#10-ASI SE GOZA. Salsa se Baila Suave.

15 novembre 2011
Par

Ma drogue est une danse

La salsa. C’est la reine des danses latines, que tout le monde pense plus ou moins connaître et danser en faisant un peu n’importe quoi. Source de malentendus et d’approximations, confondue avec le flot de dance latine entendue en discothèque, la salsa peut aussi être vue comme une danse de la drague, car il est vrai, c’est une danse sensuelle… Je ne retracerai pas ici tout l’historique de la salsa, née aux Etats-Unis et non à Cuba, regardez plutôt cette vidéo qui raconte le tout en dansant :

Je vous dirai seulement en introduction que la salsa ne se danse pas qu’avec des latinos, mais que tout le monde peut s’y essayer, qu’elle ne se danse pas que le soir en belle robe, mais que c’est super sympa aussi à la plage ou dans la rue, et qu’il y a même des festivals exprès pour ça, que la salsa n’est pas une danse pour trouver un fiancé, parce qu’on a tellement envie de danser qu’on change tout le temps de partenaire et qu’on n’a vraiment pas le temps de tailler la bavette entre deux passes… Même s’il arrive que des couples se forment, comme partout. Je préciserai aussi que la salsa ne se danse pas collé-serré, il existe bien une position fermée où l’on se tient par la taille et l’épaule, mais le plus souvent on enchaîne des figures, on vole, on tourne on se déplace et l’on brûle beaucoup d’énergie ! Et surtout, je me dois de vous prévenir dès à présent : la salsa est une DROGUE. Une fois que l’on a pris quelques cours, tenté une ou deux soirées, et qu’on a participé à un festival, on devient gravement accro. La salsa régit votre vie, l’organise, ponctue vos journées (on n’écoute plus que de la salsa ou presque) et vos soirées (on part tous les soirs danser la salsa, on ne sait plus ce qu’est une télévision). Au point que, lorsque quelqu’un vous interroge ingénument « et avant la salsa, tu faisais quoi? » vous êtes confronté à une amnésie totale. Avant la salsa, il n’y avait rien.

La salsa, à deux, à quatre et en rueda.

La salsa, c’est aussi une sorte de langage universel, on la danse partout sur la planète, de l’Asie aux USA en passant par l’Afrique…Et c’est ça qui est bon : retrouver toute la France dans un même festival par exemple est très enthousiasmant. Il se dégage de ces événements un magnifique sentiment de fraternité.

© WACKOU

La salsa se danse sur huit temps dont deux temps « morts », et reprend des pas de mambo, rumba, casino… D’où son nom qui signifie « sauce », et donc « mélange ». Le garçon guide la fille et fait des enchaînement de « passes », c’est-à-dire qu’il la guide avec ses bras dans des mouvements et des rotations, qui forment des enchaînements auxquels on a donné des noms. Ces noms sont en espagnol et sont inspirés souvent d’un élément de la passe. Par exemple, le « sombrero » est ainsi nommé parce que le danseur fait passer les bras de la danseuse et les siens derrière leurs têtes, comme s’ils portaient un chapeau. « Ochenta » est une passe où les danseurs croisent leur bras au début en forme de huit. Il existe des centaines de passes et chaque professeur invente les siennes, soit à partir d’une passe très connue, soit en créant carrément un enchaînement personnel. Ces « passes » ont des noms pour permettre aux danseurs de former par exemple des ruedas, c’est-à-dire des sortes de rondes de couple, où quelqu’un mène (la madre) en annonçant quelle passe tout le groupe va faire. On change ensuite de partenaire quand la madre annonce « dame ». En dehors des passes, le garçon peut mettre ses bras en avant pour permettre à la danseuse de prendre appui sur lui, ou même carrément la lâcher. A ce moment-là, dans le premier cas le danseur regarde la danseuse faire un enchaînement de pas, dans le second cas chacun danse librement. C’est ce qu’on appelle les « shines ». On danse aussi la salsa à quatre, c’est le « dos con dos ». Il faut alors adapter les passes que l’on fait réellement en se tenant à quatre.

La salsa n’en finit pas d’évoluer. On peut y mêler des pas de flamenco, de reggaeton, de tango, si cela vous fait plaisir, et même de danse orientale. Peu importe, chacun est libre de s’exprimer comme il le souhaite. Il y a deux salsas dansées en France : la salsa portoricaine qui se danse en ligne (on guide la danseuse toujours de l’autre côté, en tenant sa « ligne ») : elle est très codifiée mais très élégante ; et la salsa cubaine qui est celle que l’on pratique en rueda et en dos con dos, plus libre, et plus créative. On considère que c’est la salsa « originelle » et c’est celle-ci que nous pratiquons le plus. On voit plus souvent des shows de salsa portoricaine, mais on peut citer tout de même la compagnie Elegua qui crée de magnifiques spectacles à plusieurs couples en cubaine.

