#5 Mieux vaut un bon divorce qu’un mauvais mariage ?

15 mars 2011
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En février dernier sont parus les résultats d’une récente étude réalisée par l’Union des Familles en Europe (1) sur les conséquences néfastes du divorce sur les enfants. Lorsque les médias se sont emparés du sujet, peut-être que mon oreille de travailleuse sociale s’est montrée très subjective, mais j’ai eu le sentiment que le message était très culpabilisant à l’égard des parents, et peu constructif. Comme ce titre, dans l’Express : « Le divorce affecte durablement les enfants ». (2)

Un message très culpabilisant à l’égard des parents

Cette étude a été réalisée par internet, sur la base d’un questionnaire transmis à un échantillon de 1137 d’adultes (la moitié a plus de 35 ans, l’autre entre 18 et 35) ayant connu la séparation de leurs parents. Elle met en lumière la souffrance des « enfants du divorce », qui implique des conséquences négatives à long terme tant du point de vue de la personnalité (pour 88% de sondés, cela est vécu comme un « séisme »), que des études (56% parlent d’absence de motivation, de difficulté de concentration, de dépression), ou des choix professionnels (41%). Ce dernier chiffre est suivi du commentaire : «  « Je suis assistante sociale maintenant (surtout pour réparer….) »,  « je suis médiatrice familiale ». Et puis il y a ceux qui ont des difficultés à affronter la vie professionnelle : manque de confiance, paralysie, anxiété, instabilité… ». Donc, si je comprends bien, finir travailleur social, c’est la déchéance…?

Disons que cette étude, en somme assez rapidement lue, et si l’on oublie les sous-entendus quelque peu moralisateurs, met tout de même l’accent sur des vérités qui restent encore bonnes à dire : « Les enfants auraient aimé qu’on leur parle et leur explique la séparation, sans qu’on leur fasse prendre un quelconque parti », « au moment du divorce, 49% des enfants doivent faire un choix affectif », ou encore « Parents, cessez de discréditer l’autre parent devant vos enfants ! 71% des enquêtés en ont souffert. », etc.

©Luise Yagreld

Certains mariages sont un enfer organisé

Mais quand je lis : « Le divorce de vos parents : un soulagement durable ? Non pour 74%. Un sentiment durable d’isolement ? Oui pour 59%, ou encore d’abandon ? Oui pour 59%. », là, je commence à avoir peur. Parce que certes, le divorce cause des blessures, il peut être l’occasion d’une sale guerre, mais certains mariages sont un enfer organisé, une torture au quotidien pour les enfants. Certains gamins rêvent que leurs parents se remettent ensemble jusqu’à leur majorité (voire plus), c’est sûr, mais d’autres prient pour que les leurs se séparent…

Loin de moi l’idée de faire l’apologie du divorce, entendons-nous bien. Il est certain qu’il est préférable de réfléchir avant de faire voler un couple en éclat, mais il me semble qu’il y finalement assez peu de gens qui divorcent sur un coup de tête. Et je pousserais volontiers le bouchon plus loin en disant qu’il y a surtout beaucoup de couples qui hésitent trop avant de se séparer. Mais, et la transmission des valeurs, c’est important me diront certains! Si l’on veut montrer à ses enfants que la famille c’est important, qu’on ne doit pas y renoncer trop facilement, qu’on doit se battre pour la préserver, il faut bien tout tenter, non ? Alors là, je dis oui, mais je dis aussi : j’demande à voir !

Parce que des couples qui mettent tout en œuvre pour sauver leur amour (en reprenant la communication, en posant cartes sur table, en se faisant aider,…) , tout en réussissant à protéger leur descendance des éclats d’obus, on en voit pas tant que ça… Passé un certain cap, on peut assister à tant de souffrance et d’incompréhension, tant de peur et de rancœur que le dialogue devient lentement mais sûrement impossible. Soit les chemins se séparent, soit on continue à vivre ensemble envers et contre tout, mais sans aucune envie. La seule valeur qu’on finit alors par transmettre à nos enfants, c’est que la famille, c’est tellement sacré, que même si on y est malheureux à crever, on y reste.

