#16 Passe ton bac d’abord !

15 mai 2012
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Lorsque je suis en rentrée en CP ma maman m’avait expliqué doctement que j’entrais à l’école des grands pour apprendre à lire et à compter. L’année n’a pas été simple dans la mesure où j’avais une maîtresse tyrannique qui mettait des fessés lorsqu’on n’arrivait pas à faire un exercice (et bien oui les fessés ça aide à mieux comprendre, non ?!). J’ai finalement réussi à apprendre à lire et à écrire et à la fin de mon CP, j’annonçais fièrement à ma mère que je pouvais quitter l’école et que désormais j’allais gagner ma vie SEULE. Je savais lire et compter ! J’étais un peu stressée de ne pas savoir encore lire l’heure car il m’était impossible de déterminer quand était l’heure du goûter (oui, j’ai toujours été très pragmatique). Ma mère s’est donc assise et m’a expliqué qu’à sept ans, je n’étais pas encore assez grande pour vivre ma vie en pleine autonomie et qu’avant de quitter l’école il fallait que je passe mon bac d’abord soit, au minimum, encore 11 ans à tenir.

Passe ton bac d’abord. La phrase récurrente des parents qu’ils assènent régulièrement lorsque leur enfant annonce fièrement qu’il veut devenir chanteur (à la star’ac), artiste, acteur… Pour ma part, passionnée d’équitation pendant mes jeunes années, j’ai voulu arrêter mes études à l’âge de 12 ans pour vivre pleinement ma passion. Bien évidemment un : « passe ton bac d’abord » m’a été opposé. Ceci a engendré de nombreuses crises pendant lesquelles j’écoutais très fort Mariah Carey tout en hurlant « tu ne m’as jamais aimée ».

Ainsi, le bac est devenu une sorte de Graal et le bac scientifique avec mention – celui qui permet de rentrer dans les grandes prépas – je n’en parle même pas ! Et oui, tout doucement se dessinait la voie Royale et la voie qui pue (celle qui mène à l’Université ou au BTS, t’imagines un peu !). Il s’est vite avéré que je n’étais pas une grande scientifique, il a fallu donc se résoudre à faire un bac de seconde zone mais heureusement un bac général parce qu’il y avait pire : les bacs professionnels ou technologiques. A 16 ans, tu commences alors à toucher très clairement du doigt le fait qu’il y a les élites et qu’il y a les autres. L’élite est une espèce très clairement identifiée : ils aiment les maths (parfois ont même droit à des cours particuliers pour être les meilleurs de l’univers), la physique, ils veulent rentrer en prépa à Henri IV et finir polytechnicien, médecin ou ingénieur (et généralement ce ne sont pas des fils d’ouvriers et rarement des filles). A 16 ans, tu comprends très clairement que l’égalité est un vaste mensonge et que certains devront trimer beaucoup plus que d’autres pour y arriver.

Le bac qui était jusque-là envisagé comme le Graal perd alors de sa valeur, tant il apparaît clairement que je n’aurais pas celui qui ouvrira les portes élitistes. A 17 ans, se pose la question de qu’est-ce que tu veux faire quand tu auras ton bac ? Et là encore, il y a ceux qui ont déjà tout compris à la voie Royale et qui proclament que EUX ils iront en prépa et il y a les autres (BTS, IUT, Universités – bon à part ceux qui veulent faire médecine). En proclamant que je voulais aller à l’Université, je devenais une élève moins importante, mon avenir était déjà, de fait, beaucoup moins brillant.

A 18 ans, tu passes donc ton bac et, comme maintenant 80% des élèves tu l’obtiens et tu te rends compte que ce n’est qu’une clé (obligatoire) mais rien de plus. Parce que, quel que soit le bac, cela n’est largement pas suffisant pour rentrer sur le marché de l’emploi. Avec le sacro-saint bac scientifique tu ne sais rien faire de tes dix doigts et tu as encore des raisonnements très basiques puisque l’on t’a beaucoup appris à bachoter plus qu’à raisonner. Et c’est comme ça, sous prétexte de « passe ton bac d’abord », que certains élèves ont leur bac en n’ayant ni le niveau de faire un BTS ou un IUT et plantent allègrement la première année d’Université. A force d’élitisme, on oublie qu’il existe d’autres filières tout aussi bien qui mènent souvent à du boulot (parce qu’il y en a à l’issue de ces filières) et en plus du boulot souvent très bien rémunéré. A force d’élitisme, certains parents harcèlent les profs pour faire entrer leur enfant dans la « bonne » filière alors que celui-ci veut devenir plombier, prof de lettres ou infirmier.

Le Graal n’est finalement pas le bac c’est un certain type de bac, un bac très bien délimité dont les contours sont clairement dessinés, celui qui potentiellement mène à la voie Royale !

(Et si vous vous posez la question : je sais maintenant lire l’heure et j’ai abandonné l’idée de devenir palefrenière).


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3 Responses to #16 Passe ton bac d’abord !

  1. 19 mai 2012 at 14 h 36 min

    En tout cas, vous avez appris à bien écrire !!!Je suis totalement d’accord avec votre analyse.
    Bon week-end

  2. 19 mai 2012 at 14 h 07 min

    Malheureusement les autres filières sont aussi assez mal vues et moi qui en ai fait une par choix, dans ma classe il n’y avait que des personnes qui « n’avaient pas le niveau pour les filières classiques ». A l’époque aussi (mais ptêtre que maintenant ça a changé) on connaissait mal les différents choix qui s’offraient à nous. En tout cas, bien d’accord avec toi quand tu dis que le bac n’est « qu’une clef » et rien d’autre…

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