#12-Asi se goza #4 : La Kizomba, activateur de plaisir !

15 janvier 2012
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Quand on regarde un couple danser la Kizomba, on ne comprend qu’un tiers des choses qui se passent. C’est une danse langoureuse, marchée, sensuelle. La Kizomba se danse sur une musique qui est un mix entre le Zouk et le Semba, danse traditionnelle angolaise très enlevée. Le rythme est plus lent, sur deux, trois ou cinq temps. En effet, la particularité de la Kizomba est justement que les pas de base peuvent s’organiser selon un nombre de temps variable, là où la salsa s’organise toujours sur huit temps par exemple. Il y a ainsi plusieurs pas de base. Le pas latéral consiste juste à poser le pied droit de côté. Ensuite le pied gauche le rejoint et on marque une pause, mais on garde le poids du corps sur le pied droit. C’est ce qu’on appelle la « Marca ». La Tarraxihna est un pas très traditionnel, en vérité on ne bouge pas ses pieds, mais on déplace son poids du corps en développant sa jambe. On déroule sa jambe légèrement de la hanche au talon, pour produire un effet d’ondulation très joli. A la différence du zouk, où les mouvements de bassin sont faits de droite à gauche ou de façon circulaire, la Kizombera marque un mouvement de bassin d’avant en arrière. En voyant une Kizombera s’exécuter, on peut avoir l’impression qu’elle exagère ce mouvement, alors qu’en vérité, elle change tout simplement le poids de son corps d’une hanche sur l’autre. C’est une danse marchée, qui s’appuie donc sur l’élégance de la marche, sur l’importance du poids du corps et l’ancrage dans le sol. Les déplacements se font sur trois temps ou cinq temps de marche, avec la fameuse « marca » qui sert de repère. Le garçon ne guide par avec ses bras, mais avec son buste. Il peut ainsi inviter la danseuse à faire une « sortie ». Si c’est une sortie faite par le garçon, celui-ci sort de la ligne de danse du couple pour ensuite revenir contre la danseuse. Si c’est une sortie faite par la fille, c’est bien évidemment le contraire. On peut combiner les deux et même supprimer la « marca » pour faire des enchaînements plus longs. Les autres figures sont des promenades (latérales, ou circulaires, la danseuse faisant le tour du garçon), des hésitations (on avance et on recule le pied libre du poids du corps), des quarts de tour, des demi-tours. Il y a aussi un pas cadencé similaire au cha-cha qui remplace la « marca » après un changement de direction, pour rééquilibrer le poids du corps, et enfin le danseur prend plaisir à faire faire à la danseuse ces fameux portés et glissés qui font prendre beaucoup de place sur la piste et qui donnent à la Kizomba des faux airs de tango. Comme au tango, si l’on parle de sortie, c’est que les danseurs doivent garder la « ligne » de danse : la danseuse doit revenir toujours face au buste du danseur, comme s’il en émanait une lumière, à part quand ce dernier lui fait faire une promenade. Autrement, elle ne doit jamais se placer de côté.

©Benoît Hogedé

Comme on danse tête contre tête, on ne voit absolument pas les pas de son partenaire et on danse souvent les yeux fermés, ce qui fait que tout doit passer par la connexion. Il est impossible d’anticiper ou d’imiter son partenaire. Le fait de l’enlacer par le cou permet justement qu’il soulève la danseuse assez facilement. C’est donc aussi une danse du « corps à corps » : il arrive qu’avec certains danseurs, ou certaines danseurs, même très expérimentés, le courant ne passe pas. Au contraire avec d’autres, tous les enchaînements sont réussis. C’est ce qui fait dire aux kizomberos et kizomberas que cette danse est magique.

Mais la Kizomba ne doit pas devenir une danse de salon, trop spectaculaire, elle doit rester proche de ses racines, de l’Angola. C’est une danse populaire, de séduction et de partage, et non une danse d’exhibition technique.

