#14-Chère Elisabeth Badinter…

14 mars 2012
Par

Chère Elisabeth Badinter,

L’un des ouvrages qui m’a le plus marquée durant ces dernières années est le vôtre. J’ai été profondément touchée par Le conflit et par les propos que vous défendez. Je suis en accord avec vous lorsque vous dites que désormais « le bébé est le meilleur allié de la domination masculine ». Vous êtes d’ailleurs plusieurs à tirer la sonnette d’alarme, Sandrine Garcia dans son ouvrage Mères sous influence : de la cause des femmes à la cause des enfants explique de manière très intéressante comment nous sommes passés de l’émancipation des femmes à la culpabilisation des mères.

Vous défendez également cela en soulignant ce « retour à la nature » qui est un parfait argument pour remettre les femmes à la maison. Cette posture ne génère pas une socialisation de la nature mais entraine une naturalisation de la société. Ceci engendre donc une naturalisation de la question sociale et des rapports sociaux en s’ancrant beaucoup dans la notion de transmission. Ce retour à la nature devient alors une source d’enjeu importante pour le sexe et le genre. Vous dénoncez notamment les agissements de lobby tel que la Leche League qui prône l’allaitement jusqu’à un âge avancé de l’enfant mais aussi (notamment pour la branche américaine) qui soutient des mouvements anti IVG.

Vos propos ont fait mal à beaucoup de femmes et n’ont pas toujours, à mon sens, correctement été entendus. Votre livre n’est pas pour moi un manifeste anti-allaitement bien qu’il soit souvent décrit ainsi. Le réduire à cela est terrible…

Je me rappelle d’une matinale de France-Inter à laquelle vous avez été invitée il y a quelques années. Vous répondiez aux questions des auditrices qui ne cessaient de vous dire qu’elles allaitaient et qu’elles étaient très contentes de le faire. Le débat s’est réduit à cela : allaiter ou ne pas allaiter. Ce jour là vous avez dit que la question n’était pas là, la question était que les femmes aient le choix et qu’elles puissent faire un choix libéré de toutes les pressions et les prescriptions qui les entourent. Encore une fois, vous m’avez touchée car comment dire que l’on se sent libre alors qu’il est si difficile de se singulariser dans notre société? Que choisissons-nous réellement ? La maternité semble largement prescrite et ceci conduit à la construction de représentations fortes des devoirs de la mère vis-à-vis de son enfant qui ont depuis été largement intériorisées par les femmes elles-mêmes.

Ce retour à la nature est-il vraiment un choix ? Comme vous, je me permets d’en douter surtout lorsque je vois la pression insidieuse… Je suis un jour restée sans voix devant la campagne de publicité de la Fondation Hulot dont le slogan est : « Pour la nature et l’homme » mais visiblement pas pour la femme…


Pour moi, votre livre n’est pas un manifeste anti-allaitement, c’est un ouvrage qui interroge ce phénomène de retour à la nature, son impact sur la société et sur les femmes notamment. Vous interrogez cette naturalisation en soulignant les effets que cela peut avoir sur l’indépendance des femmes qui est une question qui reste, je le pense sincèrement, vraiment actuelle. Je n’ai pas ressenti vos propos comme des attaques vis-à-vis des femmes qui allaitent mais au contraire comme un plaidoyer pour la liberté de choisir ce qui est le mieux pour sa vie de mère et pour sa vie de femme… Car là est tout le propos, devenir mère ne doit pas se traduire par le renoncement à sa vie de femme.

Ceci résonne fort en moi,

Merci pour cet ouvrage qui nous rappelle l’intérêt et l’obligation de rester vigilant pour que l’égalité ne soit pas bafouée sous de faux prétextes,

Merci de nous rappeler que les femmes ont le droit de choisir ce qui est le mieux pour elles…

Hélina Guesthub.

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3 Responses to #14-Chère Elisabeth Badinter…

  1. mmt_nath
    6 juin 2012 at 10 h 56 min

    Punaise !! Que je suis heureuse, moi qui ait allaité 16 mois, de lire ENFIN !! quelqu’un qui a lu ce livre avec le même point de vue que moi… J’avais l’impression d’être une extra-terrestre en ne me sentant pas agressée par ce livre.
    Merci pour ce point de vue !

  2. Chloé
    5 juin 2012 at 11 h 07 min

    pourquoi avoir été choquée par la campagne de Hulot « pour la nature et l’Homme » ?

  3. Burlot
    4 juin 2012 at 17 h 08 min

    Très très bon billet. Merci

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