Aujourd’hui, les soirées 100% salsa n’existent plus trop, en général, on a aussi de la bachata, du merengue, du reggaeton, des kuduros…Mais la salsa reste la clef de voûte de ces soirées et des festivals, comme je vous l’expliquais dans le premier article de septembre.

Si je suis gravement atteinte depuis presque un an maintenant, c’est par contagion : j’ai attrapé le virus grâce à des mordus, fondus, camés, qui pratiquent depuis 5 ou 6 années, et qui eux-mêmes se sont faits avoir comme moi, entraînés par des profs passionnés. Gilles et Alexandra ont tous les deux participé à la création d’une association de salsa et donnent des cours dans leur ville.

Gillou, le musicien danseur :

© JEREMY TACHEAU


C’est à une soirée d’été que je retrouve Gilles, que j’avais quitté quelques jours avant. Nous rentrions de Vic-Fezensac, qui organise chaque année le festival « Tempo Latino » : 4 jours de salsa sous forme de stages, de soirées, de concerts et de danse dans la rue, dans les bars aussi, et sur la plage d’un lac aux alentours, de midi jusqu’au petit matin. Malgré tout, nous n’étions pas repus, il avait fallu remettre ça une fois rentrés au Mans, parce qu’il nous « manquait » quelque chose. Fatigué par la route, et ayant entre temps assisté à un mariage, Gilles me dit «le corps se recharge quand on danse, je sais que demain je vais péter le feu ». Et voilà le premier paradoxe de la salsa : c’est une danse énergique, qui nécessite aussi une forte concentration, et pourtant c’est une danse qui recharge les batteries, qui vivifie… « On dit : je reste pas trop longtemps. Il est dix heures. Dix minutes après tu regardes ta montre, il est deux heures du matin ». A part si la musique n’est pas agréable, il est rare de dire qu’on a son content.

De la samba à la salsa

Gilles était musicien avant d’être danseur. Il a découvert la samba à Tours grâce à une association et tente d’apprendre un peu de tous les instruments. Il en vient naturellement à « bouger » avec la musique lors des « fanfares » qu’ils organisent dans la rue. Quand il était petit, pourtant, sa maman raconte qu’il n’était jamais en cadence mais dansait « dans son rythme à lui ». Un jour, la Salsita et son association de Samba organisent une soirée commune (la salsita est une des associations de salsa de la ville du Mans). Il décide alors de prendre des cours et rencontre sa femme qui danse également la salsa. C’est leur premier loisir de « couple », même s’ils ne dansent pas toute la soirée ensemble (ce ne serait pas du tout dans l’esprit de la salsa) et s’ils leur arrivent de passer des soirées séparés. Depuis, il a fondé l’association de salsa de La Flèche.

Du lâcher-prise dans la salsa

Pour Gilles, l’important pour danser la salsa c’est d’être à l’écoute à la fois de la musique et de sa partenaire. Il ne faut pas se prendre la tête, « l’important c’est d’aller à la découverte de sa partenaire, de la mettre en valeur aussi. Le niveau de l’un et de l’autre importe peu. Quand on danse, on se dit qu’on va composer ensemble. Ce n’est pas une performance. L’important c’est de vivre l’instant, chaque danse est la plus importante des danses. Il faut savoir se lâcher et rire. Il faut savoir aussi guider. On ne danse pas tout seul. L’important, en fait, c’est de faire dégager quelque chose à sa partenaire et d’entrer en osmose. Mais ce n’est pas parce qu’une fois tu as dansé avec une fille et que c’était génial que ce le sera toujours. D’ailleurs, c’est un piège de vouloir à tout prix retrouver ce qu’on a vécu sur une danse. Il y a tellement de paramètres qui entrent en jeu : ta fatigue ou ton enthousiasme, l’état d’esprit de la partenaire, la musique… La salsa, ce n’est pas qu’un enchaînement de passes, il ne faut pas vouloir tout calculer, planifier. La danse, ça ne s’organise pas comme ça. Et puis il y a aussi l’effet que cela produit sur ceux qui regardent, qui te portent. Un truc important aussi, c’est que la salsa est une danse sensuelle, du bassin, mais surtout de la respiration. Il y a ce temps 4 et ce temps 8 où tu ne marques pas de pas mais où il se passe quelque chose dans la respiration, dans la suspension. Parfois cela peut être aussi déconcertant, troublant. Une fille peut jouer le jeu à fond durant la danse, il se passe quelque chose de quasiment érotique, et une fois la danse terminée elle s’en va comme si de rien n’était. Car seule la danse compte. C’est un échange, et pourtant c’est aussi du plaisir sans conséquence, un peu égoïste ».

