#2 To Geek or not to Geek

15 décembre 2010
Par

« Mais pourquoi web 2.0 ? »
« Quand tu dis « trekkie », tu ne causes pas d’un gars qui fait du trekking ? Non hein ? J’me disais aussi…»
«Oui alors le pangolin, je vois à peu près, mais pour quoi tu veux le roxxer ? Et c’est quoi roxxer, d’abord ? »

C’est fou ce que je peux répondre à ce genre de questions en ce moment. A croire que soudain la sphère geek émet des signaux captés par de plus en plus de gens avides de geekeries en tout genre. Rien que ce mot, « geek », vous l’avez forcément croisé ces derniers temps. Ne serait-ce parce qu’il vient d’entrer dans l’édition 2010 du Larousse ou parce que notre premier ministre geek vient d’être reconduit. Quoi ? Vous n’avez pas suivi la fameuse affaire de notre Fillon ? A côté, l’affaire Woerth-Bettencourt, c’est Candy qui s’écorche un genou à Bisounoursland.

L’AFFAIRE FILLON

Interviewé par le magazine SMV l’été 2009 (n°283, juillet/août 2009), le Fillon 2.0 y affirmait son amour des technologies : « Je suis un vrai “geek”. Je veux essayer toutes les nouveautés. En ce moment, j’utilise principalement un iPhone 3G, un Nokia, un iPod nano et, côté photo, un Nikon D700 et un Panasonic Lumix. » Et les commentaires des internautes de fuser sur la légitimité du premier ministre à se déclarer geek, car ce qu’on appelait il n’y a pas si longtemps le phénomène culturel geek est devenu un des artefacts de la coolitude : les geeks sont partout. Allons-y gaiment dans le mélo : on s’autoproclame vrai geek face aux faux geeks et d’aucuns ont même annoncé la mort des geeks en soudant au pilori de la farce de mauvais goût le Fillon 2.0 et ses chaussettes rouges scotchées à l’iphone. Le fait est qu’il est difficile de ne pas avoir au moins croisé ce mot ou un personnage représentatif de la culture geek ces derniers temps, tant il est devenu hype de faire partie de cette communauté.

LE GEEK, C’EST CHIC !

Sacré retournement de situation quand on y pense. Il y a quelques années, le geek, c’était le petit génie scientifique qui causait dans son jargon et avait la sale manie de vous mettre une raclée aux échecs en moins de 10 coups : au mieux ça faisait ricaner, au pire ça fichait quand même sacrément la trouille. Observez l’évolution tout sauf subtile. Ami lecteur, toi qui a vécu ado les séries des 90s, tu as ri devant Parker Lewis ne perd jamais avec Jerry du club d’échecs, l’inadapté social qui s’enferme dans un placard avec son manteau à gadgets, le loser de service qui n’approche jamais aucune fille. Puis tu as pu noter l’évolution dans les années 2000 avec des personnages secondaires comme Abby Sciuto et Timotee McGee de NCIS ou Spencer Reese et Penelope Garcia de Criminal Minds : des personnages décalés et charismatiques, experts dans leurs domaines quoiqu’un peu freaky quand même. Enfin tu as vu l’avènement du geek dans des séries basées entièrement sur la geekosphère : The IT crowd, The big bang theory pour ne citer que les plus célèbres. Oui mais alors c’est quoi un geek, au final ?

DU PHENOMENE DE FOIRE…

Avant de reprendre notre bon vieux Larousse, intéressons-nous un peu à l’étymologeek (jeu de mots foireux, ami lecteur, tu peux me jeter de petits cailloux) : geek était déjà utilisé dans la langue de Shakespeare… par Shakespeare himself, sous la graphie « geck » au sens de « fou, idiot, débile ». Le pauvre gars de qui on peut se moquer. Utilisé outre-atlantique, il réapparait début XXème pour désigner un monstre de cirque, un sous-genre du freak qui est là pour ingérer tout ce que les visiteurs lui donnent à manger, que ce soit un trousseau de clefs ou un poulet vivant. Yummy, n’est-ce pas ? Puis il a évolué sur les bancs des facultés au sens de premier de la classe, intello, livré avec les lunettes et l’acné de série. Dans tous les cas, le geek reste ce personnage souffre-douleur, mis à part de la communauté, qui a un comportement en-dehors de la norme. Alors quid de la « communauté » geek ? Revenons au Larousse, qui explique le terme en français dans son édition 2010 : « Geek [gik] n. (mot anglo-amér.). Personne passionnée par les technologies de l’information et de la communication, en partic. par Internet. » Ce que les anglophones appellent un « computer geek » donc, le terme geek signifiant toujours « un idiot » dans la langue anglaise actuelle.