Mes initiateurs à la Kizomba

D’origine slovène et installée en France depuis plusieurs années, Marijana a débarqué dans le monde de la danse grâce à une amie. Ironie de la vie, celle-ci a arrêté alors que Marijana est devenue une vraie droguée des danses. Elle a commencé par la salsa cubaine il y a deux ans et en est devenue très dépendante. C’est une personne très dynamique, nerveuse, qui aime les danses rythmées. Rien ne la prédisposait à aimer la Kizomba : « Il y a un an, à une soirée bachata, j’ai découvert la Kizomba par hasard. Comme souvent, la soirée était organisée autour de deux salles avec deux ambiances différentes, dont une consacrée la Kizomba. Au départ, j’ai trouvé cette danse lente et sans énergie, comme le zouk, j’avais presque envie de rester dans l’autre salle toute la soirée, sauf que je l’ai essayée tout de même pour voir ce que ça donnait et par curiosité. Et j’ai ressenti un vrai coup de foudre. C’était magique. Quand je danse la Kizomba, explique Marijana, je me sens emportée par le danseur, je me sens protégée par lui, et c’est à mon partenaire de savoir me mettre en valeur, de se laisser inspirer aussi par moi. la danseuse représente une muse pour le danseur. »

David est un kizombero très actif dans la promotion de cette danse : il est à l’origine du premier festival international de Kizomba de France (Kizomba Swimming festival). D’origine martiniquaise, Il a commencé la danse par le Groka. David a fait la rencontre de la Kizomba grâce à une vidéo de Kwenda Lima : « j’ai décidé alors de le rencontrer et je suis parti pour Lisbonne afin de suivre une formation intensive. » Pour David, ce qui fait tout le charme de la Kizomba, c’est la connexion : ce lien qui s’établit entre le danseur et la danseur et qui permet au premier de guider la danseuse sans qu’elle ne se trompe. « Ce que j’aime également, précise David, c’est cette impression de pouvoir enfermer le couple dans une bulle où la partenaire ferme ses yeux afin de pour ressentir tous les mouvements donnés par le danseur et jouer avec les différents pas, ainsi que les portés sur les changements de rythmes. Il faut que le danseur ait une bonne écoute musicale et sache guider en douceur et non en force. La femme doit savoir lâcher prise, pour être la plus réceptive possible et avoir également une belle démarche ».

©Nastymoon

Cadeau de Nouvelle année !

Je vous avais promis en septembre des portraits de danseurs pour vous faire découvrir des danses sociales… Ce mois-ci, je vous ai préparé un cadeau particulier qui ravira j’en suis sûre les aficionados : je reviens en effet d’un week-end sensuel de Bachata ( on en reparlera en février) et de Kizomba organisé par une association de Nantes : Salsa Fresca. j’y ai fait la rencontre de Victor et de Coralie, qui oeuvrent avec élégance et intelligence pour la promotion d’une Kizomba de qualité. Victor et Coralie font partie des trois grands couples de Kizomba qui pour moi, et pour de nombreux danseurs, sont en quelque sorte des mentors, des modèles incontournables, insufflent aux autres le véritable esprit de la Kizomba. Victor a très gentiment accepté de répondre à mes questions.

Yemaya Blanca : Comment as-tu découvert la Kizomba ?

Victor : je suis d’origine portugaise. Quand j’allais danser au Portugal, j’ai découvert la Kizomba et le Semba. je les ai découverts il y a un peu plus de dix ans maintenant.

Yemaya Blanca : Comment tu définirais la Kizomba ? Quelles en sont les origines précises ?

