Aujourd’hui je ne vais pas vous parler des héroïnes de BD. Pourtant, il y aurait beaucoup de choses à dire entre la figure de Bécassine ou bien la plantureuse Natacha de Spirou! Aujourd’hui, nous allons plutôt nous pencher sur le cas des femmes scénaristes et dessinatrices de BD.
Selon de récents chiffres, elles représentent actuellement un peu moins de 11% de la profession. C’est à la fin des années 60 que les premières femmes vont commencer à avoir une réelle place dans le monde de la BD même si elles restent encore trop souvent liées à la littérature jeunesse.
Les pionnières
Claire Brétécher ouvre la voie du 9ème art aux femmes, elle est d’ailleurs souvent citée comme une véritable référence par la plupart de ses acolytes. Elle a commencé à travailler chez Pilote à la fin des années 60 et, de là, est né son personnage Cellulite. Personnage féminin moche et revêche se moquant des travers féministes tout en soutenant la cause des femmes. Aujourd’hui, Claire Brétécher a son fameux personnage d’Agrippine : jeune femme pas toujours sympathique mais qui met en lumière, parfois malgré elle, les maux d’aujourd’hui. A l’époque de Cellulite, Claire Brétécher était la seule femme a travaillé au sein du magazine Pilote et elle a relaté, à plusieurs reprises, que cette position n’étais pas toujours facile à tenir. En 1972, elle crée avec Marcel Gotlib et Mandryka la célèbre revue L’écho des savanes. Elle fait également partie du magazine de BD Ah ! Nana publié par les Humanoïdes mais qui a été censuré au neuvième numéro pour une sombre histoire de pornographie (inexistante !)
Florence Cestac faisait également partie de l’aventure Ah ! Nana. Elle a collaboré également à L’Echo des savanes, Charlie Mensuel et Pilote. Elle crée également avec Nathalie Roques la fameuse série BD Les Déblok. A l’heure actuelle, Florence Cestac est la seule femme à avoir remporté, en 2000, le Grand Prix du festival d’Angoulême.
La BD au féminin aujourd’hui
C’est d’ailleurs en partant de ce constat : trop peu de femmes primées au célèbre festival de la BD, trop peu de femmes dans les jurys mais aussi un besoin de valoriser la BD au féminin car elle apporte un regard essentiel, que le prix Artémisia a été créé en janvier 2008. Ce prix a depuis récompensé quatre BD d’auteures. La BD au féminin semble de plus en plus avoir le vent en poupe. En effet, on peut citer également le festival de la BD féminine qui se déroule pour la cinquième fois, cette année, dans l’Essone. On voit également paraître des collections dédiées aux femmes telles que, par exemple, Fluide Glamour qui affiche une couverture flashy, sexy et tout en rondeur. La BD n’est plus dominée par des séries pour garçons et elle affiche de plus en plus un nouveau visage nettement plus féminin.
Actuellement, le courant prédominant dans la bande-dessinée féminine est celui de l’auto-fiction. Il a connu un essor monumental notamment sous l’impulsion de la blogosphère. Pénélope Bagieu, avec son fameux blog Ma vie est tout à fait fascinante, apparait comme la figure phare de ce courant. Le blog s’exporte de plus en plus en livre. Pénélope Bagieu a ainsi vu son blog adapté en format papier, c’est le cas également de Margaux Motin (qui en est déjà à deux tomes : J’aurais adoré être ethnologue – La théorie de la contorsion), de Gally avec Mon gras et moi et, plus récemment, de Diglee avec l’autobiographie d’une fille Gaga. On peut déplorer une certaine uniformisation de ce genre, sûrement sous l’effet de mode, où il est souvent question de chats, de chaussures, de shopping…. Néanmoins, les plus talentueuses n’ont jamais perdu un grand sens de l’autodérision et un regard incisif sur la société actuelle.
D’autre part, dans cette lignée de l’auto-fiction, on a également des auteures qui ne sont pas issues de la blogosphère ou bien qui s’affranchissent de l’image a priori très « girly ». On peut notamment citer l’excellent Persepolis de Marjane Satrapi mais aussi des histoires plus légères avec, par exemple, Moi vivant vous n’aurez jamais de pauses de Leslie Plée qui livre son expérience malheureuse en tant que libraire en portant un regard très juste sur la commercialisation de la culture de masse et sur les conditions de travail dans ce type de cadre. On peut également citer Aurélie Aurita avec les deux tomes deFraise et Chocolat qui raconte son histoire d’amour en laissant une grande place aux plaisirs charnels. Elle aborde cela avec beaucoup de tendresse et, surtout, elle arrive à parler d’actes tels que la sodomie sans aucune vulgarité. Suite à l’explosion médiatique qu’elle a connue à la sortie de ses deux livres, Aurélie Aurita a livré un regard réflexif sur cette expérience dans sa BD Buzz-moi. On peut également citer le magnifique La parenthèse d’Elodie Durand qui relate son combat contre la maladie.
Les femmes semblent donc actuellement avoir beaucoup recours au genre littéraire de l’auto-fiction. Néanmoins, certaines explorent avec talent la pure fiction. Pénélope Bagieu s’est d’ailleurs essayée à ce nouveau genre d’histoire longue, avec la publication en 2010 de Cadavre Exquis dans laquelle elle dresse une critique du petit monde de l’édition. Dans cette lignée, on peut également citer le livrePrincesse aime Princesse de Lisa Mandel qui explore l’amour saphique, ou bien encore Rosalie Blum de Camille Jourdy et il y en aurait beaucoup d’autres à citer !
Le Festival d’Angoulême semble en tout cas avoir bien discerné ces deux tendances, puisque cette année, le prix de la révélation a été remis en double exemplaire :
- L’un à Trop n’est pas assez de Ulli Lust : il s’agit d’une autobiographie où l’auteure, à l’époque jeune punk, raconte le périple de son été 1984 qui la conduit de l’Autriche à l’Italie (elle a également remporté le prix Artémisia)
- L’autre à Lo de Lucie Dubiarno : cette bande-dessinée nous entraîne au cœur de la mythologie grecque avec l’histoire d’une jeune nymphe.
On voit donc, de plus en plus, de nombreux talents féminins émerger. Et même si les femmes ne sont pas encore très présentes dans tous les genres qui composent le monde de la BD, on ne peut s’empêcher de penser que cela ne saurait tarder !
One Response to #5 La bande-dessinée et les femmes