#16 La Fauteuse du mois : Marilyn Monroe

1 juin 2012
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Cannes, ses robes à plumes et à paillettes trempées par la pluie, ses photographes survoltés et ses films controversés, c’est fini.

©Claude Chuzel

Quant à l’affiche du Festival placardée sur tous les panneaux publicitaires, elle va vite rejoindre les posters des années précédentes et sombrer dans l’oubli.

On y voyait Marilyn Monroe, dans une voiture luxueuse, en train de souffler l’unique bougie d’un gâteau d’anniversaire, sans autre témoin que le photographe et que les millions de spectateurs de cette image. Cette image, choisie par les organisateurs du Festival pour rappeler les cinquante ans de la disparition de Marilyn, trouvée morte dans son appartement hollywoodien le 5 août 1962, résume le drame de cette femme mythique.

D’une beauté saisissante, reconnue universellement comme l’un des plus grands sex-symbols du XXème siècle, Marilyn était pourtant seule, désespérément seule. Petite fille, elle est élevée seule par sa mère ; cette dernière sombre dans la folie, et Marilyn est conduite à l’orphelinat, avant de découvrir la dureté de familles d’accueil inhospitalières. Solitaire, elle l’est aussi à l’école et elle le raconte dans sa Confession inachevée enfin publiée l’an dernier : « Je n’avais pas d’amis. Les autres élèves m’adressaient rarement la parole et ne voulaient jamais me laisser participer à leurs jeux. Pas une fille ne rentrait de l’école avec moi ou ne m’invitait chez elle. C’était en partie parce que je venais d’un quartier misérable, peuplé de Mexicains et de Japonais. C’était aussi parce que je ne souriais à personne. »

Et puis un jour, par hasard, en mettant un pull un peu trop étroit, le miracle – mais en était-ce bien un ? – se produisit : celle que personne ne regardait devint le centre des attentions. Désirée par les garçons, détestée par les filles, Marilyn naquit alors en tant que fauteuse.

Sa vie ensuite, on la connaît : elle épousa à seize ans un jeune homme bien élevé pour échapper au cauchemar des familles d’accueil, il partit pour la guerre, elle posa nue pour payer ses traites et divorça peu de temps après. Et puis la gloire, le succès, les diamants, les tapis rouges, les hordes de fans. Mais en même temps, la douleur de ne pas réussir à avoir d’enfant, la dépression, la peur d’avoir hérité de la folie maternelle, le besoin éperdu d’amour, de protection, de tendresse. Trois mariages, trois divorces, des aventures nombreuses, mais aucune pour combler le sentiment de vide que Marilyn disait éprouver. Des films à grand succès, mais des frictions avec les producteurs qui ne supportent plus ses retards fréquents sur les plateaux de tournage.

En 1962, elle tente pourtant de revenir sur le devant de la scène avec le tournage du film au titre prémonitoire, Something’s got to give (Quelque chose va craquer) ; ses retards ne sont plus acceptés, l’oubli de ses répliques irrite. Le contrat est sur le point d’être rompu : la rumeur circule le 1er juin, le jour de son trente-sixième anniversaire ; elle est confirmée quelques jours plus tard.

Marilyn est seule, fragile, enfermée dans une relation morbide avec le psychiatre qui la suit et une gouvernante qui prend le contrôle de sa vie : lorsque l’on retrouve son corps ce 5 août, on découvre sa main crispée sur un téléphone, signe ultime de son besoin d’échapper à sa terrible solitude.

L’image qu’on a généralement de Marilyn est celle d’une ravissante idiote, blonde jusqu’aux neurones, moulée dans des robes incendiaires et collectionnant les amants ; pourtant, celle qui fauta parce qu’elle était trop désirable était bien éloignée de ce cliché. Sensible, fine, elle était au contraire une intellectuelle : la récente découverte de ses Fragments publiés au Seuil montre à quel point ses lectures étaient exigeantes et combien, en écrivant sa douleur, elle avait un véritable style.

Si Marilyn avait vécu jusqu’à aujourd’hui, elle aurait quatre-vingt-six ans : qui sait alors à quoi elle ressemblerait ? Toujours déchirée par ce besoin de plaire à tout prix, elle aurait probablement cédé à l’appel de la chirurgie esthétique et aurait perdu non pas tant sa beauté que son charme. Comme sa grande rivale de l’époque, Elizabeth Taylor, elle aurait peut-être soutenu de nobles causes, le tout dans des galas dont elle maîtrisait les codes. Aurait-elle été heureuse ? Rien n’est moins sûr : Marilyn n’était pas une star, mais une comète, condamnée à ne vivre que dans la fulgurance.

Que cela ne nous empêche pas, en ce 1er juin 2012, de repenser à cette Fauteuse qui changea la face du monde, et de lui souhaiter un merveilleux anniversaire.

 Monroe, M., Confession inachevée, En collaboration avec Ben Hecht ; préface de Joshua Greene, Robert Laffont, 2011, pp. 43-44

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