#7 Entretien – Heads or tails / Pile ou face : photographies de sexes et de fesses d’hommes

15 mai 2011
Par

Luise a réalisé un projet photographique avec Dan Ziemkiewicz autour du nu masculin. Ses copines Fauteuses, curieuses, lui ont posé des questions à ce sujet…

Marguerite. Chaque « pile ou face » exposé appartient-il bien au même modèle ou avez-vous mis le sexe de l’un avec les fesses d’un autre ?
Chaque pile ou face appartient en effet au même modèle. Dan et moi avons avons pris pour chaque modèle une photo de fesses et une photo de sexe pour chaque modèle, ce qui fait 4 photos par cadre. Il y a 15 pile ou face, soit 15 cadres, soit 15 modèles. Pour chaque cadre, et donc chaque modèle, un mot ou une expression accompagne l’ensemble pour rendre compte d’une partie de l’histoire du modèle ou de ce qui a pu se dégager de lui lors de la séance.

©Dan Ziemkiewicz et Luise Y.

Marguerite. D’où est parti ce projet ?
Il est d’abord né de ma rencontre avec Dan, lors de son expo No Man’s Land. J’ai beaucoup aimé son regard sur le corps masculin, son travail du N&B, je m’y reconnaissais. Je lui ai donc proposé une collaboration et j’ai eu cette idée. Au départ, il n’était question que de représenter des sexes d’hommes, puis l’idée des fesses est venue s’ajouter pour créer un projet sous le signe du double : fesses/sexes, regard féminin/regard masculin, France/Canada, français/anglais.

Marguerite. Quelle est ta motivation personnelle, par rapport à Dan, peut-être ? Quelque chose qu’il ne partagerait pas forcément.
Cela faisait un moment que je souhaitais faire du nu masculin, mais je n’avais pas trop osé me lancer à cause du manque de modèles. Pas toujours facile en tant que femme de dire qu’on recherche des hommes nus pour les photographier… J’ai eu l’impression pendant l’élaboration du projet, qu’un homme photographiant des femmes nues passait mieux qu’une femme photographiant des hommes nus. Pour un homme, ça semble normal, c’est dans les règles de l’art, de la fameuse célébration du corps féminin. Pour une femme, ça semble suspect. Travailler avec Dan me permettait d’avoir un cadre de sécurité : je n’étais pas seule. Et puis il avait beaucoup de contacts dans une ville où je venais d’arriver, ce qui a simplifié les choses.

Marguerite. Comment avez-vous choisi vos modèles ? Avez-vous passé un casting ? une annonce ? Avez-vous pris absolument tous les volontaires ou avez-vous fait une sélection ? Et, une fois les séances faites, au moment de l’exposition, y a-t-il des modèles que vous n’avez finalement pas affichés ?
Dan en a d’abord parlé autour de lui : certains des modèles sont des amis, des connaissances à lui. On a également réalisé des flyers qu’on a distribués et certains modèles sont venus par le biais d’une association de naturistes. Pas de casting. On voulait que les hommes viennent comme ils étaient. C’était très important pour nous, car nous voulions nous éloigner de l’image traditionnelle que l’on peut voir d’un sexe d’homme, bien membré, en érection. Le but n’était pas de faire des photos érotiques, mais de montrer la diversité du corps masculin en se focalisant sur les fesses et les sexes. Nous avons pris tous les volontaires dans la limite des quinze premiers pour une raison de temps : nous avons réalisé quatre séances, dont une avec cinq modèles la même journée. C’est long ! C’est très difficile de rester créativement en alerte, de trouver de nouveaux angles de vue, de ne pas faire les mêmes photos… Tous les modèles ont été exposés. C’était important pour nous aussi de donner une place à chacun, car chaque modèle a sa particularité.

Marguerite. Les modèles étaient-ils des hommes habitués à poser nus ?
Pas du tout, sauf un. Ils n’étaient même pas habitués à poser en fait. Certains étaient plus habitués que d’autres à se mettre nus (les naturistes), mais d’autres sont venus pour dépasser leur timidité. L’un d’entre eux nous a envoyé un message après l’exposition pour nous remercier de l’avoir aidé à sortir de sa coquille. D’autres ne s’étaient jamais mis nus devant une femme, car ils étaient gays – certains ont même refusé de participer au projet pour cette raison !

Marguerite. Savez-vous quelles étaient les motivations des modèles ?
Certains nous en ont parlé. Le modèle qui a posé pour « Tattoo » par exemple était dans une période déprimante à cause de nombreuses opérations. Venir se faire prendre en photo nu était un moyen de briser son quotidien, de faire quelque chose d’amusant et de se réapproprier son corps. Il était vraiment heureux d’être là et ce fut un plaisir de le photographier. Ce fut pour moi certainement une des meilleures séances. Nous avons soupçonné d’autres modèles d’avoir des motivations un peu plus… inavouables… mais il n’y a jamais rien eu de déplacé entre eux et nous.

©Dan Ziemkiewicz et Luise Y.

