#6 La guerre des bonbons

15 avril 2011
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Sournoise et parfois sanglante, la guerre des bonbons fait rage dans nombre de foyers de France et de Navarre. Bien des parents capitulent devant la motivation sans faille de leurs bambins capables de réclamer du sucre à longueur de journées, en employant toutes les techniques inventées au fil des générations, du regard de cocker abandonné sur une aire d’autoroute au roulage par terre avec cris et pleurs sur-dimensionnés. Parce qu’après tout, nous ne sommes que des êtres humains, et il se trouve que la grande majorité d’entre nous n’a pas été entraînée par les Forces Spéciales pour résister au chantage affectif et à la torture…

CC Stéphane Le Dû

Préserver leur capital santé

Alors que faire, pour préserver nos petiots des risques d’une consommation excessive de friandises ? D’abord, j’oserais rappeler quelques banalités, mais qui sont bonnes à avoir en tête lorsqu’on a décidé de ne pas céder. Si l’on ne veut pas que les enfants se gavent de bonbons, c’est bien sûr avant tout pour qu’ils acquièrent un rapport sain à l’alimentation, ce qui leur évitera d’avoir des problèmes de santé à l’avenir. On a tendance à l’oublier, mais mêmes les dents de lait doivent être protégées, si l’on veut éviter d’avoir à emmener son gosse de cinq ans à l’hôpital pour lui arracher toutes ses dents déjà cariées et en train d’abimer ses futures quenottes (et oui, ça arrive…).

Bref, notre but est avant tout de préserver leur capital santé. Oui, mais n’oublions pas un aspect tout aussi important : la découverte des saveurs. Le seul goût dont on peut dire qu’il est inné, c’est-à-dire que le bébé aime immédiatement, c’est le sucré. Tous les autres se développent avec le temps et donc au gré des occasions. Encore faut-il créer ces occasions, ce qui est bien difficile si l’enfant est déjà gavé de sucre.

L’apprentissage de la frustration

Enfin, n’oublions pas un aspect capital de ce combat, comme tant d’autres combats de parents : l’apprentissage de la frustration. Savoir accepter qu’on ne peut pas avoir ce qu’on veut quand on veut, ça s’apprend, ça ne vient pas tout seul. C’est aux parents de jouer ce rôle, même si ce n’est pas le plus sympa de la panoplie… Et à ceux qui me diront : « ce n’est pas si grave, c’est juste un bonbon, on ne va pas s’empoisonner la vie pour ça ! », je répondrai que certes, un bonbon de plus ou de moins, ce n’est pas grave, mais un enfant qui n’aura pas appris à renoncer à ses envies ne saura pas une fois adulte comment vivre dans une société qui interdit plus qu’elle n’autorise. La frustration est gérable pour la plupart d’entre nous, et c’est ce qui rend le monde vivable, c’est ce qui empêche les gens de se frapper, de se voler, de se tuer, de se violer…

CC Elisa Azzali

En pratique, on fait comment ?

Bon, tout ça, me direz-vous, c’est de la théorie, mais en pratique, on fait comment ? D’abord, il faut se fixer des règles, des principes de base, en quelque sorte. Parce que si vous devez, à chaque demande, réfléchir, peser le pour et le contre, parlementer avec vous-même avant de démarrer les hostilités, le combat est perdu d’avance. Votre petit trésor sentira votre confusion avant même que vous ayez commencé à ouvrir la bouche pour répondre, et s’en servira pour vous retourner comme une crêpe bien cuite. Loin de moi l’idée de penser que les enfants sont des diables de manipulation, mais il faut bien reconnaître que lorsqu’ils ont une idée dans la tête, ils peuvent se révéler de fins stratèges…

Se fixer des règles, donc, savoir quand on dira systématiquement non, par exemple : juste avant le repas, après s’être brossé les dents, après un dessert déjà consistant,… Ces règles permettent de supprimer une hésitation trop dangereuse, et si elles sont cohérentes, inamovibles et énoncées clairement, n’importe quel enfant sera capable de les intégrer, plus ou moins rapidement. A chacun sa manière de faire, mais l’idée, comme dans toute démarche éducative, est de mettre en place des limites qui permettront à l’enfant de savoir jusqu’où il peut aller, et ainsi de le rassurer. Car rappelons-le, cadrer un enfant, ce n’est pas le brimer, ni le priver de liberté, c’est construire autour de lui un climat stable, rassurant, dont il connait les lois, et sur lequel il pourra s’appuyer pour apprendre à vivre avec les autres.

Une méthode qui a fait ses preuves: les bonbons du mercredi

Pour être plus précise, je pourrais vous parler d’une méthode qui a fait ses preuves, et que je recommande chaudement à de nombreux parents : celle de ma mère. Chez nous, il y avait une grosse boîte à bonbon, toujours remplie, sagement rangée dans un placard à la cuisine. Elle était là, juste à côté de nous jour après jour, et pourtant, nous n’avons jamais eu à la réclamer. Tous les mercredis – et uniquement les mercredis, c’est là l’astuce géniale – après le déjeuner, une fois la table débarrassée et la vaisselle faite, nous nous asseyions tous autour de la table de la cuisine, les yeux pétillants à l’idée du festin que nous allions dévorer. Ma mère sortait alors la fameuse boîte, l’ouvrait et la déposait sur la table devant nous. La règle était simple : nous avions alors le droit de manger tous les bonbons que nous voulions, et une fois que nous étions repus, la boite retournait dans son logement jusqu’à la semaine suivante. Le plaisir était visuel -quoi de plus beau qu’une boite en fer débordant de bonbons aux couleurs acidulés…?-, olfactif, et bien sûr gustatif. On salivait à l’avance, on dégustait une fois le couvercle ôté, et on se délectait du souvenir de cette orgie de sucre après. Je ne vous cacherai pas qu’il m’est arrivé d’abuser parfois, mais la sensation désagréable qui suit une overdose de bonbons a suffi peu à peu à m’apprendre à arrêter à temps pour ne pas être malade. Et finalement, la boîte était rarement vide lorsqu’elle rejoignait son placard….

Et bien que je ne sois plus une enfant depuis longtemps, j’ai encore une boîte à bonbons chez moi. Elle reste la plupart du temps dans son placard, mais parfois, malgré un brin de culpabilité (il paraît que les bonbons, c’est pas pour les adultes, mais je n’ai toujours pas compris pourquoi…), je la sors, et j’en profite, avec un grand plaisir…

Qui veut une fraise tagada ?

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