#9-L’autorité dans l’éducation n’est pas un vieux principe rasoir

15 octobre 2011
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Mais voui elle est trop gnon la petite Léa, trois ans et demi, qui se régale en léchant consciencieusement tous les gâteaux de la boîte, sans jamais en manger un, les yeux plantés dans ceux de sa môman ! Maman qui s’empresse de vous dire qu’elle ne peut rien lui dire, parce qu’elle est trop petite pour comprendre, la pauvre… C’est pas faux, comme dirait l’autre, mais ce n’est pas parce qu’elle n’est pas encore en capacité de saisir les subtilités du concept de l’hygiène alimentaire qu’elle ne peut pas apprendre à ne pas faire ça. Elle comprendra pourquoi les règles existent quand elle sera en âge de le faire, Léa, mais en attendant, on fait quoi pour la protéger, la guider ?

©Luise Y.

Loin de moi l’idée de vous assommer à coup de code civil, mais après avoir eu la même conversation des centaines de fois en moins de dix ans de terrain, il me semble important de rappeler certaines bases, en matière d’éducation, et là en l’occurrence, c’est la loi qui le dit : non, l’autorité n’est pas un gros mot, un principe réac à proscrire, c’est même un des meilleurs outils à la disposition des parents pour protéger leurs enfants.

Non, les enfants ne cessent pas d’aimer leurs parents quand ils se font engueuler !

Voici une petite piqûre de rappel :

Article 371-1 du code civil

« L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant.
« Elle appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.
« Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. »

Tout d’abord, commençons par terrasser une idée fort répandue dans le cœur désarmé des parents attendris par le chagrin (réel ou simulé) qui se lit dans les yeux humides de leurs chers bambins après une remontrance quelconque : non, les enfants ne cessent pas d’aimer leurs parents quand ils se font engueuler ! Et quand il vous dit « j’t'aime plus ! », « t’es méchant(e) ! », ou « je préfèrerai avoir d’autres parents ! », même s’il le pense un petit peu sur le moment – parce que quand même, il avait vachement envie d’essayer ce système de parapluie-parachute fait maison du haut du toit du garage -, il ne va pas arrêter de vous aimer, ni même vous aimer moins sur le long terme.

Si l’on regarde dans le dictionnaire, on voit que l’autorité désigne le fait de commander, d’imposer ses volontés à autrui, mais aussi le caractère de quelque chose dont la valeur, le sérieux communément reconnus lui permettent de servir de référence. L’autorité parentale serait un art délicat, celui de la persuasion…

C’est une chose de s’adapter à la personnalité d’un enfant, c’en est une autre d’en faire le seul responsable de ses actes

Et c’est bien ce dont il s’agit ici, avoir une conduite sensée, mettre en place des règles cohérentes et légitimes, exiger le respect de ces règles et, la plupart du temps, l’obtenir. On ne dresse pas des enfants, ou alors pas longtemps, mais on peut les convaincre ! Cela demande du bon sens, de la constance, beaucoup de patience, et une bonne dose de confiance en soi, mais il semble que ce soit la meilleure recette pour réussir à faire grandir des enfants capables de vivre dans ce monde sans trop de souffrance. Car tout est là, ce ne sont pas les parents qui restreignent la liberté des enfants, c’est la société. Si nous les laissons croire qu’ils peuvent tout faire, tout avoir, tout dire, comment pourront-ils supporter une vie d’adulte où il faut accepter nombre de limites, et respecter les lois ? Alors oui, ça peut paraître évident dit comme ça, mais ce grand principe paraît parfois bien loin quand il est l’heure de tenir tête à un gamin résolu à vous la faire perdre…

Pour avoir déjà eu l’occasion de rencontrer et d’observer des enfants à qui tout est permis, ils sont plus excités, désorientés et perturbés que satisfaits de cette grande liberté. Elle n’est pas forcément bonne pour eux, et (j’emprunte ici une phrase entendue aujourd’hui même de la bouche d’un collègue) la liberté, si elle n’est pas construite, devient l’errance. Les enfants ne savent pas ce qui est bon pour eux, mais ils sont généralement bien décidés à le découvrir. Les laisser faire toutes les choses qui leur passent par la tête est probablement la pire idée qui soit, même si cela évite les affrontements répétés. C’est une chose de s’adapter à la personnalité d’un enfant, c’en est une autre d’en faire le seul responsable de ses actes, cela revient à l’abandonner à son triste sort. On peut même voir des mômes de sept ans reprocher à leurs parents leur manque de fermeté, ou attraper une paire de ciseaux pour découper toutes les tétines de ses biberons parce que Maman ne l’empêche jamais de s’en servir alors qu’il est trop grand pour ça maintenant. Ne pas poser de limites à un enfant, ce n’est pas respecter sa liberté, c’est le laisser se débrouiller tout seul pour comprendre comment marche le monde, et il y a fort à parier qu’il va faire de mauvais choix.

Ne pas poser de limites à un enfant, ce n’est pas respecter sa liberté, c’est le laisser se débrouiller tout seul

Alors oui, vous allez vous transformer en perroquet, vous vous horripilerez probablement vous-même à force de rabâcher encore et encore, mais seule votre constance vous mènera à la victoire. Car les enfants, à part de rares phénomènes, ont besoin de répétition pour enregistrer, et quand je dis répétition, je ne parle pas de journées, mais de mois, voire d’années. Pour parvenir à une telle persévérance qui ferait de vous un quasi-saint, faites surtout attention à ne pas vous piéger tout seul… Ne promettez rien que vous ne soyez en mesure de tenir, et spécialement lorsque vous menacez. À force de dire « La prochaine fois, tu vas voir c’que tu vas voir ! », et de ne rien faire, votre cher petit aura vite compris que finalement, il ne va rien voir du tout. Et peu à peu, vous perdez votre crédibilité. Mieux vaut favoriser le dialogue tant qu’il est possible, et ne passer à l’étape supérieure dite de la sanction qu’en cas de nécessité absolue, garder les grands moyens pour les grandes occasions si l’on peut dire.

On parle beaucoup dans les médias de démission des parents, mais il semble que certains se privent volontairement de leurs droits et devoirs envers leurs enfants en pensant faire leur bonheur. Le pire, c’est qu’ils sont convaincus d’être de meilleurs parents parce qu’ils respectent davantage la personnalité de leur enfant que les autres, parce qu’ils ne le briment pas, et ne voient pas qu’ils le privent du tuteur dont il a besoin pour grandir droit.

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