#8-Clichés du fou

29 septembre 2011
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Au milieu d’inextricables embranchements de tubes, de fils, allant frénétiquement, la blouse blanche au vent, de fioles verdâtres fumantes en fioles rougeâtres bouillonnantes, cheveux hirsutes, yeux globuleux injectés de sang derrière des culs-de-bouteille à l’épaisseur de vitres pare-balles, je vous présente le cliché du savant fou.

Assis, grelottant, à une pauvre table en bois, éclairé par la lumière finissante d’une bougie et enveloppé dans une couverture d’où ne sortent que des doigts misérablement recouverts de mitaines trouées, il écrit en trempant frénétiquement sa plume dans un vieux pot d’encre, et, le bruit de sa plume sur le papier, gratte comme les ongles d’un reclus sur les portes de sa prison. Il mange le pain d’angoisse, je vous présente le poète maudit.

Le coeur en bandoulière, l’oeil rougi par les larmes, il égrène les pétales d’une marguerite pour savoir s’il est aimé un peu , beaucoup, passionnément ou à la folie. Il a déjà essayé tous les cocktails de tranquillisants en dose non homéopathiques, subi plusieurs lavages d’estomac pour un téléphone resté muet après la livraison d’un cargo de roses rouges, et oui, c’est lui, celui qui, dans son dernier soupir, peut mourir de plaisir, l’amoureux fou.

La tête à la renverse, la peinture dégoulinant sur lui, il peint les chefs-d’œuvres que le monde entier, cinq siècles durant, défilera pour observer quelques minutes. Il sait que c’est Dieu en personne qui a commandé sa toile et que c’est Lui qui donne le talent pour aboutir au résultat parfait. Il peut exploser dans une colère noire allant jusqu’à chasser le pape pour finir ce qui doit être fini. C’est lui, le génie de la peinture.

Elle le tient enchaîné par la langueur de ses pulsations. Il lui écrit des livres de sons. Elle est sa maîtresse-femme, virago des vertiges virginaux de son violon. Partout elle résonne, pour tout avec son piano, il lui pardonne d’être patronne. Hors des sons, point de salut, le voilà le compositeur à la baguette folle.

On pourrait dérouler les mêmes clichés sur tous les domaines où le cerveau humain parvient à exceller. Le génie confine avec la folie, avec la marginalité. Pourquoi les meilleurs d’entre nous sont-ils si souvent frappés par ces tares du comportement que sont la colère, la paranoïa, la folie ?

Les biographes ne gagneraient pas leur croûte si les grands hommes de notre histoire s’étaient contentés de vivre une vie normale. Si Rousseau avait eu des amis, Si Van Gogh ne s’était pas coupé l’oreille, si Gauguin n’était pas parti à Tahiti, si Mozart n’était pas mort après son génial requiem, et j’en passe, qu’aurait-on dit sur eux ? On aurait, à coup sûr, trouvé autre chose car une oeuvre d’art ne peut pas naître dans un contexte banal. Le grain de folie est une garantie pour expliquer la perle rare.

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