#7 Affaire DSK : les Fauteuses ne savent rien

21 mai 2011
Par

CC Joseph Paquette

Je me lève dimanche matin et j’entends à la radio : « DSK, directeur du FMI est accusé d’agression sexuelle ».

Au premier abord, je m’en tape un peu, beaucoup même. Je me dis, « ça y est ils l’ont eu. » Et je ne sais pas qu’en pensant ainsi, je participe à un mouvement massif de l’opinion publique qui penche pour la théorie du complot. Ce qu’on peut faire quand même sans le savoir… Au bout de quatre heures de battage, je commence à me dire qu’il faut que j’enquête moi aussi et que je me forge une opinion. Alors, récapitulons les faits… Zut, il n’y en a pas. Mais alors de quoi me parle-t-on depuis tout ce temps ? Une grosse fatigue m’envahit, et, je décide de revenir à mon premier sentiment, qui selon Sartre est toujours le bon, à savoir : je m’en tape.

Quelques heures plus tard, je retrouve des journalistes aphones, un peu délirants car ils répètent en boucle la même phrase sur tous les tons. Ils ont quand même un nouveau non- évènement à fêter :  » Il faut nous garder de porter un jugement sur cette affaire » . Ça tombe bien parce que je ne pense toujours rien, mais alors rien.

Les témoignages, sans jugements, se suivent et se ressemblent. Comme il n’y a toujours aucun évènement, on tombe dans le didactique : le système pénal américain, la différence dans la notion de viol des deux côtés de l’Atlantique … Ce qui, vous l’avouerez, est hal-lu-ci-nant. On rajoute même un commentaire sur les spécificités italiennes quant à la perception de ce crime dans l’opinion publique, Berlusconi l’ayant vidé de son sens. Je ne savais décidément pas qu’il pouvait y avoir une exception culturelle dans ce domaine.

Finalement, l’homme au fil de l’affaire a de moins en moins d’importance et on n’a pas très envie de porter un jugement sur son cas, la justice le fera. En revanche, on ne peut que s’insurger contre la manière dont sont présentés les faits. Dans le vide médiatique, une succession de phrases se glissent, qui elles, sans aucun doute méritent la prison. Graduellement, ça donne : la jeune femme ne peut qu’être un canon de beauté, elle ne savait pas qui était son agresseur quand elle a porté plainte, personne n’est mort… Je vous laisse juge et je mets des points de suspension car vous pouvez certainement en rajouter tout un tas. Olympe en fait d’ailleurs une analyse aussi pertinente qu’effrayante. Le meurtre ferait peut-être moins jaser ces messieurs, plus viril que le viol comme concept.

De jours en jours, et plus on en apprend, David est en train de se dresser contre Goliath dans les désignations des deux parties : la femme de chambre contre le directeur du FMI (ex – faut suivre), la mère célibataire contre l’ex-ministre (encore !!), la femme d’origine guinéenne contre le très probable ex-futur candidat à la présidentielle. Le monde a oublié que les grands peuvent être « aujourd’hui dans le trône et demain dans la boue »*.

Et puis, les langues se délient et l’ami passe de « séducteur « à « prédateur ». Les politiques rappellent le respect de la vie privée. Ça aussi, ça m’en bouche un coin. Comment peut-on expliquer aux gens que les méfaits de nos dirigeants doivent rester de l’ordre privé ?

A force de parler pour ne rien dire, on crée une polémique sur la manière dont on a traité l’absence de contenu et ainsi se crée un monstre médiatique sans commencement ni fin. La spirale s’épuise vite et s’auto-dévore en quelques jours.

Eh, les Fauteuses, tout ça c’est fatigant, non ?

* Polyeucte, Corneille

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