Alexandra, la pimentée.

© WACKOU

Attention, Mesdames et Messieurs, Alexandra c’est MA prof de salsa, tout ce que je sais du lady styling ou presque vient d’elle. Fraîchement fiancée, c’est pourtant seule qu’elle pratique la salsa même si le beau jeune-homme qui partage sa vie a tenté plusieurs approches l’an dernier. Énergique et généreuse, Alexandra explique sans se lasser les pas de la salsa aux nouvelles venues, apprend à chacune comment réussir les passes durant les cours de l’association Baila Suave. Il n’est pas rare de l’entendre crier « le bras, les filles ! » pour motiver les troupes…Car oui, les bras aussi c’est important, cela fait toute la différence entre une danse basique, que l’on subit presque, et une interprétation plus personnelle des passes.

Alexandra a découvert la salsa en 2008 et n’avait pas pris de cours de danse auparavant. A force d’admirer les danseurs sur la piste des bars en soirée, elle prend son courage à deux mains et s’inscrit aux cours de salsa 72 puis avec Jean-Luc. Quand ce dernier décide d’arrêter de donner des cours, elle entreprend avec Marijana et Sébastien, deux amis, de créer Baila Suave, une jeune association qui vient de fêter ses un an d’existence et organise des cours de salsa, bachata et kizomba, ainsi que des soirées et des stages durant l’année.

Une danse féminine et une danseuse féministe

« J’aime le côté sensuel et dynamique de cette danse, qui permet de valoriser le corps féminin en pouvant exprimer toute sa sensualité. J’aime en particulier la salsa cubaine, plus « fun » moins cadrée, plus libre. D’ailleurs, pour moi, les qualités que les danseurs et danseuses de salsa doivent avoir c’est de savoir se lâcher, oser « se la péter », savoir se mettre en valeur et se faire voir. Il ne faut pas être raide et il faut savoir mettre sa timidité et sa retenue au placard. Quelqu’un qui dirait que vous en faites trop n’aurait rien compris. C’est le garçon qui guide, d’accord, mais c’est à la fille de savoir s’exprimer, et exprimer sa féminité à travers les passes que le partenaire lui propose. Je me sens très joyeuse quand je danse, je suis plus sûre de moi et cela me vide la tête. C’est vraiment un plaisir très intense. Une vraie bonne musique de salsa, c’est une musique énergique, qui bouge, rythmée. Et une bonne danse de salsa c’est la même chose : il ne faut surtout pas que je m’ennuie. Ce n’est pas qu’il faille enchaîner à tout prix des tas de passes, très compliquées, il faut aussi que le danseur sache me lâcher, me laisser faire mes shines, que je puisse aussi m’exprimer librement. » Le souci en soirée salsa, c’est que les garçons attendent qu’on les invitent, car ils sont souvent moins nombreux que les filles, et Alexandra est catégorique pourtant: « une très bonne soirée salsa, c’est une soirée où je me fais souvent invitée et où je sens que je danse bien ».

A lire
le blog enchufla.fr qui vous fera découvrir ce milieu.
http://www.enchufla.fr/
A écouter
Calle Real, 33, Marc Anthony, Havana d’ Primera, Afro cuba all stars, Tito Puente, Pupi y los que son son, Los van van
A regarder
Les grands danseurs comme Nuno y Wanda, Yoannis Tomayo, Alex Lima et Simona Materazii, la troupe Elegua, Jorgue Camagueye, Johann et Noella, Madeline Rodriguez, Johnny Vazquez, Sève et Jerry et Mouaze.
http://www.youtube.com/watch?v=45GGu4Bn_2g&feature=related
http://www.youtube.com/watch?v=2cM3vYxlujI
et enfin quelques ruedas hallucinantes :
http://www.youtube.com/watch?v=J_Yk03vge2c
http://www.youtube.com/watch?v=rsthpn_W0gE&feature=related

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3 Responses to #10-ASI SE GOZA. Salsa se Baila Suave.

  1. benoit
    20 décembre 2011 at 11 h 37 min

    Mouais, enfin, quand on ose inviter de meilleures danseuses que soit et qu’on voit qu’elles se font chier, ça donne pas envie de recommencer.

  2. Christian
    7 décembre 2011 at 11 h 34 min

    Super article qui résume bien la salsa et son état d’esprit.
    A faire lire à tout ceux qui imaginent n’importe quoi sur cette danse.

    Dealer de salsa Lol

    • yemaya blanca
      8 janvier 2012 at 20 h 49 min

      Merci pour vos commentaires. Benoît, il faut persévérer ou changer de danseuse. Ce ne sont pas toutes des bêcheuses.

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