Marguerite. Avez-vous relevé un point commun fort entre vos modèles (physique ou psychologique) ? À part qu’ils avaient deux fesses !
Non et c’est justement ce que nous cherchions. Le seul point commun est peut-être que beaucoup sont homos mais ça vient du milieu dans lequel Dan a ses amis qui se sont portés volontaires. Physiquement, ils étaient tous différents : des maigres, des gros, des athlétiques, des Blancs, des Noirs, des Asiatiques, des Métisses, des poilus, des rasés, des tatoués, des piercés, un transsexuel (femme devenue homme mais qui n’a pas été opérée), des jeunes, des vieux… Paradoxalement, pour mon oeil de photographe, à la fin d’une journée, je ne faisais plus de différences : une queue est une queue ! La curiosité première – qui est là, forcément, car les médias et la culture nous donnent quand même à voir plus facilement des sexes féminins que des sexes masculins – a fait place à un réflex professionnel, artistique. Seul m’importait le nouvel angle de vue que je n’avais pas exploré.

Marguerite. Avez-vous des modèles estropiés, défigurés ou ayant une malformation, le tout invisible sur les photos ?
Non, mais un des modèles a eu un cancer des testicules et il lui en manque une. C’était vraiment un sujet douloureux pour lui et c’est ce qui l’a longtemps fait hésiter à poser pour nous. Or, c’était justement ce genre de différence que nous recherchions. Lors de la séance, je ne me suis souvenue qu’à la fin de cela : je n’avais pas vu la différence !

Marguerite. Des modèles ont-ils refusé certaines poses ? certains cadrages ?
Uniquement pour des raisons de confort, comme s’asseoir par terre. Pour le reste, ils ont toujours été très coopératifs. Pour ma part, je ne les mettais jamais dans des positions qui auraient pu les gêner. Le but était vraiment qu’ils se sentent le plus à l’aise possible. D’ailleurs, très souvent, je leur demandais de prendre une position dans laquelle ils se sentaient bien, beaux, à l’aise.

Elenore. Pourquoi le noir et blanc ?
En ce qui me concerne, je fais l’essentiel de mon travail photographique en noir et blanc. D’abord pour des raisons de facilité : je trouve cela plus simple à maîtriser que la couleur (et comme j’ai longtemps fait de l’argentique et fait mes propres tirages, c’est avec des films N&B que j’ai appris la photo). Je trouve aussi que le N&B, surtout pour des corps en gros plans, permet de saisir les particularités de la peau, de la mettre en relief, de jouer sur les ombres et les contrastes.

Marguerite. Pourquoi ne prendre que des hommes ? Avez-vous l’envie de le faire un jour avec des femmes ?
C’est vraiment parti du constat que le corps masculin avait finalement peu de place en photographie en dehors de canons esthétiques codifiés. Il était important pour nous de donner à voir et à parler du corps masculin et en particulier du sexe masculin. La représentation phallique, d’un point de vue symbolique, est partout dans notre culture, mais il y a finalement peu de représentations de pénis au-delà de la représentation phallique de la puissance et d’une sacro-sainte virilité du sexe en érection et triomphant. A l’inverse, il n’y a pas de représentation symbolique du sexe féminin (il n’y a d’ailleurs pas d’équivalent à « phallus » dans la langue), mais beaucoup dans l’art. C’est pour cela que je ne souhaite pas forcément faire la même chose avec des femmes, même si c’est intéressant. Mais ça me semble plus « déjà-vu ».

Marguerite. Qu’est-ce qui était le plus gênant pour les modèles, montrer leurs fesses ou montrer leur sexe ?
Les fesses ne posent pas de problème en général. D’ailleurs, dans les annonces, on avait insisté d’abord sur le sexe puisqu’on pensait que si quelqu’un acceptait de nous montrer son sexe, il accepterait sans problème de nous montrer ses fesses ! Et c’est ce qui s’est passé d’ailleurs. Les fesses étaient vraiment une partie intéressante à photographier, bien que difficile pour ce qui est de varier les angles de vue. Très souvent, les fesses tendent à l’androgynie. Sur certaines photos, c’est très ambigu et parfois seuls les poils permettent de dire qu’il s’agit de fesses masculines.

Heads or tails / Pile ou face, exposition de Dan Ziemkiewicz et Luise Yagreld.

Au Bodé SPA à Ottawa jusqu’au 25 juin – 17 Marlborough Avenue – Ottawa, Canada.

Un petit coup de fil avant de passer pour s’assurer que quelqu’un pourra vous recevoir : 613.565.2633

Heures d’ouverture du Bodé SPA :
Lundi-Vendredi : 10h-20h
Samedi : 10h-17h
Dimanche (sur RDV) : 12h-20h

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One Response to #7 Entretien – Heads or tails / Pile ou face : photographies de sexes et de fesses d’hommes

  1. Marc
    19 avril 2013 at 20 h 54 min

    En tout cas si en posant pour vous on peut vaincre sa timidité et mieux accepter son corps, je veux bien poser pile et face pour vous.
    Savoir qu’aux yeux d’une photographe mon corps en vaut un autre et qu’il en va de même pour ceux qui voient mon sexe et mes fesses sur internet et en expo ce serait pour moi je pense plutôt valorisanr.

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