#8-« Autour de la folie » : Arnaud Denis prêt pour l’internement

1 octobre 2011
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Autour de la folie commence par un texte authentique : l’interview réelle d’un patient. D’emblée, on est à l’hôpital psychiatrique. L’homme, tourmenté, répond aux questions posées par la voix-off du thérapeute.
La suite du spectacle se déroule sur un choix d’excellents textes de Maupassant, Flaubert, Lautréamont, Shakespeare, Michaux, Valentin, Blanche…

Le comédien interprète les patients tous plus atteints les uns que les autres, assis devant une autre chaise, vide, qui matérialise le thérapeute.

Mon cher docteur, je me mets entre vos mains. Faites de moi ce qu’il vous plaira.
Je vais vous dire bien franchement mon étrange état d’esprit, et vous apprécierez s’il ne vaudrait pas mieux qu’on prît soin de moi pendant quelque temps dans une maison de santé plutôt que de me laisser en proie aux hallucinations et aux souffrances qui me harcèlent.

Lettre d’un fou, Maupassant

L’absence de réponse, l’absence même de corps ne symbolise-t-elle pas l’incapacité, l’impossibilité à soigner la folie ? Son caractère vain ? Au fur et à mesure que le spectacle avance, les chaises ne feront que se réduire à taille de poupées. La folie croissant incessamment.

Tour à tour tremblant, hagard, fiévreux, égaré, absent, dément, impatient, galvanisé, déliquescent, bouillonnant et même enragé, Arnaud Denis délire sous les yeux du spectateur, amusé ou glacé.
Performance d’acteur, ce forcené de la scène est déchaîné. Aucun répit. Ni pour le fou, ni pour le public. Pas le temps de s’ennuyer.

Puisque nous abordons le sujet de l’Aquarium, j’ai moi-même autrefois – pas une autre fois – autrefois habité dans la rue de Sendling, pas dans la rue de Sendling, ce serait tiens risable, on ne pourrait pas habiter dans la rue de Sendling, puisque toujours le tramway la traverse, c’est dans les maisons que j’ai habité dans la rue de Sendling. Pas dans toutes les maisons, dans une seule, celle qui est, comme ça, coincée entre les autres, je ne sais pas si vous la voyez cette maison. Et c’est là que j’habite, mais pas dans toute la maison, seulement au premier étage, c’est à dire celui qui est en dessous du deuxième étage et au dessus du rez-de-chaussée, juste entre les deux, et là au deuxième étage il y a un escalier qui monte, il redescend aussi, l’escalier ne monte pas, nous montons l’escalier, mais enfin on dit comme ça.

L’Aquarium, Karl Valentin

La folie tourne à l’absurde. L’insensé suit sa propre logique, logique incohérente qui ne semble avoir de sens que pour lui. C’est pourquoi le fou regarde le public avec suspicion. Mais qui est le fou de l’autre ?

Après l’exploration de pièces classiques et contemporaines, Arnaud Denis retourne à ses premières amours, la compilation personnelle de courts textes de son choix pour un seul-en-scène détonnant. Ici, la folie est furieuse, la folie est dangereuse. Drôle ou pétrifiante, elle n’en reste pas moins effrayante. Assis au premier rang, on se sentirait presque en insécurité…

Autour de la folie, mise en scène et interprétation : Arnaud Denis
Au théâtre du Lucernaire jusqu’au 16 octobre 2011





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