#8- D’une beauté folle : Isabelle Adjani

15 septembre 2011
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« Mais non, je ne suis pas folle », criait en hurlant, cabrée sur son fauteuil une Florence Forresti, déguisée en reine Margot drag-queenisée, pour imiter Isabelle Adjani un soir chez Ruquier.

Adjani, comme peu d’autres artistes, a une carrière marquée par l’interprétation de personnages qui sombrent dans une folie dont l’artiste est lui-même taxé après coup. Camille Claudel pétillante au début du film, belle comme Adjani, sculpte sans relâche des corps noueux. Camille Claudel à la fin est recluse dans sa maison, ou immobile sur sa chaise à l’asile, folle comme seule Adjani peut le devenir.

Pour le grand public, cette image de folle lui colle à l’image depuis L’Eté meurtrier en 1983. Elle avait séduit avec son petit minois, ses robes à fleurs, sa petite voix fluette et elle avait fait peur avec son regard de folle, ses cris de folle, son rôle de folle.

Pourtant, elle n’en était pas à son coup d’essai. Dans Adèle H. de Truffaut en 1975, elle jouait le rôle d’une jeune fille délaissée par son amant qui refusait cette séparation et finissait internée. Dans Possession de Zulawski en 1981, elle avait incarné un personnage hanté par son double.

Elle n’est pas la seule à avoir su camper des personnages aux contours flous, aux regards qui égarent. Jacques Villeret a tenu un de ses meilleurs rôles en répétant inlassablement « Pas l’hôpital » dans L’Eté en pente douce, Béatrice Dalle a merveilleusement accompagné Betty dans sa folie dans 37°2 le matin. Tous deux ont su ensuite s’échapper de ces rôles.

Pourquoi pas Adjani? Cette excellence dans l’interprétation de la folie sonne comme un aveu pour un public captivé. Un public qui se rassure en faisant de l’illusion une réalité, en coupant le fil invisible qui sépare le jeu du réel. Mais alors, on est aussi en droit de se demander si Pierre Richard s’emmêle les pieds dans son tapis chaque matin? Si Depardieu met des coups de boule dès qu’on le cherche ? Si Michel Blanc a enfin trouvé une ouverture ?

Il faut quand même avouer qu’Adjani a été une reine Margot plus que vraie, échappant à son armada de frères incestueux tous plus dingues les uns que les autres, se promenant avec la tête de son amant dans sa robe sanglante…

Pour résumer, on pourrait aller jusqu’à dire qu’elle a donné un corps, le sien, à la folie de l’histoire, à la folie de l’art, à la folie de l’amour.

Elle a, encore récemment, été choisie pour interpréter un personnage en marge de son groupe dans La Journée de la jupe de Jean-Paul Lilienfeld, et elle a encore été récompensée par un César pour son talent d’actrice. Dans ce film, on est du côté de la prof, enfin d’Adjani, indignés par les accusations qui pèsent sur elle. Non, elle n’est pas folle, elle défend des valeurs. Elle lutte contre une société qui a abandonné son plus beau combat : la liberté de la femme.

On l’a aussi vue rire sur des plateaux télé, faire des blagues, jouer aux côtés de l’équipe grolandaise dans Mammuth de Benoît Delépine et Gustave Kervern.
Tout cela fait que le vilain petit chat est mort. Le temps a offert à la femme des contours rassurants, et ce sont les mêmes marques du temps qui ont effacé chez l’actrice l’ambiguïté d’une beauté folle.

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