#4 BD : L’Homme qui se laissait pousser la barbe

15 février 2011
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L’Homme qui se laissait pousser la barbe est une bande-dessinée de l’auteur belge Olivier Schrauwen parue en novembre 2010 aux Actes Sud – L’An 2. Cette bande-dessinée faisait partie de la sélection officielle du festival d’Angoulême. Olivier Schrauwen avait déjà été sélectionné en 2007 pour sa bande-dessinée Mon Fiston.

J’étais très fière, pour ce nouveau numéro des Fauteuses sur les poils, d’avoir trouvé une bande-dessinée dont le titre me laissait penser que j’étais pile poil (vous me pardonnerez l’expression) dans le sujet ! Mais que nenni, ce livre ne fait aucunement référence à un quelconque éloge du poil. Tous les héros de ces brèves histoires sont des hommes et sont barbus mais l’auteur y fait très peu allusion, du moins, de manière claire et transparente. Il y a seulement dans l’histoire, qui porte le même titre que la bande-dessinée que l’auteur souligne la virilité et la pilosité du héros allant même jusqu’à lui faire chevaucher un équidé prénommé Phallus ! Et même si l’une des nouvelles traite des différents types de cheveux (cheveu fou, sage, rigide…), le poil n’est définitivement pas le fil d’Ariane de cet ouvrage. Dans un premier temps, ce fut une véritable déception de ne pas avoir trouvé LA bande-dessinée sur les poils. Puis, dans un deuxième temps, j’ai repris du poil de la bête et j’ai quand même décidé de chroniquer cette bande-dessinée.

Je ne vais pas pouvoir vous résumer brillamment L’homme qui se laissait pousser la barbe, ce n’est pas que j’aie un poil dans la main, c’est surtout que ce recueil d’histoires courtes (sept au total) peut très difficilement se résumer. De prime abord, il est d’ailleurs difficile de se saisir de cette bande-dessinée. Son apparent manque de cohérence mais également son extrême originalité peuvent déstabiliser le lecteur. Les styles graphiques explorés sont très variés et peuvent renforcer cette sensation d’incohérence. On passe du dessin en noir et blanc, au dessin qui exploite seulement des couleurs froides, à celui qui met en scène uniquement des couleurs chaudes et vives. Le trait est parfois très précis et parfois beaucoup plus abstrait. Il évoque parfois les vieilles bandes-dessinées, les illustrations désuètes pour enfants ou bien encore Marc Chagall avec certaines planches au doux parfum slave. Cette bande-dessinée est donc une véritable œuvre graphique explorant de nombreux styles esthétiques et permettant à Olivier Schrauwen de démontrer ses talents de pasticheur.

Pour pénétrer dans l’univers fantasmagorique d’Olivier Schrauwen il faut donc lâcher prise et se laisser aller en oubliant tous les codes préétablis, sinon vous aurez l’impression que l’auteur vous prend à rebrousse-poil. Il ne manque à aucun moment de toupet et n’hésite pas notamment, dans la nouvelle la grotte, à se réapproprier l’histoire de l’humanité. Sa nouvelle version de la naissance de l’humain sur terre n’a évidemment rien à voir avec la théorie de Darwin ou bien avec la genèse biblique. Il interroge les principes de l’évolution basés, ici, sur l’infini de l’imagination. On voyage donc systématiquement dans le surréalisme, la loufoquerie et l’onirisme mais, tout l’art d’Oliver Schrauwen, consiste à nous faire garder un lien proche avec la réalité et à nous faire réfléchir sur notre monde contemporain. Pour cela, l’auteur ne recule devant rien, tout aussi bien dans l’expression graphique que dans la narration, n’oubliant jamais de glisser de subtils traits d’humour.

L’apparente incohérence du début s’estompe peu à peu et finit par disparaître complètement. L’ensemble de ces sept histoires a pour dénominateur commun l’expression et la représentation de l’imaginaire alliées au besoin d’évasion. On se laisse doucement happer par tant d’extravagance, de poésie et d’originalité et on finit le recueil en apothéose avec l’imaginiste qui met en exergue de manière limpide tout ce qu’Olivier Schrauwen distillait au fur et à mesure de ses histoires. Lorsque la réalité devient une limite insurmontable, l’imagination nous permet de la dépasser, pour qu’ainsi, tout devienne possible.

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