#1 Les effeuilleuses se ramassent à la pelle

15 novembre 2010
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Faire de vos seins des instruments capables de faire tournicoter des pompons pailletés, voilà ce que promettent depuis quelques temps certains cours d’effeuillage ou de « burlesque » comme diraient les Américains. Mais en quoi consistent ces cours et comment expliquer leur succès, c’est ce que vous allez découvrir en suivant Gigi chez les pin-ups de Paris.

Quand Dita donne envie d’imiter Rita

Tout a commencé avec la passion de Rebecca, une connaissance virtuelle, pour Dita von Teese, la grande, l’unique. C’est là que le mot « burlesque » a cessé d’être pour moi associé aux procédés parodiques en littérature pour devenir le synonyme de fille-bien-roulée-en-sous-vêtements-dans-un-verre-de-Martini. Et puis il y a eu Tournée, d’Amalric et ses danseuses si fascinantes, si délicieusement différentes, dégageant une aura incroyable.
Alors j’ai eu envie, moi aussi, de mettre des trucs en plume, de grands gants noirs, des talons et des bas résilles. J’ai eu envie de jouer à la femme femme, un peu comme quand je piquais les escarpins de l’armoire maternelle étant gamine. Pourtant, autant l’avouer tout de suite : passé l’enthousiasme des premiers instants, j’ai commencé à prendre conscience que, même avec des paillettes et des plumes, un effeuillage restait quand même une façon de se mettre toute nue (ou presque). Sans queue ni tête, des idées ont alors jailli de mon esprit tout à coup troublé… Ça a débuté par un monologue intérieur où je pesais le pour et le contre d’un jeûne d’un mois afin de rentrer dans un mini-corset (bah oui, avant de le dégrafer et de le jeter sur un public déchaîné, il faut d’abord pouvoir le mettre…) et puis ça s’est poursuivi par une vraie question sur le succès de la mode du burlesque.

Les paradoxes du burlesque ou les mânes de Simone sur le gril

Après tout, savoir faire tourner ses cache-tétons en prenant une pose lascive n’est pas la marque de la plus haute distinction : ça, c’est bon pour une héroïne d’Ellroy, agitant ses nénés pailletés sous le nez de gros bonnets argentés, pas pour des jeunes femmes modernes, libres et indépendantes.
Eh bien si ! C’est du moins ce que clament toutes les pin-ups du XXIème siècle et ce qu’affirment tous les articles que l’on trouve sur le sujet. A grands coups de marketing, le business de l’effeuillage se nourrit de ce paradoxe : c’est en montrant ses fesses qu’une femme acquiert de la force. Inutile de nier, je vous vois déjà en train d’imaginer la grande Simone se retourner dans sa tombe. Et pourtant, les arguments avancés sont imparables : se mettre à nu permet d’avoir confiance en son corps (dixit une nana faite comme une bombe atomique), c’est une façon de dire non aux diktats de la mode (dit toujours celle qui met du 36 à tout casser) et surtout c’est LE truc qui apprend à assumer sa féminité. En d’autres termes : pour être une femme, une vraie, il faut maîtriser le déhanché. On n’est pas si loin du débat qui a suivi la sortie du livre de Badinter il y a quelques mois de cela, à la seule différence que les bas résilles ont remplacé les écharpes de portage et que les pasties se sont substitués aux soutiens-gorge d’allaitement. La maman et la putain… that’s the whole story.

Jouer à la Betty ou le monde merveilleux des ENS du strip

Et pourtant, difficile de voir dans les leçons d’effeuillage tellement à la mode aujourd’hui une quelconque façon de remettre en question certains principes féministes : ce qu’on y fait est bien inoffensif et le cours devient surtout l’occasion de bien se marrer entre copines. Dans une atmosphère bonne enfant, entre filles, on joue à se déguiser à l’aide d’accessoires surannés, on imite les icônes glamour des années 1950, on prend des poses de pin-ups avant de se trémousser et de se trouver über-sexy. Enfin, avant d’en arriver là, il faut déjà trouver un cours et ce n’est pas ce qui manque : des écoles, parfois dites supérieures (l’ENS du strip-tease en somme) sont créées en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Si certaines ont le mérite de proposer de vrais cours de danse agrémentés de leçons d’effeuillage, d’autres offrent (enfin, façon de parler, vu le prix que ça coûte) un parcours par étapes : apprendre à se trouver un nom (c’est sûr que seule, on ne pourrait pas le trouver), à se fabriquer des pasties (d’ailleurs en lisant Fauteuses de Trouble, vous saurez tout sur l’art de se confectionner des cache-tétons), à jeter son soutien-gorge, à enlever un gant à la Gilda, et surtout, dit-on, à réveiller la pin-up qui sommeille en vous. Et pour cela une seule solution : imiter la diva américaine qui consent à vous instruire et à vous révéler les secrets du Graal Glamour. Et là, franchement, entre nous, mieux vaut imiter directement Rita devant son dvd : c’est moins cher et plus efficace.
Car au fond, quand on y pense, quel est l’intérêt de prendre une leçon d’effeuillage ? Se sentir à l’aise dans son corps ? Certes, mais un cours de danse suffit à travailler là-dessus (et d’ailleurs, Juliette Dragon, fondatrice de L’École des Filles de Joie, ne s’y est pas trompée en ouvrant sa séance par une heure et demie de modern’ jazz). Alors à quoi servent ces cours ? Apprendre à enlever ses vêtements ? Rien ne vaut la pratique du strip-tease at home, infiniment plus stimulante. Apprendre à faire la pin-up ? Pourquoi pas ? Mais dans ce cas, autant prendre exemple sur Betty ou Marilyn. Non, le seul vrai intérêt de ces cours réside dans le fait que l’apprentie effeuilleuse se confronte aux regards d’autres filles, sacrément plus redoutables que ceux des hommes, et qu’elle s’expose ainsi dans toute la fierté de ses fesses exhibées.

Déshabillez-moi ?

Alors la leçon d’effeuillage est-elle faite pour vous ? Oui, si vous aimez les années 1950 et l’imaginaire glamour qui s’y rapporte. Oui, si vous aimez les boas et les faux diamants. Et oui, si vous avez toujours secrètement rêvé démontrer à la face du monde que vous étiez capable de faire tourner les pompons collés sur vos tétons dans le sens des aiguilles d’une montre. Maintenant, si vous pensez découvrir dans ces cours le truc qui va changer votre vie, passez votre chemin. Et puis n’oubliez pas que les effeuilleuses d’aujourd’hui sont les héritières des strip-teaseuses qui jouaient entre des numéros de mimes ou de chants dans les music-halls américains de la première moitié du XXème siècle aux États-Unis : le burlesque a donc d’abord une vocation comique et c’est bien uniquement en considérant la dimension ludique de la chose que vous pourrez sincèrement vous amuser du haut de vos talons aiguilles. Sur ce, je vous laisse, j’ai des poupoupidou à répéter devant le miroir de ma salle de bains…

Note : Juliette Dragon donne des cours de burlesque les samedis après-midi à la Bellevilloise, à Paris. http://www.collectif-surprise-party.com/programme-ecole-des-filles-de-joie.html

One Response to #1 Les effeuilleuses se ramassent à la pelle

  1. Anaphore
    30 novembre 2010 at 4 h 24 min

    C’est bon, j’ai compris ce que c’est les pasties…
    Des écoles de strip tease… elles sont folles ces Parisiennes !

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