#6 A boire et à manger : les cosmétiques gourmands

15 avril 2011
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Du frigo à la douche

Chez moi, si vous cherchez une « crème sorbet désaltérante », de la « chantilly délicieuse », des « gourmandises », ou une tablette de chocolat, n’allez pas dans ma cuisine où ces produits sont bannis à tout jamais, mais dans ma salle de bains. Du baume à lèvres au goût de Fanta à mon gel douche au miel, tout ce que j’applique sur mon corps me rappelle ce que je m’interdis d’ingérer en bonne diet-addict que je suis.

D’ailleurs, est-il seulement possible d’échapper à des produits de ce type aujourd’hui ? Faites un tour dans une parapharmacie, une boutique de cosmétiques ou même dans le rayon beauté d’un supermarché : tout tourne frénétiquement autour de la bouffe. A moins de se rabattre sur les rayons pour peaux atopiques (j’adore ce mot, symbole de tous les produits sans odeur, sans parfum, sans allergène, sans rien quoi), force est de constater que les produits dits « gourmands » envahissent les rayons.

Ça ressemble à du sucre, c’est doré comme du miel, mais ce n’est pas de la nourriture

On pourrait trouver des tas de raisons pour expliquer ce succès ; commençons par la plus simple : dans une société qui bannit les kilos en trop mais qui prône la gourmandise au même titre qu’elle élève au rang d’impératif la nécessité de jouir et de vivre une sorte d’épicurisme à marche forcée, seul le leurre de savons en chocolat peut résoudre une telle schizophrénie. Eh oui, se tartiner d’huile sucrée, c’est avoir le beurre, l’argent du beurre sans se payer les grosses fesses de la crémière. A la frustration du régime s’ajoute alors une autre frustration : celle qui consiste à voir presque tous ses sens sollicités – cette gelée à la prune a l’aspect d’une gelée, l’odeur d’une prune et si elle s’écrase par terre, elle fait le même plop que le dessert qu’on aurait pu ingérer ; en la ramassant enfin, elle a la même consistance un peu visqueuse que l’entremet- tous les sens sauf un, et le plus fondamental : le goût. Ayons alors une petite pensée émue pour notre cerveau obligé de renoncer à un truc carrément appétissant. En même temps, est-ce que ça le change des moments où des messages « NON AU NUTELLA » se superposent à l’image de l’énorme pot du vendeur de crêpes ? Pas sûr, parce que finalement, le fait de ne pas pouvoir manger la banane-barre-de-massage rencontre l’interdit pesant sur le gras, le sucré, le salé.

Cinq fruits et légumes par jour

D’ailleurs, plus la saveur imitée par les cosmétiques gourmands est soumise à la vindicte des magazines, plus elle est considérée comme réjouissante. Si vous prenez un gel douche à la tomate, vous êtes une fille sportive, qui prend soin de son corps et qui recherche de la vitalité, si vous vous gommez au raisin bio, pareil, vous êtes bien dans vos baskets, healthy et dynamique, mais pas très sensouelle, quoi. En revanche, si vous vous jetez sur le morceau de sucre à faire fondre dans votre bain, ou si vous achetez une poudre pour le corps senteur « chocolat », alors là, ma vieille, on vous promet monts et merveilles. Non seulement, vous deviendrez super bôôôôônne, mais en plus, en deux temps trois mouvements vous serez au septième ciel.

CC Chris Nichols

Eros et gros-gatosses

Car oui, c’est là aussi la clé de tout cet édifice gourmand : jouer avec la nourriture est follement érotique. Rappelez-vous Kim Basinger en train de se faire couvrir de miel par Mickey Rourke devant un frigo dans Neuf semaines et demie… Autant prendre du vrai miel, pensez-vous ? Mais malheureuse ! Imaginez un peu comme ce sera collant et comme vous allez galérer à tout nettoyer quand votre amant sera parti ! Non, n’oubliez pas qu’en plus de vivre dans une société anorexique, on vit dans un monde ultra aseptisé : s’il faut être gourmande sans grossir, il faut aussi contrôler le dirty sex. Point trop n’en faut : l’ersatz lavable conçu par les fabricants de cosmétiques suffira bien à vous donner l’illusion d’être Kim. Du coup, pour des sensations fortes, rabattez-vous sur des coffrets tout faits où à côté du gel gourmand et du string en bonbons se trouveront des fausses menottes censées réveiller vos sens endormis. Un soupçon SM pour contrebalancer la couleur rose du gel, tout est prévu, on vous dit.

Si sexe et nourriture vont évidemment de paire, est-ce que la mode de la fausse nourriture est une façon de mettre en danger une sexualité véritable ? Peut-être pas, du moins, on peut espérer que les accessoires des coffrets érotiques en tout genre ne soient finalement qu’une façon supplémentaire de se marrer avec son ou sa partenaire et que l’huile de massage à l’odeur de noisette ou que les préservatifs saveur fraise ne remplacent aucunement le vrai goût de l’autre. Toujours est-il que les senteurs artificielles des produits pour le corps rappellent à quel point ces cosmétiques répondent à une demande un peu régressive de saveurs sucrées associées à l’enfance : il n’y a qu’à voir la matière des bonbons-strings qui rappellera immanquablement à votre partenaire sa deuxième année de maternelle. De là à en conclure, peut-être hâtivement, que la sexualité a régressé à un stade oral, il n’y a qu’un pas…

En même temps

Alors que faire ? Aller jeter tous les flacons estampillés « gourmands » de chez soi et racheter du vrai chocolat ? Oui, ce serait peut-être la solution… En même temps, vous n’avez pas idée du bonheur que c’est de s’oindre avec les produits sucrés Lush décrits dans l’article suivant.

Pourquoi renoncer ? Allez, c’est hypocrite et régressif et tout ce qu’on veut, mais bon sang que c’est agréable.

Graooou (=> ronronnement de la fille qui s’apprête à se faire un bain à la vanille)

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