#18 – Camille vs Peggy Sue : Fallait pas (re)commencer ?

15 octobre 2012
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Dans son dernier film, Noémie Lvovsky se met en scène en adolescente de cinéma. L’argument ? Une quarantenaire se retrouve projetée dans son passé, alors qu’elle était lycéenne. Le principe : c’est la même actrice qui joue l’héroïne à seize ans comme à quarante. Et l’actrice, elle, a bien quarante ans.

Les cinéphiles ne s’y sont pas trompés. Principe, argument, synopsis : Camille redouble de Lvovsky est le remake de Peggy Sue s’est mariée de Coppola père. Jusque dans l’habitude de travailler avec sa famille de cinéma. La réalisatrice de Camille a beau éviter le sujet en souriant, la liste des points communs entre les deux films est longue comme le bras. Impossible de parler de coïncidence. Difficile, également, de croire qu’« en écrivant et en tournant Camille redouble, [Noémie Lvovsky] ne pensai[t] pas à Peggy Sue. »
Petit rapide aperçu (le plus synthétique possible – mais c’est dur !).

Un séquencier identique 

Le prologue ouvre le film sur une séquence de tournage tout pourri.
L’héroïne est sur le point de divorcer.
Elle est mère (les enfants de Peggy Sue deviennent la fille de Camille).
Son mec se barre avec une autre.
Malgré une sévère déprime, l’héroïne se décide à aller faire la fête en rejoignant une soirée (la fête d’anciens élèves devient le réveillon du nouvel an) où elle retrouve des potes de lycée.
Il s’avère que l’une de ses potes est devenue handicapée (la fille en fauteuil devient aveugle).
Au beau milieu de la fête, l’héroïne tombe dans les pommes.
Elle se réveille quelques vingt-cinq ans en arrière, elle a presque seize ans (les années 60 deviennent les années 80).
De retour dans son passé, l’héroïne s’étonne de trouver ses parents si jeunes.
Elle se sert de l’alcool devant eux et ils le lui défendent.
Elle leur fait cependant une déclaration d’amour.
La mort d’un membre de sa famille (sa grand-mère devient sa mère) est un élément important du film.
Au lycée, son copain et futur ex-mari (Nicolas Cage devient Samir Guesmi) fait deux têtes de plus que tout le monde.
L’héroïne refuse de sortir avec lui.
Elle décide de coucher avec d’autres mecs pour vivre un peu.
Elle le fait.
Elle découvre que son mec est un type bien, en fait. Mieux qu’elle ne le croyait.
D’ailleurs, il lui offre le bijou qu’elle porte toujours (le médaillon devient une bague).
Alors que les copines fument en cachette, l’héroïne évoque son passé de grosse fumeuse.
Elle fait appel à un scientifique pour l’aider à rentrer dans son présent (le geek devient prof de sciences).
Elle lui révèle des choses qui vont arriver dans le futur (On va marcher sur la lune devient le président des États-Unis est noir.)
Ses agissements ont un impact sur le futur (Un ancien élève devenu écrivain lui dédie son œuvre devient elle récupère les cassettes sur lesquelles elle a enregistré la voix de ses parents).
Sa descendance lui manque et elle voit son visage (les petits portraits dans le médaillon deviennent un dessin qu’elle esquisse).
Ça tombe bien, elle fête son anniversaire et tombe enceinte.
L’épilogue clôt le film par une fin ouverte : l’héroïne va dîner avec son ex-futur-mec.

Chacun son registre

Cela étant, il est important de préciser que les deux films sont bons. La grande différence, outre l’époque, réside dans le registre choisi par chaque réalisateur, la comédie pour l’une, le drame pour l’autre.
Camille est un enchaînement de situations toutes plus cocasses les unes que les autres, des tenues ridicules de l’héroïne – ah, la mode des années 80… – au contraste entre un comportement libre et celui qu’on attendrait d’une adolescente – ah la scène d’amour entre Noémie Lvovsky et Anthony Sonigo des Beaux gosses… De son côté, Peggy Sue ne joue pas tellement sur le comique du périmé. Kathleen Turner, qui incarne Peggy Sue, n’est à aucun moment grotesque dans ses robes sixties (il faut dire aussi que les Golden Sixties jouissent d’une connotation ultra positive aux États-Unis). Même si le film se présente également comme une comédie, au final il met l’accent sur le questionnement existentiel du temps qui passe. Nicolas Cage prête souvent à rire, ne serait-ce qu’avec sa voix de canard. La sincérité de son personnage le rend malgré tout terriblement touchant. C’est d’ailleurs le film qui l’a révélé.

Quand l’ado attardée se prend la porte de la maturité dans la face

Le registre privilégié par chacun annonce la vraie différence de propos. Alors que Camille, adulte comme lycéenne, se comporte en ado, Peggy Sue prend du recul. D’un côté, Camille tente de tirer parti au maximum de son retour dans le passé pour vivre pleinement sa vie à elle. Elle ne pense qu’à elle. Se fabriquer un souvenir de ses parents. Profiter des gens qui l’entourent. Connaître de nouvelles expériences. Elle se moque de la souffrance d’Éric, son copain. Elle sait que ça va foirer, alors elle fait tout pour que ça foire. Camille, finalement, agit de manière très égoïste. Elle vit le passé comme un instant présent. Le sien. De l’autre, Peggy Sue pense avant tout aux autres. Elle se préoccupe de sa sœur. Elle fait la fortune de son pote geek. Elle tâche de ne pas faire souffrir ses parents, ses grands-parents et, bien sûr, Charlie, son mec. Si elle rompt avec lui, c’est pour ne pas lui gâcher la vie avec la naissance à venir, le faire renoncer à une carrière artistique. Elle vit le passé en pensant au futur. Celui des autres.
Alors que, dans Peggy Sue s’est mariée, l’héroïne se remet en question et partage les torts de l’histoire de son couple, dans Camille redouble, elle n’accuse que l’autre, comme s’il était l’unique responsable de leur séparation. Peggy Sue se comporte en adulte et Kathleen Turner incarne réellement une femme de quarante ans. Camille retombe en enfance et Noémie Lvovsky joue une adolescente immature, même adulte.

À lire aussi sur le sujet :
« Pourquoi Camille redouble est-il simplement touchant, ici et là, quand le film de Coppola bouleverse ? Ces questions, c’est à la mise en scène qu’il faut les poser. »
« Par son traitement tout en légèreté, Noémie Lvovsky peut à peu près tout se permettre sans pour autant créer de malaise alors qu’elle filme des scènes franchement limites prise hors du contexte de la fable. Les plus belles choses de Camille redouble sont l’interprétation de Noémie Lvovsky, tout simplement parfaite dans la peau d’une adolescente qui n’en est pas tout à fait une ».

À noter la révélation de Camille, c’est Judith Chemla. Récemment vue aussi dans la série Engrenages, cette actrice crève l’écran à chaque séquence de Camille. C’est bien simple, dès qu’elle est présente dans une scène, on ne voit qu’elle.

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2 Responses to #18 – Camille vs Peggy Sue : Fallait pas (re)commencer ?

  1. Marguerite Tournesol
    17 octobre 2012 at 14 h 00 min

    Peggy Sue a un charme fou, même vieilli.

  2. Audrey
    16 octobre 2012 at 14 h 38 min

    Peggy Sue devrait plus me plaire alors… Camille redouble était touchant et drôle par moments, mais il manquait un petit quelque chose pour m’emballer réellement.

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