bien sonnée, mais continuent à se comporter en ados attardés. Je pense notamment aux comédies de Judd Apatow, par exemple 40 ans toujours puceau, au titre évocateur….
Des films à recommander aux lecteurs ?
Les « classiques » du genre d’abord : côté romantique, l’inévitable Breakfast Club de John Hugues, qui a fondé les codes du genre – et côté plus « trash », je recommande Animal House, ancêtre subversif d’American Pie ! Dans le genre parodique –et plutôt pour les filles, je conseille Clueless qui retourne tous les codes du film pour filles en les prenant en second degré.
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