Victor : Il est toujours difficile de définir une danse. Dans les grandes lignes, dans les années cinquante, le Semba était déjà la musique populaire traditionnelle de l’Anogola. Les anciens le dansaient en faisant pas mal de figures, de jeux, avec le rythme et avec leur partenaire. Les nouvelles générations ont découvert le zouk avec la tournée des Kassav, en Angola et ailleurs. Ils ont alors commencé, pour la musique tout d’abord, à faire évoluer le rythme du Semba vers quelque chose de plus lent, plus langoureux, qui ressemblait à la rythmique du zouk. dans les discothèques, les jeunes musiciens et autres artistes ont été très créatifs, la jeune génération a très bien adhéré à cette évolution. La danse reprend les mouvements du Semba, mais avec une position plus fermée, plus près du corps, torse contre torse et bien entendu plus lente.

Du point de vue de la danse, pour moi la Kizomba est une danse où la rencontre des deux personnes doit être vraiment forte. De l’extérieur, on n’a pas envie de déranger deux personnes qui sont en train de danser, parce qu’on a vraiment la sensation qu’ils partagent une expérience exceptionnelle, unique, à chaque danse. C’est comme si quelque chose d’un peu télépathique passait entre les deux partenaires, mais non pas de tête à tête, mais de coeur à coeur.

Yemaya Blanca : Qu’est-ce qui a fait que la Kizomba est devenue ta danse de prédilection ?

Victor : La première rencontre avec une danse, la première expérience qu’on a d’une danse, c’est clairement ce qui fait que l’on va continuer, ou pas, c’est ce qui crée le lien affectif avec elle. La première fois que j’ai dansé la Kizomba, je connaissais pas ma partenaire. C’est la fille qui m’a invité, j’ai senti vraiment cette connexion s’établir, comme si nous étions sur la même fréquence et que les autres n’entendaient pas, mais que nous communiquions à travers la danse. Cela donnait une impression d’intimité de douceur, mais aussi de fluidité dans l’exécution des pas, comme si on interprétait la musique, de façon très harmonieuse, aérienne. Quand la musique s’est arrêtée, cela m’a fait la même impression que, quand on n’a pas vu quelqu’un depuis très longtemps et qu’on le prend fort dans ses bras, puis qu’on relâche cette étreinte. Il y a eu une fusion qui s’est terminée aussi naturellement qu’elle avait commencé, avec sérénité.

©Nastymoon

Yemaya Blanca : Je te sais très actif dans la promotion de cette danse. Comment la transmets-tu ?

Victor : Notre méthode d’enseignement à Coralie et moi accorde beaucoup d’importance à la technique de guidage, la fluidité des mouvements mais surtout l’écoute du partenaire. Cela nous tient vraiment à coeur. Les figures pour nous sont juste là pour enrichir, donner un plus, mais les pas de base suffisent à prendre du plaisir, à partager, à vivre la musique. Il ne faut pas à tout prix chercher la prouesse technique. La danse a d’ailleurs déjà subi une transformation en arrivant en Europe, par rapport au style originel. J’ai créé une école, le centre Momboye à Paris avec un associé (Tecas) qui, lui est angolais. Nous assurons les cours en alternance afin de faire découvrir les deux approches. Il y a plusieurs styles de Kizomba, il faut le savoir. Et en plus, chaque professeur a sa propre manière de faire, qui tourne bien entendu autour d’un noyau commun, mais qui varie du point de vue du style et des figures. De fait, pour promouvoir la Kizomba dans sa diversité, nous faisons venir de l’étranger des professeurs pour dispenser des stages, pour faire danser les élèves, durant les soirées que nous organisons car il y a une part de l’esprit de la Kizomba qui est palpable quand on danse avec ces professeurs mais qui n’est pas transmissible dans un cours. L’important aussi, c’est que ces danseurs viennent avec leur passion, et la Kizomba doit venir du coeur. Coralie, qui était déjà une danseuse partage également ma passion et nous faisons donc la promotion de cette danse ensemble, en couple.

Yemaya Blanca : J’ai cru remarquer que pour toi, la Kizomba est une affaire de coeur, mais aussi de pieds ! Pourquoi danses-tu toujours nus pieds ?

