Chronique anti-girly #16 – Nib’ vs. Bib’ : La guerre des nichons ?

3 juin 2012
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Solidarité féminine ? Même pas cap’ !

Ah, la sacro-sainte solidarité féminine !… Mais oui, mais bien sûr. La bonne blague. La très bonne blague.
La solidarité fonctionne tant qu’on reste dans le même camp. Car, comme s’il ne suffisait pas du machisme, des femmes se tirent dans les pattes dès qu’elles osent penser différemment les unes des autres (Keuwa ? Les femmes ne pensent pas toutes pareil ?! – Keuwaaa ??? Les femmes pensent ?!?!?!…). Un peu comme si, chez elles, c’était OM-PSG à toutes les sauces. Quel que soit le domaine, il faut que les clans se forment et, pire, il faut en choisir un.

Un des derniers fights en date repose sur la récente Une du Time mettant en scène une mère, trentenaire, élancée, blonde et fringante, un enfant de facile trois ans au bout du sein. Provoc’ ? Bien sûr. Là n’est pas la question. Non, non, la très bonne blague, c’est que cette Une soulève les indignations des deux camps, aka les pro et les anti allaitement. Les premières protestent contre l’effet canon de beauté. Les femmes allaitantes n’ont pas à être des poulettes sexy. Si encore la mère avait dix kilos de plus. Les secondes crient au scandale contre une revendication qu’elles jugent malsaine.

Choisis ton camp si t’es une femme

C’est bien simple, aujourd’hui, impossible d’allaiter ou de ne pas allaiter en paix. L’un comme l’autre est forcément un acte politique. Allaiter, en France, aujourd’hui, c’est crier au monde qu’on veut le meilleur pour son enfant et qu’on entend être la meilleure mère possible. Ce n’est pas bêtement nourrir son môme, c’est dégainer son sein sur la foule et tirer à vue. Ne pas allaiter, c’est lutter contre l’esclavage et se battre pour la liberté des femmes. Ce n’est pas bêtement nourrir son môme, c’est brandir le biberon comme symbole de son indépendance et preuve qu’on n’est pas des bêtes. Oui, oui, rien que ça.

Selon que l’on se place dans un camp ou dans l’autre, l’allaitement relève de l’acte politique ou de l’esclavage. Outre le ridicule d’une telle dichotomie, cette conception des choses est des plus restrictives. Que faire des femmes qui allaitent par plaisir ? Que faire des parents qui trouvent le biberon plus pratique ? Et de ceux qui estiment au contraire le sein plus facile à donner ? Que faire de ceux qui n’y ont pas réfléchi parce qu’ils ont préféré se concentrer sur d’autres aspects de la parentalité ? De ceux qui ont choisi le bib’ ou le nib’ juste comme ça, sans enjeu, parce que, pour eux, c’était le plus simple ? Mais non, les guéguerres féminoches ne reconnaissent pas l’existence de ces parents-là. Ils n’ont pas le droit de citer parce qu’alors, vraiment, allaiter ou biberonner sans y avoir réfléchi est la pire des inconséquences. Y a vraiment de ces mères irresponsables, hein…

Et qui pour alimenter (ah, ah) la dialectique ? Qui aux premiers rangs des bataillons ? Qui pour s’opposer dans les tranchées ? Des femmes. Des femmes pour dire aux autres qu’elles sont des connes de ne pas faire comme elles. De ne pas penser comme elles. D’ailleurs, si elles ne pensent pas comme elles, c’est qu’elles ne pensent pas. Du tout. Forcément.
Que la future jeune mère se prépare, l’assaut ne va pas tarder et la question fatidique tomber comme un couperet : va-t-elle allaiter ? Bam. Si elle ne veut pas allaiter, les copines qui, elles, l’ont fait, vont lui démontrer par a + b que l’allaitement est ce qu’il y a de meilleur pour son bébé (et que, par conséquent, elle est, déjà, une mère indigne). Si elle allaite, les copines qui, elles, ont donné le bib’, vont se sentir sur la défensive, comme agressées par ses obus lactés (et, par conséquent, estimer qu’elle est, déjà, dans une relation fusionnelle malsaine avec son enfant). Si elle opte pour l’allaitement mixte (nib’ + bib’), elle n’est qu’une traître à la cause, et puis c’est tout.
Que la future non-mère ne se pense pas épargnée et qu’elle se prépare même au pire : elle aura sûrement les deux camps contre elle…

Eh oui, parce que sans avoir besoin du machisme au masculin, les femmes se débrouillent très bien toutes seules pour se crêper le chignon. Entre elles. Et ce n’est sans doute pas Bérénice Béjo qui dira le contraire.

Touche pas à mon choix

À croire que certaines femmes se sentent carrément remises en question dans leurs choix par ceux des autres si ce ne sont pas les mêmes. Si la copine ne fait pas pareil, c’est plus la copine. Na. Pourtant la définition même du mot « choix » implique qu’il y en a d’autres de possibles. Non ? Sinon on ne parlerait pas de choix. Si ?

Le choix, le choix, le choix. On ne le répétera jamais assez : les femmes ont le choix. Stop aux carcans, aux diktats passés ou présents, aux préjugés ancrés. Stop au modèle unique.
Aux femmes, les premières, de prendre les décisions qu’elles préfèrent. Aux femmes, les premières, de respecter les choix des copines. La meilleure façon, sans doute, de faire respecter les leurs.

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6 Responses to Chronique anti-girly #16 – Nib’ vs. Bib’ : La guerre des nichons ?

  1. Renarde
    17 juin 2012 at 14 h 29 min

    Bravo !

  2. Soreine
    14 juin 2012 at 20 h 13 min

    Et encore. Vous avez oublié de parler du camp de celles qui n’allaitent que cachées et de celles qui le font n’importe où. Et de celles qui donnent du lait en poudre eco label bio produit exclusivement en Suisse orientale à partir de lait de vache dopées à l’herbe véritable des Alpes, et des autres, qui se contentent du lait de supermarché.

    Tout çà tient en un mot : compétition. La meilleure gagne on ne sait quoi. Mais de la même façon qu’un bon 2/3 des mères passent leur vie à comparer les progrès de leurs enfants à ceux des autres, elles comparent là leurs mérites. Très.. humain occidental standard de l’époque, avant que d’être juste féminin.

  3. 5 juin 2012 at 18 h 17 min

    C’est vrai qu’en matière d’éducation, les camps sont légions (ah ah). Mais même avant ou sans enfants, on peut en entendre de bonnes. Qui n’a jamais entendu (ou même dit) : « Ton mec fait ci, fait ça ? C’est un con, largue-le ! » « Moi, mon mec… » « Moi, ma mère… », « Moi, ma boss… », « Moi, mon régime… » Ou encore « Si j’étais toi… » Et voilà. Les proches sont toujours là pour donner des conseils. Et tant mieux. Du moment qu’ils sont aussi là pour é-cou-ter. (Et res-pec-ter.)

  4. 5 juin 2012 at 0 h 14 min

    Bien vu! Et après, y’a la question des couches, du cododo, de l’éducation, de la crèche/nounou, de l’école… Bref, on n’a pas fini d’en prendre plein les nibards :-(

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