#7-Les Femelles de Joyce Carol Oates

22 juin 2011
Par

Neuf nouvelles, neuf histoires de meurtres, neuf histoires de femmes. J’avais lu la quatrième de couverture la première fois que je suis tombée sur le recueil et c’est d’ailleurs elle qui m’a donné envie. Puis, quand on me l’a offert, je n’ai pas voulu la relire, j’avais un peu oublié de quoi le livre parlait, je n’avais retenu, guidée par le titre, que la galerie de femmes présentées par Oates. Alors forcément, quand le sang commence à couler, que les personnages basculent, que la tension monte, on ne s’y attend pas.

Chaque nouvelle est construite comme un puzzle. Quand vous commencez la première page, Oates a éparpillé les morceaux ; elle s’amuse ensuite à présenter différentes pièces possibles. Et vous assemblez, fasciné par ce qui est en train de se mettre en place sous vos yeux. Vous avez fini le puzzle quand vous avez un cadavre sur les bras. Parfois, l’horreur n’est pas là où on l’attend et, finalement, certains de ces meurtres semblent moins terribles que ce qui les a motivés. Je pense par exemple à la nouvelle « Poupée : une ballade du Mississipi ». Cette fille – de quel âge ? – que son père prostitue.

La monstruosité ici se lit avec avidité. On veut savoir. Et Oates est parfaite en maîtresse d’une cérémonie macabre pour nous entraîner dans les tréfonds de l’âme humaine. Son écriture éclatée, polyphonique, haletante est le fil d’Ariane du labyrinthe. On le suit, on s’y accroche. On veut savoir. Et ce qui est remarquable, c’est qu’avec une économie de moyens, une précision psychologique et un art de la fiction assez fascinants, Oates arrive à nous satisfaire. On sait, toujours. Elle ne laisse aucune ambiguïté bancale sur les motifs, les choix, les histoires qui ont poussé ces femmes à agir. Sauf peut-être dans la nouvelle « Faim », même si la logique du recueil plaide pour un certain choix.

Elles sont jeunes, parfois encore des enfants, ou plus vieilles, souvent blondes avec des coupes impeccables, mais Oates arrive à donner un panel de femmes assez large, frustrées, maltraitées, assoiffées d’amour ou de reconnaissance. Chacun de ces neuf puzzles télescope une multitude d’angoisses, de bassesses, de peurs, de douleurs, féminines ou masculines, les femelles pouvant exister car il y a des mâles (mais aussi d’autres femelles). Chacun de ces neuf puzzles apparaît comme une pièce d’un puzzle plus grand, qui constitue un tableau bien sombre d’une Amérique glauque où dans les foyers se terre l’horreur.

Comme dirait une amie : « white trash power ».

Extrait
« Cette Métropole anonyme est un dédale de rues hideuses qui devrait être familier à Ira Early : il y est déjà venu, et Poupée y est venue, qui sait quand? Vous aurez remarqué que les quartiers déshérités des centres-ville sont les mêmes dans tout le Midwest. Le Centre-Ville délabré d’une Métropole-autrefois-prospère répété à l’infini. C’est comme un tuyau d’aspiration qui les attire. Comme une eau rougie de sang qui tournoie gaiement dans une bonde très légèrement bouchée par des cheveux. »

Tags: , , , , , , ,

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Suivez-moi sur Hellocoton
Retrouvez Fauteuses sur Hellocoton