Wesh bro’ and sis’. Ouais, Paris, ce n’est pas que la Tour Eiffel ou les Champs-Elysées, ce sont aussi les quartiers populaires du nord de la ville : Barbès, Stalingrad, Belleville. 18-19-20. Et moi, j’viens du 1-9, t’as vu ? Ma maternelle était dans la té-ci, mes copains d’école jouaient en criant « Au viol ! » entre les tours, mon premier amoureux a fini en prison. Je n’avais pas le droit de jouer dans le bac à sable à cause des seringues, les dealers étaient nos voisins. Ah là là, c’est beau comme une télé-réalité de TF1, tout ça.
Sauf que voilà, depuis une quinzaine d’années, le 19ème arrondissement de Paris a carrément changé d’allure : le premier cinéma Mk2 s’est installé à la fin des années 1990, le deuxième quelques années plus tard, des restaurants et des bars consentaient enfin à ouvrir dans le quartier, Pizza Hut n’avait plus peur de livrer, et le 1-9 est devenu soudainement hyper branchouille.
Je me souviens particulièrement du choc des cultures quand le 104 a été ouvert au public, en 2008 : ravie d’avoir enfin un espace artistique important dans le coin, je m’étais rendue à la soirée d’inauguration ; quelle ne fut pas ma surprise en voyant sortir du métro Riquet des flots de hipsters et de nénettes über-chébran ! Mais mon étonnement n’était rien en réaction de celui des petits de la cité sus-mentionnée, qui fait face au 104. Assistant à ce débarquement inattendu de modeux, les mômes se regardaient, interloqués, ne sachant que penser de ces nouveaux arrivants qui d’ordinaire ne s’aventuraient pas sur leurs terres. La scène était franchement cocasse, et je me réjouissais secrètement de la nouvelle mixité sociale qui ne manquerait pas d’arriver, pensais-je, dans le quartier.
En réalité, le bilan est plus mitigé : certes, les bobos envahissent le canal de l’Ourcq, multipliant les pique-niques sur les quais de Loire et quais de Seine dès le moindre rayon de soleil, s’installent parfois du côté des Buttes-Chaumont, deviennent les cibles de certaines boutiques bio qui se multiplient comme des petits pains (bio eux aussi), mais le fait est que l’avenue de Flandre reste un lieu très populaire habité par des familles largement défavorisées. Le frisson du peuple, ça va bien cinq minutes, et les nouveaux bourgeois ne sont toujours pas prêts à s’aventurer sur la rive droite du Canal.
Faut-il alors le déplorer ? Rien n’est moins sûr : le 19ème conserve ainsi pleinement son identité œcuménique, multiculturelle et multicolore, et résiste aux assauts de l’uniformisation bobo.
Alors, pour aller voir le vrai 19ème, n’hésitez pas à vous promener de Stalingrad à la Villette ! Prenez la ligne 7 !
Et non, n’ayez pas peur !
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