Drôle de question, me direz-vous, mais figurez-vous qu’il existe une méthode infaillible en six étapes pour y parvenir… Toute une équipe de thérapeutes a déjà bossé sur le sujet, bon, bien sûr, eux ils cherchaient plutôt à l’éviter, mais le résultat est le même, y a comme qui dirait une recette miracle !
Un couple qui lutte l’un contre l’autre
Alors évidemment, c’est pas donné à tout le monde, il y a une base essentielle : il faut être capable de construire un couple totalement malsain, dans lequel chacun des partenaires cherchera à prendre le pouvoir sur l’autre. Vous devrez donc vous atteler à cette tâche difficile et considérable : chercher des poux à votre compagnon/compagne, suffisamment mais pas trop, car la règle de base est : ne jamais abandonner ! Ca a l’air dur comme ça, mais je vous assure, y en a plein qui y arrivent ! Vous pouvez par exemple reprocher en permanence à votre cher(e) et tendre de travailler trop tard, puis faire la gueule quand il/elle rentre plus tôt pour vous faire plaisir, sous prétexte qu’il ne respecte pas votre besoin de liberté, puis lui reprocher à nouveau de rentrer tard alors que visiblement, il/elle peut sortir plus tôt sans problème. Vous pouvez reprocher à votre partenaire de ne pas être assez expressif en société, puis le casser devant tout le monde dès qu’il tentera de prendre la parole, puis le re-casser en privé sur son manque de répartie. Bref, plein de procédés tordus pour montrer que quoi que fasse l’autre, vous avez le pouvoir. Mais comme lui aussi, il l’a, le pouvoir, vous voilà bloqués dans une situation inextricable, condamnés à lutter sans cesse, sans jamais vraiment gagner.
Pourquoi rester ensemble alors, me demanderez-vous ? Et bien disons que pour certains, c’est un moyen comme un autre de rester en vie, de ne pas sombrer. D’autres se mettent à picoler, certains deviennent violents, ou collectionneurs compulsifs de briquets, eux ils luttent l’un contre l’autre, et ils se sentent vivants…
Quoiqu’il en soit, c’est l’étape numéro 1 de la méthode : un couple bien problématique, et peu enclin à se remettre en question.
L’enfant instigué contre son autre parent
L’étape numéro 2 est déjà moins compliquée : il suffit (volontairement ou non, pour certains, ça se fait sans même qu’ils s’en rendent compte…) de laisser croire à votre enfant que vous êtes bien la victime dans cette affaire. Il aura facilement tendance à l’imaginer tout seul, car les gamins passent leur temps à se faire des films, et en plus en l’occurrence, votre conjoint(e) est un coupable tout trouvé : plus explosif que vous, plus agressif, plus ouvertement provocateur, tout joue contre lui. Voilà donc votre enfant instigué contre son autre parent, le jeu va pouvoir commencer.
Si jamais vous décidez de renoncer à l’expérience, il est encore largement temps, car avec de l’aide, votre enfant sera en capacité de changer sa vision des choses, et de s’adapter à votre fonctionnement bagarreur sans se sentir responsable.
L’enfant se rebelle
Si en revanche vous êtes du genre obstiné, et que l’empathie et le sens du devoir ne sont pas vos principales qualités, vous pouvez continuer l’expérience. La troisième étape demande de la patience, car c’est maintenant à votre enfant qu’il va falloir faire confiance. En toute logique, à moins que quelqu’un l’aide à se détacher de tout ça, il va se sentir obligé d’agir. Il va vouloir défendre l’opprimé, le faible, celui qui a l’air de perdre. Il va commencer à se rebeller contre le soi-disant bourreau, par tous les moyens qu’il va trouver. Vu qu’il a pour le moment l’âge d’aller en primaire, ses stratégies de provocation vont être limitées, mais tout de même remarquables : insultes, effronterie, agressivité, repli sur soi,…
Voilà la moitié du chemin parcourue, votre enfant se dresse contre votre conjoint(e), à la fois pour vous protéger, et vous montrer l’exemple, au cas où vous voudriez vous défendre vous-même.
La volte-face soudaine
C’est là que vous reprenez une place primordiale dans le processus : vous allez faire comprendre soudainement à votre enfant qu’il a été dupé. Il entre dans l’adolescence, et il trouve de nouvelles façons de secouer ses parents de manière un peu plus musclée : fugues, drogue, alcool, violence… Imaginons-le qui soudainement menace physiquement votre partenaire, vous allez devoir l’arrêter, et le réprimander sévèrement, parce que malgré tout, on ne lève pas la main sur un de ses parents. Votre gamin risque de ne rien comprendre : il a toujours cru que vous vouliez qu’il vous sauve, et tout à coup, il comprend que vous n’avez besoin de personne, qu’il a été trahi, utilisé. Quatrième étape : une volte-face soudaine, et donc de gros dégâts, surtout si vous l’avez vraiment encouragé à provoquer son autre parent, et ce depuis des années.
L’entrée dans la folie
Là encore, il est possible que vous réalisiez que décidément, ça va trop loin, et que vous finissiez par prendre sur vous pour extirper votre bambin de ce cauchemar, vous ou tout autre adulte qui se sentirait suffisamment concerné pour vouloir intervenir. Sinon, il va sans aucun doute entrer dans une phase de confusion intense, réaliser qu’il a été manipulé pour entretenir un combat sans but, et se laisser emporter peu à peu par la colère et la dépression. C’est la cinquième étape, l’explosion, l’entrée dans la folie. Votre enfant ne peut pas accepter de perdre maintenant, pas après tout ce qu’il a déjà fait, alors il va monter d’un cran. Depuis qu’il est tout petit, vous lui avez bien appris à lutter quoi qu’il arrive, à ne jamais abandonner, et c’est exactement ce qu’il va faire, preuve que vos leçons ont été bien apprises… Les anciennes méthodes n’ont pas fonctionné, alors il va passer au stade supérieur pour faire payer à ses parents : toxicomanie, anorexie, boulimie…
Le piège se referme
Il est maintenant temps de passer à la phase finale, celle qui consiste tout simplement à ne jamais reconnaître votre responsabilité dans tout ça, à ne surtout pas changer votre fonctionnement ni votre couple, ce qui referme totalement le piège sur votre enfant. Pour lui, c’est combat à vie, et le pire, c’est qu’il va ainsi continuer à vous donner des armes pour lutter : « Tu as vu ce que tu as fait de notre fils… ! ».
Une méthode parfaite, donc, si tant est que votre but soit de rendre votre enfant fou au sens littéral du terme, et que vous soyez suffisamment persévérants, bien que certains y parviennent sans réelle volonté…
Commentaires récents