« Tout ce qu’il faut savoir sur le féminisme pour être ravissante et pas idiote. »
Une vision synthétique et néanmoins panoramique.
L’ouvrage retrace avec humour et bonheur l’histoire récente de la condition féminine, de l’obtention du droit de vote à nos jours. Pour embrasser ce vaste horizon, Merci les filles ! ne se contente pas de dresser le portrait des grands noms du féminisme comme Simone de Beauvoir et Simone Veil (note pour plus tard : appeler sa fille Simone). Les auteures reviennent aussi sur la mode (et le niou louque de Dior par Colette – l’écrivain ! pas la boutique branchée…), le cinéma (et comment « « BB » créa la femme » en incarnant « un idéal de liberté »), la société (et la suppression, en 1985 seulement, de la notion de chef de famille), la télé (mais… Barbapapa est rose !?), la politique (et comment les femmes traditionnellement à droite sont passées à gauche), la pub (et Myriam qui « enlève le bas »). Bref un concentré d’Histoire, mais aussi d’anecdotes.
« À votre avis, le double chromosome X contient-il le gène du double débrayage ? »
Droit à l’égalité de salaire, droit à l’avortement, mais aussi droit à l’orgasme (!), ce précis de la condition féminine raconte les combats menés et comment tout est fait pour les freiner – pourquoi la loi Neuwirth de 1967 n’est appliquée qu’en 1972, par exemple. Ouvrières et intellos, la Mère Denis et Claire Bretécher, Bébé éprouvette et Secrétaire à la Condition féminine, burqa et Vic de La Boum, lesbiennes et tâches ménagères, Brigitte Lahaie et Christine Ockrent, femmes battues et femmes cinéastes, elles sont toutes là.
« Qu’est-ce qui est le plus long à faire cuire ? Le steak d’un révolutionnaire ou le steak d’un bourgeois ? »
Les illustrations punchy de Virginie Berthemet donnent le ton : des idées et de la couleur ! Reprenant l’iconographie et les slogans des années 70, elle décape au pinceau les préjugés de l’époque et… d’aujourd’hui.
Ludique, ce petit manuel de féminisme propose aussi des tests de cultures féministe et… machiste. On s’amuse à deviner « quel est le macho qui a bien pu dire… : « Aimer les femmes intelligentes est un plaisir de pédéraste » ». Alors, Guitry, Voltaire, Napoléon ou Baudelaire ? La réponse dans le livre !
« Une féministe, c’est pas une toute petite fée ? » Victor, 5 ans
À lire avec délectation, le féminisme vu par des hommes, ceux qui ont eu à « supporter [les auteures] au cours de l’écriture de ce livre » à qui elles ont osé poser LA question : est-il « possible de vivre avec une féministe » ?
Une excellente introduction, en somme, pour les débutants, une mine pour les amateurs, le vade-mecum indispensable de tout(e) féministe qui se respecte. Un cadeau de Noël à offrir ou se faire offrir ?
Rencontre avec l’une des auteures, Valérie Ganne.
Quand avez-vous commencé à travailler sur ce livre ?
Nous (les trois zauteures) parlions du projet depuis quelques mois : nous étions certaines d’avoir grandi avec les acquis du féminisme, dans l’idée de l’égalité et d’en avoir bénéficié sans vraiment mesurer l’ampleur des montagnes qu’il a fallu que d’autres gravissent pour que nous ayons le droit d’ouvrir un compte en banque, de voter, de prendre la pilule etc… Et nous nous disions aussi que la génération d’après, les filles de vingt ans, ne devaient pas s’en rendre compte du tout ! Mais nous avons vraiment commencé à plancher sur le livre lorsqu’un éditeur a signé : Hors Collection. C’était très précisément en décembre 2009. Le livre est paru quatre mois après. Cela fait plus d’un an et demi, et il y aurait aujourd’hui des chapitres à ajouter ! Mais nous avons créé un groupe Facebook que Juliette Joste (surtout) alimente régulièrement, le livre n’est pas terminé.
Depuis un peu plus d’un an, le féminisme semble reprendre du poil de la bête, il est plus présent dans les médias. Mais, vous, qu’est-ce qui vous a pris, il y a plus d’un an, d’écrire ce livre sur quarante ans de féminisme ?
Le féminisme était déjà une préoccupation pour toutes les trois, disons une source d’intérêt. On a la quarantaine, des enfants, on travaille, nous avons toutes les trois été confrontées à ce sujet d’une manière ou d’une autre. L’été 2010,quelques mois après la sortie du livre, c’était les 40 ans de la naissance du MLF, le Mouvement de libération des femmes… cet anniversaire était une bonne occasion. Le mouvement Osez le féminisme venait de se créer. On sentait que ce sujet intéressait bien davantage que trois personnes (les trois zauteures). Et effectivement, cet anniversaire n’a pas été qu’un prétexte, il y a réellement eu un mouvement de fonds, une sorte de dépoussiérage express du féminisme, qui a duré. Comme l’actualité n’a pas cessé de donner du grain à moudre aux militantes, il n’y avait pas de raison que le soufflé retombe.