… AU PHENOMENE DE MODE

Le geek, c’est donc celui qui aime l’informatique, soit, mais notre copine rousse a plusieurs méga-octets de retard. Le geek, c’est aussi le passionné tout court. Le geek d’aujourd’hui fait partie de la génération de jeunes adultes qui sont nés un manga dans la main, une manette dans l’autre, un anime en fond sonore, et une connexion wifi reliée au cortex. Cette génération de fans s’est forgé sa propre culture, ses domaines de passions, qu’elle partage à grand renfort de forum spécialisé/sites/blog/réseaux sociaux. C’est là que l’on peut parler de communauté geek : le geek n’est pas renfermé sur lui-même, il utilise le web pour diffuser sa passion, la partager, et rencontrer d’autres passionnés. Car oui, contrairement à ce que semblait croire notre nouvelle ministre Nathalie Kosciusko-Morizet qui affirmait lors d’un discours le 26 mars 2009 : « le geek on ne le croise pas, ils sont derrière leurs écrans » et ont un « doux bronzage écran d’ordinateur », le geek peut se rencontrer. Le geek a un boulot, sort au cinéma, participe à des rencontre IRL entre geeks qui ne se connaissent que virtuellement, il paraît même que certains réussissent à se caser et à se reproduire. NKM a donc vaguement confondu geek et nolife 1, mais pour faire hype, on n’est pas à une approximation près 2.

LA CULTURE GEEK

Et c’est bien parce que les geeks forment des communautés de partage autour d’une passion commune qu’on peut parler d’une culture geek. Le geek peut être l’incollable des animes old school qui a conservé sa collection de figurine Goldorak, celui qui est fan de comics et incollable sur tel super-héros, celui qui vous récite le pitch par cœur quand vous l’interrogez sur tel épisode de Dr Who et ô horreur suprême, celui qui est passionné de *jeux vidéos*, terme à chuchoter du bout des lèvres, parce que c’est vraiment TROP horrible de penser à un ado ou un adulte qui joue avec une manette à ce concept ludique envoyé par Satan himself. Quelle perversité, j’en frissonne. Les geeks, fans passionnés, sont incollables dans leurs domaines, et le web abolissant les frontières, le partage de la culture geek se fait désormais lors d’évènements mondiaux de plus en plus médiatisés comme les conventions : de comics, de jeux-vidéos, de culture nippone et j’en passe 3.

ALORS SI JE RESUME

Beaucoup parodié, le geek est devenu un stéréotype de la branchitude qui vit connecté sur son iphone, est passionné d’informatique et surkiffe les réseaux sociaux. Ca, c’est ma copine Larousse qui le dit, et on va l’aider à se mettre à la page (ha ha ha) en ajoutant que c’est aussi un passionné tout court (de comics, de SF, de séries, de jeux vidéos, de japanimation… > liste non exhaustive) qui cherche à partager cette culture qu’il s’est forgée.

Oui mais mon Fillon 2.0 j’en fais quoi ? Hum… Comme me le disait une amie geek, finalement ce que veut dire geek pour untel ou untel, on s’en fout. Et si Fillon veut être geek, grand bien lui fasse, finalement je ne lui en veux que parce qu’il peut avoir tous les produits Apple en double exemplaire sans avoir claqué deux ans de salaire. Et je lui propose de calculer son score de geekitude sur innergeek pour préciser son auto-proclamation : http://www.innergeek.us/francais.html Et allez savoir pourquoi, je sens que le Fillon 2.0 ne sera pas le seul à se jeter sur ce test bourré de références assez drôles. A bon entendeur, geekez-vous bien !

1- Par définition, celui qui n’a aucune vie sociale, qui vit replié sur sa passion et ne fréquente d’autres personnes que virtuellement.
2 – Quand on sait qu’elle était alors secrétaire d’État chargée de la Prospective et du Développement de l’économie numérique, ça laisse rêveur. Passage du discours visible sur youtube : http://www.youtube.com/watch?v=sVQ3OCbUg2s&feature=player_embedded
3 – Par exemple et respectivement : la Comic Con, l’E3, la Japan-Expo.

Tags: , , , ,

One Response to #2 To Geek or not to Geek

  1. Aro
    9 janvier 2011 at 21 h 01 min

    Bien dit.

    Cependant je ne suis même pas sûr qu’il puisse y avoir une culture geek. Il s’agit plutôt un agrégat virtuel de sous-cultures où il y a un peu de tout: des nerds à lunettes et chemisette à carreaux (le cliché), les otakus fans de japoniaiseries, le milieu fansub J/K/HK, les bitmaps décalqués de jeux vidéos, les tuners et LANistes (overclock et néons), la demoscene (oh yeah!!!), les Hacktivistes, l’undernet, les haxxors w4rl0dz, les apôtres du micro-formats et des RFC, les libristes et la communauté du manchot, etc… (j’en oublie tout un tas, désolé les amis). Évidement ces sous-cultures sont parfois poreuses et parfois pas, et ne se croisent pas forcément.

    Et puis il y a le cas des « néo-geeks »: purs produits actuels du marketing (iphone en main, réseaux sociaux et tout le tralala des derniers gadgets vus à la TV et sur les blogs de tendances pour avoir l’air d’être « in ») et qui sont un peu en dehors de ces sous-cultures traditionnelles. Ils me font penser à l’image d’un bon petit bourge de Versailles qui arbore un baggy et une une casquette de travers pour avoir l’air d’un vieux loup du gangsta-rap. Ceux-ci ne savent pas que les IRL de geeks ne se programment pas sur les réseaux sociaux mais bien toujours sur l’IRC ou les salons Jabber.

    De toute façon… la réponse est 42 ;)

Répondre à Aro Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Suivez-moi sur Hellocoton
Retrouvez Fauteuses sur Hellocoton