Un vaste champ de bataille où les enfants participent à la lutte

Et n’oublions pas que les conseils aux parents fraîchement divorcés du type « ne discréditez pas l’autre parent » s’applique bien sûr tout aussi logiquement aux couples encore unis. Ben oui, parce qu’il ne suffit pas de se dire que de telles attitudes font souffrir les enfants au moment du divorce, il faut aussi réaliser que c’est tout aussi douloureux pour eux, et peut-être encore plus incompréhensible, lorsqu’ils subissent de tels discours de la part d’un ou des deux membres d’un couple qui a décidé de rester ensemble. Si l’on parle des valeurs transmises, on peut se questionner sérieusement sur ce que le gamin va en retenir…

Alors oui, le divorce peut avoir des conséquences tragiques sur les enfants, mais le mariage aussi. Sans entrer dans les détails terrifiants qu’on peut trouver dans certains dossiers de la Protection de l’Enfance, disons qu’il y a des couples qui deviennent très dangereux pour leurs enfants, parfois même sans en être réellement conscients.

Et je parle bien ici de couples, et non d’individus. Car je crois qu’il faut différencier ce que construisent deux personnes ensemble de ce qu’elles auraient pu construire seules ou avec un autre partenaire. Un couple de ne réduit pas à la somme de ses membres -de même qu’une famille-, les gens font des choses ensemble, bonnes ou mauvaises, qu’ils n’auraient pas faites seuls. Et qu’ils décident de vivre ensemble ou de se quitter, si leur relation est trop abîmée, trop destructrice, ils peuvent construire autour d’eux un climat malsain, nocif, voire toxique, un vaste champ de bataille dans lequel les enfants prennent bien souvent les armes et participent à la lutte. Sans avoir aucun pouvoir réel, ni aucune chance de gagner, car une guerre, on le sait bien, ne finit jamais bien.

Halte au sacro-saint couple !

Et si nous arrêtions de croire au sacro-saint couple uni pour la vie comme seul capable de rendre un enfant équilibré et heureux ? Et si on se disait plutôt que ce dont un enfant a vraiment besoin, c’est d’attention, de protection, de sécurité, de stimulation, d’affection et d’amour ? Ça paraît cucul, comme ça, je sais bien, mais il est parfois bon de revenir aux essentiels, et de se poser les bonnes questions face à certaines affirmations.

-Affirmation :
« Je suis malheureux(se), mais je ne peux pas divorcer, ce serait trop dur pour mes enfants »

-Question :
« N’est-ce pas dur pour les enfants de voir Maman/Papa pleurer un soir sur deux? »
«  N’est-ce pas dur pour les enfants d’entendre des disputes, même si ce n’est que derrière la porte? »
«  N’est-ce pas dur pour les enfants de croire qu’ils sont la cause de ces disputes, tout en se sentant diablement impuissants? »
«  N’est-ce pas dur pour les enfants d’imaginer qu’ils sont nés de l’amour alors qu’ils ne voient que la colère et les reproches? »
«  N’est-ce pas dur pour les enfants de se sentir obligés de soutenir celui des deux qui leur semble le plus fragile, au risque de perdre l’amour de l’autre ? »

L’éducation, un prétexte pour régler ses comptes devant témoins

Si je voulais être vraiment cynique, et après des heures de travail avec des couples en crise, qu’ils vivent ensemble ou pas, je dirais que le problème, ce n’est pas le divorce, c’est le couple en lui même : certains se révèlent incapables de déposer les armes, malgré toutes les conséquences que cela peut avoir sur leurs enfants, enfermés dans leur obsession de ne pas perdre, et de terrasser l’autre.

L’éducation des enfants devient alors une source intarissable de conflits dans les couples, séparés ou non, et elle peut n’être finalement qu’un prétexte pour régler ses comptes devant témoins. Aussi, quelque soit le cas de figure, la règle d’or serait, si l’on veut avant tout protéger nos chères têtes blondes, de toujours bien distinguer rôle parental et vie conjugale.

(1) http://www.uniondesfamilles.org/enquete-enfants-du-divorce.htm
(2) http://www.lexpress.fr/actualite/societe/le-divorce-affecte-durablement-les-enfants_958090.html

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