Votre ouvrage est un travail à six mains. Comment s’est déroulée la partition ?
Juliette Joste est l’initiatrice du projet, elle l’a porté, a trouvé l’éditrice. Ensuite nous avons discuté du contenu toutes les deux. Puis j’écrivais, Virginie illustrait, et on discutait du fond et de la forme à chaque étape. C’était très important pour nous de donner aussi le point de vue d’une illustratrice, parce que le but premier était vraiment d’alléger l’histoire du féminisme, de rire de certaines choses, de retrouver la créativité des premières militantes. Et puis nous avons voulu aussi montrer qu’on peut trouver matière dans tous les domaines (l’histoire, le social, le quotidien, la mode, le cinéma, la publicité etc…). On a créé des tests idiots, des jeux, de multiples façons de dire la même chose : la femme n’est pas l’égale de l’homme dans les faits, et beaucoup se sont battues pour changer cette situation.
MLF, les initiales du titre, c’est un clin d’œil ou un parti pris ?
Si je te dis que nous avons découvert que Merci les filles avait les même initiales que MLF bien après avoir choisi ce titre, me croiras-tu ? En tous cas, quand nous avons réalisé ce clin d’oeil ça ne nous a pas fait changer d’avis du tout : au contraire, c’était un lien parfait avec les « anciennes »! Nous avons rencontré d’ailleurs un très bon accueil de leur part, elles n’ont pas oublié d’avoir de l’humour…
Qu’est-ce qu’on répond à ceux qui disent que le féminisme n’a plus lieu d’être que dans des pays comme l’Afghanistan, aujourd’hui ?
Il y en a vraiment qui pensent ça ? Le féminisme a évidemment lieu d’être partout et surtout là-bas…
Quels sont, selon vous, les combats qu’il reste à mener, dans le monde et en France ?
Dans le monde, c’est trop vaste. D’ailleurs il y a un chapitre entier là dessus dans le livre ! Comme certains pays ne concèdent même pas l’égalité du point de vue de la naissance et de l’éducation, y’a du boulot. En France, je trouve plus important de se battre contre les violences faites aux femmes que sur l’usage du Madame et Mademoiselle par exemple. Mais tout est utile : les Chiennes de garde comme Osez le féminisme, La Barbe comme Ni Putes ni soumises. Les féministes sont dispersées, multiples, pas toujours d’accord, mais c’est la démocratie non ? J’espère juste que le combat du féminisme va devenir plus collectif, plus mixte aussi… Tout le monde a à y gagner.
Pourquoi le mot « féministe » est pour beaucoup aujourd’hui une insulte ou un synonyme de vieille fille lesbienne et poilue ?
Parce que beaucoup pensent qu’il n’y a plus de combat à gagner (ce qui est faux) et que donc ne sont féministes que des femmes qui n’auraient rien d’autre à faire que de militer. Parce que le féminisme a longtemps été assimilé à la haine de l’homme (ce qui est faux aussi). Je crois que c’est aussi parce que le mouvement s’est essoufflé dans les années 90 : les « grands » combats étaient gagnés (contraception, avortement, viol reconnu comme un crime), les meneuses étaient divisées et donc souvent extrémistes, les « masculinistes » prenaient la parole et propageaient ce genre d’idées réductrices. Et puis, il y avait soudain un ministère des droits de la femme, intermittent, qui pouvait soit disant prendre les choses en main au niveau de l’Etat. Les mères de famille parties bosser n’avaient plus forcément le temps et l’envie de militer… Les mouvements d’idées font souvent des vagues, mais après le reflux de ces années, on assiste aujourd’hui à un retour.
On oppose facilement le féminisme militant et le féminisme quotidien. Dire « je ne suis pas féministe, mais je pratique le partage des tâches ménagères au sein de mon couple », c’est être un(e) féministe qui s’ignore ?
Ben oui. Pratiquer le partage des tâches c’est déjà être féministe, pour la femme comme pour l’homme ! C’est tout le but de ce livre : dire qu’on peut être féministe en Stiletto et en jupette, lesbienne ou bi, homme ou femme…
Merci les filles ! le titre de votre ouvrage prend la forme d’une reconnaissance. Dans votre vie de femme, vous avez une raison personnelle de remercier les féministes passées ? En quoi pouvez-vous affirmer que leur action a eu un effet direct sur votre vie à vous ?
Personnellement, mon premier merci va à la contraception. Le premier chapitre que j’ai écrit portait sur la loi sur l’avortement portée par Simone Veil : c’était vraiment un acte courageux, mais elle était portée par des milliers de militants. Quant à la pilule, c’est aussi un homme qui a permis sa légalisation en France, Lucien Neuwirth : Merci le garçon !
Présidentielles 2012 : le féminisme a-t-il un rôle à jouer, selon vous ?
Tous les candidats le pensent, en tentant de rallier les votes des femmes. Même Marine Le Pen qui veut limiter au maximum l’avortement se dit féministe ! Disons que si les élections permettent d’ouvrir le débat sur les sujets concernant directement les femmes tant mieux, si les promesses en direction des femmes sont tenues ensuite tant mieux. Mais je crois davantage aux actions collectives et individuelles.
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