Victor : Tout est une question de ressenti. Danser nus pieds pour moi est essentiel, parce que cette danse vient d’Afrique. Même dans ma tenue vestimentaire, j’ai besoin d’habits décontractés, amples et donc de rester nus pieds pour bien sentir mes appuis, les racines africaines de ces danses me poussent à danser nus pieds pour m’ancrer dans le sol. Coralie au contraire danse avec des talons parce qu’elle a un ressenti différent.

Yemaya Blanca : Quels sont les derniers petits conseils que tu donnerais aux élèves pour bien apprendre la Kizomba ?

Victor : Nous avons la chance en France de voir la Kizomba se développer de plus en plus avec des personnes qui se sont prises récemment de passion pour cette danse. Elles essaient de développer l’attrait que les autres pourraient avoir de cette danse, en organisant des soirées, ou en donnant des cours, même s’ils n’ont pas la formation nécessaire, ce qui est tout à leur honneur. Mais il est important de veiller à rester au plus près des racines de la Kizomba. C’est pour cela que nous nous déplaçons pour ne pas enseigner qu’à Paris, pour donner des cours de Kizomba traditionnelle, en province également. Il est important pour nous que la Kizomba reste telle qu’on la connaît, qu’elle ne dérive pas, qu’elle ne soit pas déformée. C’est à nous d’aller vers les gens comme ici à Nantes mais c’est aussi aux élèves d’avoir cette démarche de découverte et de vigilance. On veut transmettre l’âme de la Kizomba aux personnes que l’on rencontre, pour que cette danse ne dérive par trop vers un côté trop technique, coupé de ses racines. Il faut oser aller danser, pratiquer, aller aux festivals dédiés à Kizomba pour trouver la Kizomba qui résonnera en chacun d’entre vous et qui saura rester proche de ses origines, c’est-à-dire avec du sentiment.

A regarder

http://www.youtube.com/watch?v=BYuJrL3TZ2g

http://www.youtube.com/watch?v=aEYEvpuCnIU&feature=related

Les danseurs et couples de référence

Victor et Coralie / Tony Pirata / Nuno y Wanda / Morenasso et Anaïs Million.

A consulter

http://www.victor-coralie-kizomba.fr

A écouter

http://www.radiokizomba.com/

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2 Responses to #12-Asi se goza #4 : La Kizomba, activateur de plaisir !

  1. 21 juillet 2012 at 12 h 11 min

    En fait en kizomba, comme dans ses deux cousines, la Milonga Argentine et la Samba de Gafieira, il n’y a pas de pas de base. Simplement le fait de transférer ou non son poids du corps pour faire soit un pas, soit la marca, permet de retomber sur les phrases musicales et le pied d’appui choisi, pour « caler » ses figures sur les huits temps (deux mesures de quatre temps)qui sont la base de la carrure de cette musique … enfin c’est ce qu’on devrait faire ! Le bon danseur se reconnait non pas à ses figures, mais à la manière qu’il a de les placer en harmonie avec la construction musicale.
    La Kiz, c’est comme la Salsa, du huit temps, mais la grande différence c’est que le danseur à la possibilité de jouer rythmiquement avec ses appuis et à sa guise,à l’intérieur de ces huits temps. C’est la grande révolution que le tango a apporté à toutes les autres danses (vers 1880) : la liberté et le guidage rythmique … à l’intérieur de la carrure ou d’une partie de celle-ci.
    Oublier le huit temps, c’est oublier la musique, et on ne peut pas dire que le rythe est à deux trois ou cinq temps : c’est un binaire, très généralement à quatre temps. Après les pas c’est autre chose.
    Cordialement
    Dominique

    • Yemaya Blanca
      7 juillet 2014 at 23 h 00 min

      je n’vais pas vu ce message avant mais je le trouve très intéressant et fort pertinent. Moi je transcris ce que les spécialistes me disent mais avec quelques années de pratique, je suis d’accord avec votre façon de décrire les choses.
      A bientôt.

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